Le boulot, c'est l'boulot ! (Deuxième partie)

Le catalogage d’un livre peut sembler aisé et la très grande majorité d’entre nous se sortirait avec bonheur d’un tel travail, à condition d’en respecter quelques règles et quelques contraintes. Voici quelques opérations élémentaires auxquelles le professionnel se livre pour rendre son livre identifiable sur le net :
Nous allons partir du principe que nous n’utilisons pas de logiciel spécialisé mais d’un système simple qui nous permettra, de plus, de contempler le travail accompli. Un tableur de type Excel, qu’il provienne de Microsoft ou d’Open Office, fera l’affaire.
On le sait, ces logiciels permettent de créer des listes par colonne et peuvent être réutilisés pour les bases de données utilisées par les grands sites de vente. Le travail auquel on va se livrer ici va être la transposition du fichage de la fiche bristol vers la fiche électronique. Chaque colonne utilisée concernera un aspect particulier du livre, chaque ligne ne concernera qu’un livre. Il faudra donc au départ déterminer ce qui sera mis dans chaque colonne. Nous le verrons ci-après, avec la description du fichage.
Si nous avons défini l’outil, qui est fort simple, le reste va se définir par une série de manipulations précises mais dont la succession dépendra de la nature du livre. Ainsi, une série en plusieurs volumes ne s’appréhende pas de la même manière qu’un ouvrage broché ou relié. Leur approche peut subir quelques variations.
Mais, toujours, le premier contact avec un livre à décrire se fait par la manipulation de celui-ci. Il s’agit dès le premier contact de rassembler un certain nombre d’informations. Elles sont grosso modo de deux ordres :
- L’aspect physique du livre. Inutile de perdre son temps avec un ouvrage dont le nombre de tares dépasse l’intérêt d’une vente par correspondance. En effet, le libraire – il est parfois utile de le rappeler – est un marchand et s’il perd son temps a décrire un ouvrage défectueux (ce qui est plus long que pour un ouvrage en bon état dont on a subséquemment rien à dire), il ne s’occupe pas d’un livre de meilleur rapport. Par ailleurs, ce premier contact va servir au libraire à définir un certain nombre de défauts et de caractéristiques qui vont lui servir quand il va entreprendre de le décrire. Ainsi est-il préférable de noter immédiatement si l’ouvrage a des pages cornées, des soulignures, des manques aux pages, feuillets ou couvertures. La somme de ces détails accompagnera sa décision de répertorier ce livre dans ses listes ou non. Lorsque ces défauts dépasse le potentiel du livre (chose en partie subjective) alors il convient de renoncer. C’est ici la grande différence avec le libraire de neuf, par exemple qui n’a presque jamais à se soucier d’examiner un livre de cette sorte.
- L’intérêt éditorial du livre. Il n’y a aucun intérêt à ficher les livres suivants :
Quand la Chine s’éveillera de Peyrefitte
Que serais-je sans toi ?, de Musso
Si c’était vrai ?, de Lévy
Les Nothomb.
Aucun de ces livres ne rencontreront un acheteur potentiel. Les bouquinistes débordent de cette indigeste prose et les libraires les foutent à la poubelle. Il en va de même pour les Harry Potter. Toute cette littérature a saturé le marché et les bibliothèques particulières. Chaque fois que votre serviteur a fait l’acquisition d’une bibliothèque, il a dû virer tout ce fatras et bien plus. En réalité, ce que conserve un libraire se résume à ce qui constitue une littérature pérenne. Cela ne correspond pas forcément à la qualité supposée des livres, dans un sens ou un autre, d’ailleurs. Il va de soi que l’intérêt du professionnel se reporte vers des écrivains dont la réputation n’est plus à faire ou qui donne toutes les garanties de qualité ou de talent. Mais il peut faire le choix de défendre également quelques auteurs ou quelques courants littéraires, ce qui rehausse considérablement la qualité et le plaisir de son travail. Il peut encore faire appel à son flair et faire le pari sur les fortunes futures d’un écrivain.

(à suivre)

Barboteur

Barboteur, s. m. Synonyme de Fricoteur et de Pilleurs de boîtes.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

Mystérieux Expéditeur (7) : honte sur moi…

Eh oui, je l'avoue, je le confesse, j'ai très sérieusement bricolé, cafouillé, procrastiné, en un mot, déconné. Honte à moi, donc, car franchement, là, j'ai traîné…
De quoi parlé-je ? Du Mystérieux Expéditeur. Si vous ne savez pas encore de quoi il retourne, allez voir ici.
Pour les autres, je vous épargnerai le résumé, mais je ne demande pas votre pardon. Parce que le dernier envoi du Mystérieux Expéditeur m'est quand même parvenu début août. Et je ne vous en fait part que maintenant. Honte sur moi. Parce que, certes, j'ai eu du travail et toutes sortes de contingences (et notamment le courrier qui ne m'est pas parvenu pendant un bon mois…), mais j'aurai sans aucun doute pu trouver le temps de vous compter ce nouvel épisode depuis belle lurette si je m'y étais décidé.
Pourquoi ne l'ai-je pas fait ? Là aussi, il y a mystère. Je ne sais pas, tout bêtement. Une lassitude ? Peut-être, mais inconsciente, alors. Et toute autre hypothèse reste une énigme pour moi…
Bref, désolé pour vous, chers lecteurs, de cette plus qu'exagérée nonchalance.
Et encore plus pardon au Mystérieux Expéditeur. C'est quand même lui qui se décarcasse à trouver régulièrement des envois tous plus ingénieux, amusants, intriguants, malicieux. Et moi qui ne trouve rien de mieux à faire que de ne pas en faire part. On comprendrait à moins qu'il se lasse. Mais qu'il ne m'en veuille pas, je me fustige bien assez tout seul…


Cela étant dit, venons-en à cet envoi, daté du 17 juillet, mais arrivé bien plus tard chez moi, réexpédition du courrier aidant (j'ai déménagé en avril, le service fonctionne pendant un an…) et courrier "égaré" par le facteur "freinant" (j'ai découvert cet envoi toute fin août, en fait…). De quoi s'agit-il cette fois-ci ? D'une superbe carte postale. Au recto, une illustration dans un style faussement naïf avec un phare chapeauté par une immense hélice, le tout sur une île minuscule. Et une légende : L'anticyclone des Açores, à l'arrêt. Saillie aussi amusante que surréaliste, au sens premier du terme. Pour tout dire, j'adore ! D'autant plus que les Açores forment un archipel d'îles superbes, que j'ai visitées à deux reprises avec un immense bonheur (et, du reste, l'écriture du ME ressemble énormément à celle d'une des personnes avec qui j'ai été en ces lieux, où figure notamment une "zone du mystère" qui porte bien son nom : la route qui la traverse semble être en descente – et pourtant, si vous mettez votre voiture au point mort, elle va reculer !).
Au verso, diverses indications sur le créateur de cette carte postale. On apprend ainsi qu'elle fait partie de la série "Les petits matins après-midi" éditée par Plonk & Replonk (nom qui m'évoque quelque chose, d'une autre personne avec qui j'ai voyagé…), maison sise à La Chaux de Fonds. Sans oublier ce très amusant "Imprimé en France à 800 mètres d'altitude chez Monsieur Bobillier" quelque peu dissimulé sous l'étiquette de réexpédition.
Autre élément notable, le timbre, célébrant le 150e anniversaire du rattachement de Nice à la France (un événement auquel je ne vois aucun lien avec moi, je n'ai pas d'attache particulière avec Nice…).
Et les inscriptions manuscrites (au crayon à papier) suivantes : 17.7.X pour la date et "C'est presque moi !" comme seul texte, en dehors de mes nom et adresse, écrits eux au feutre (ou stylo à encre, je ne sais) violet.
Bien. Nous savons donc que "c'est presque moi" le Mystérieux Expéditeur. Le seul souci étant que nous ne savons pas qui est "moi"… Et que je suis sûr que ce n'est pas moi (le moi moi, pas le "moi" lui – ou elle…) qui me lève la nuit et me livre à ces étranges activités. Je serais tout à fait incapable d'écrire ainsi.
Alors, quels indices apporte cette carte postale ? Comme je l'ai dit, les Açores m'évoquent des voyages fort agréables en ces lieux. Avec des personnes très proches. Le Mystérieux Expéditeur serait-il (ou plutôt elle, dans ce cas) l'une de ces proches ? L'écriture de l'une d'elles est effectivement assez proche de celle de cette carte et des précédents envois. Mais je serais assez surpris, pour d'autres raisons, que ce soit le cas. Quant à l'autre, je n'y crois pas une seconde, pour diverses raisons personnelles…
Donc, les Açores. Et Nice. Et Plonk & Replonk, de La Chaux de Fonds. Plonk étant, comme je le suggérais plus haut, un nom qui m'évoque une énorme crise de rire avec quelqu'un qui m'est très cher. Et proche également de la personne qui pourrait être soupçonnée via les Açores. Mais, tout cela est bien tiré par les cheveux et ne me convainc guère.
Quant au "C'est presque moi !", cet "aveu" est à mon avis encore plus perturbateur qu'une dénégation ! Aussi déroutant que le "Je peux mentir" de Fred Brown !
Bref, ne me voilà guère plus avancé. Si l'un de vous a une quelconque idée…


Quant à vous, très cher (ou chère) Mystérieux Expéditeur, j'espère que ma lenteur à évoquer votre envoi ne vous aura pas découragé. Je vous promets, en tous cas, que si nouvel envoi il doit y avoir, je me ferai un plaisir de raconter son contenu au plus vite à nos amis du blog du Tenancier.

Otto Naumme

Barboter

Barboter, v. a. Voler des sortes dans la casse de ses camarades. Se dit souvent à la place de Fricoter et de Piller.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

Le boulot, c'est l'boulot ! (Première partie)

Des questions reviennent souvent de la part d’interlocuteurs qui me parlent de mon travail au quotidien : « Avez-vous un site ? », « Vous avez des clients que vous connaissez, alors ? », « Comment faites-vous pour que vos livres apparaissent sur le ouèbe ? », etc. Ces questions dénotent que ces personnes ont désormais conscience que la sphère d’activité du libraire d’occasion, d’originales ou d’ancien, ne recouvrait plus tout à fait l’image que l’on pouvait s’en faire il y a encore peu de temps, c'est-à-dire l’image d’une personne planquée derrière à la comptoir à la dérive sur un océan de volumes, recevant ses clients, discutant… A toutes ces questions si simples, les réponses ne varient guère :
- Non je n’ai pas de site car l’évolution du net ne rend pas cela pertinent pour mon activité et représenterait même une perte de temps. En revanche, certains confrères spécialisés ou « haut de gamme » en possèdent. Ceux-là touchent un public international et ont besoin d’une vitrine très spécialisée. La plupart des libraires s’inscrivent, eux, à des sites généralistes ou leur fonds est représenté à égalité avec celui des confrères. La différence se joue alors par le prix et la qualité de l’ouvrage présenté.
- Je ne possède pas de fichier de clientèle proprement dit puisque je ne travaille que par correspondance et que les livres que je présente ne sont point si spécialisés. Je suis donc isolé des personnes que je pourrais rencontrer, privé en quelque sorte de dialogue avec ces personnes. Du reste, de moins en moins de gens se déplacent vers les librairies. La vente directe en magasin a fortement régressé et ceux qui tiennent encore boutique ne le font que parce que c’est une occasion de se voir proposer des livres. En effet – et il semble que ce soit vérifiable également pour d’autres sphères d’activité, les timbres par exemple – on ne tient plus un pas de porte que par les aubaines que peuvent représenter les personnes qui en franchissent le seuil pour vous proposer qui une bibliothèque, qui un héritage, qui un ouvrage rare…
- Pour vendre mes livres sur le net, je fais une chose fort simple : je les fiche, c'est-à-dire que je fais un descriptif de l’ouvrage pour qu’il soit identifié par l’acheteur potentiel, selon des normes préétablies et les contraintes générées par les logiciels.
Généralement les questions s’arrêtent ici, et satisfont la plupart des personnes. Bien sûr, la réalité est toujours plus complexe que des réponses qui sont devenues pour moi des automatismes. S’il n’y a pas à revenir sur les deux premières réponses, la troisième recouvre tout de même toute une charge de travail, et une simplicité, que le néophyte ne peut soupçonner…

(à suivre)

Barbe

Barbe , s. f. . La barbe dit l'auteur de Typographes et gens de lettres, c'est ce moment heureux, ce moment fortuné, qui procure au malheureux une douce extase et lui fait oublier ses chagrins, ses tourments et sa casse ! Que ne trouve-t-on, pas dans cette dive bouteille ? Pour tous, elle est un soulagement aux travaux ennuyeux ; pour quelques-uns un moyen de distraction ; d'autres y cherchent l'oubli, un certain nombre l'espérance. La barbe a des degrés divers. Le coup de feu est la barbe commençante. Quand l'état d'ivresse est complet, la barbe est simple : elle est indigne quand le sujet tombe sous la table, cas extrêmement rare. Il est certains poivreaux qui commettent la grave imprudence de promener leur barbe à l'atelier ; presque tous deviennent alors Pallasseurs, surtout ceux qui sont taciturnes à l'état sec.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

Marquer sa page


Image transmise aimablement par Eva Truffaut qui n'oublie pas le si prestigieux et si captivant métier de bibliothécaire...

Banque

Banque, s. f. Paye des ouvriers. Le prote fait la banque aux metteurs en pages, qui à leur tour la font aux paquetiers. Ce mot entre dans plusieurs locutions. Par exemple on dit: La banque a fouaillé, pour indiquer que le patron n'a pas payé au jour dit. Être bloqué à la banque, c'est ne rien recevoir. Faire banque blèche s'emploie dans le même sens.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

Nos 10/18 (Interlude)







La renommée du Tenancier est internationale et l’enthousiasme suscité par les suites du billet de notre cher ami George Weaver fait que notre standard est en passe d’être saturé !
On trouvera ci-contre un choix de plus d’ouvrages de la collection 10/18. Ceux-ci sont récents et présentés par une lectrice passionnée. On accepte volontiers ici de déroger à la règle implicite que nous nous étions fixée : présenter des couvertures d’ouvrages parus – ou peu s’en faut – sous le règne de Christian Bourgois. Mais s’il est un déplaisir vif, c’est bien celui qui consiste à bouder l’enthousiasme de nos lecteurs, ah mais ! C’est ainsi que Julie nous présente un choix personnel mais qui reflète assez bien les tendances actuelles de la collection, plutôt orientées – dans sa série littéraire – vers des auteurs anglo-saxons. On est loin, certes des audaces formelles et des réflexions propres à son ancien avatar. On remarquera par ailleurs que c’est toute l’édition qui s’est transformées et que nous ne pouvons comparer que les collections dans leur contexte naturel. Visiblement, le public de 10/18 s’est rajeuni et semble plus hédoniste que ses aînés. D’autres aspects de cette collection se sont développés et qui n’existaient pas vraiment sous «l'ancien régime», comme les polars historiques, dont la série presque emblématique des Frère Cadfael a longtemps été la plus représentative. On retrouve également des polars confessionnels ou ethniques, etc. Nombre de titres, encore, sont issus du choix personnel de Christian Bourgois, comme l’ouvrage de Jim Harrison, ci-contre, encore. Même si l’ombre du Grand Éditeur se profile encore derrière quelques ouvrages, on remarquera que les temps des grandes découvertes son révolus. Il n’y aura plus de Nadeau pour faire découvrir un Lowry au public français, plus de Bourgois pour Burroughs… ce qui ne veut pas dire pour autant que nous n’aurons plus de rencontres. Seulement ces choix seront plus disséminés et on pense du côté de cet écran que le courage se trouve maintenant chez quelques petits éditeurs…
Alors, peut-on raisonnablement supputer que le 10/18 actuel équivaut à l’ancienne collection ? Certes pas et c’est pour cela que nous proposons ce choix comme un interlude. Malgré ce que nous venons de dire, cet éventail demeure pertinent et utile. Il a été fait par ce que nous présumons être une jeune femme enthousiaste qui s’avère une lectrice… nous voulons dire une véritable lectrice, de celles que le libraire de neuf que je fus aimait accueillir et essayer de comprendre dans ses choix pour l’aider à trouver sa provende. Mais sans doute est-elle de cette profession ? Alors, c’est sans doute cette joie-là, communicative, qui me fait regarder en arrière sans déplaisir, pour mon propre compte.
On recommande au final la visite du blog qu’elle anime et qui s’intitule «Jules se livre » en émettant seulement une infime réserve quant à celui-ci à propos des comptes-rendus de lecture. La brièveté de ceux-ci ne rend pas justice à la lectrice avide que nous pensons reconnaître.

Balle (Enfant de la)

Balle (Enfant de la), S. m. Ouvrier compositeur dont le père était lui-même typographe, et qui, depuis son enfance, a été élevé dans l'imprimerie. L'origine de cette expression, qui est passée dans la langue vulgaire, est assez peu connue. Elle vient de ce que, avant l'invention des rouleaux, on se servait, pour encrer les formes, de tampons ou balles.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

Nos 10/18 (11e partie)

A l'occasion de la parution du billet de George Weaver, j'avais suggéré la chose suivante dans les commentaires : "Il ne me reste donc plus qu'à faire un appel vibrant aux lecteurs de ce blog pour les convier à un petit jeu : Rassemblez tous vos 10/18, sélectionnez-en (pas plus de 10) et expédiez-m'en les scans de couverture, histoire de faire une sorte de panégyrique de la collection ! [...] "

Comme je vous l'avais annoncé il y a quelque temps, je n'ai pas pu récupérer toutes les images qui m'avaient été transmises pour alimenter cette rubrique. Je me résous donc à diffuser une nouvelle volée de couvertures issues de ma bibliothèque en attendant une nouvelle moisson de votre provenance, chers lecteurs...

Collectif - Le Western

n° 327 à 330. - A.I. : 31 juillet 1969.


Erle Cox - La sphère d'or - Tomes 1 & 2

n° 870 & n° 871. - A.I. : juin 1974


J.P. Bouyxou - La science-fiction au cinéma

n° 564 / 565 / 566. - D.L. : 2e trimestre 1971


Francis Lacassin -Mythologie du roman policier - Tomes 1 & 2

n° 867 & n° 868 - A. I. : juin 1974


Alain Lacombe - Le roman noir américain

n° 918 - A.I. . : janvier 1975


Hubert Juin - Lectures du XIXe siècle - Tomes 1 & 2

n° 1032 & n° 1178. A. I. : février 1976 & octobre 1977


Delfeil de Ton - Les lundis de D.D.T. - Tomes 1 & 2

n° 1216 & n° 1217. A. I. : février 1978


Gisèle Mathieu-Castellani - Eros baroque

n° 1283. - A. I. : décembre 1978


Ben Hecht - Je hais les acteurs

n° 1530.- A.I. : septembre 1983


John Fante - Demande à la poussière

n° 1954. - D.L. : septembre 1988



Pour ceux qui désirent m'envoyer de ces couvertures, donc, il vous suffit de vous reporter au bas de ce blog, à gauche et de cliquer sur "contact"...

Balader (Se)

Balader (Se), v. pr. Flâner, se promener sans but déterminé.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

A Chr. Bo., "amicalement"...

Carnets et Citations du Président Miaow
Chat de Tenancier
14 novembre.
L’affaire est entendue, mon Maître n’est qu’un tigre de papier, alors que le félin de la maison, c’est moi. Il se prend pour un libraire qui aurait une conscience. Mes camarades de gamelle et moi-même en rions encore. Ces humains vivent d’illusion. Tout est illusion et mensonge dans leur monde. Regardez donc mon Maître qui se croit encore spirituel et élégant alors qu’il use ses pauvres bésicles devant un écran à feuilleter des livres malodorants, son ventre commençant à couler doucement sur ses jambes maigrelettes. Nous le tolérons encore ici car il peut être encore utile à notre Parti, c’est un idiot utile. Le Parti sait se rendre charitable en laissant errer ces pauvres âmes entre les murs de leur existence. Et puis mon Maître fait moins de mal qu’il ne le croit. Mais moi, tout Président Miaow que je suis, je sais bien que ces illusions peuvent aller plus loin. J’ai vu mon Maître se laisser abuser par quelqu’un qui écrivait assez bien. Mais nous les chats savons qu’il ne faut jamais se laisser abuser par une plume. Et cette plume là a usé du mensonge en lui faisant croire qu’il avait un manuscrit chez un éditeur, qu’il allait bientôt y être embauché, que l’amitié qu’on faisait mine de lui prodiguer était un retour conséquent de sa propre existence. Mon Maître est bien naïf de prendre pour argent comptant ce qu’on lui raconte. Mais il croit lui-même qu’on le prend au sérieux lorsqu’il raconte qu’il est libraire. Allons donc ! Mais là où mon Maître n’est que naïf, l’autre humain est une pure saloperie qui soutire du pognon et des sentiments à autrui sous couvert de littérature. Nous, les chats du Parti, nous avons déjà souvent vu les ravages que les fantasmes des lettres génèrent : âpreté, mensonge, dissimulation, lâcheté… à croire que ces humains ont déjà fréquenté la Bande des Cat ! Mais, foi de Président Miaow, je sens que mon Maître s’est senti sali et déshonoré. Fort heureusement nous avions veillé au grain et le dommage ne fut que minime. Nous allons quand même et peut être devoir le renvoyer en rééducation. Notre Parti a été informé que mon Maître ne fut qu’une victime extrêmement mineure. Tant mieux, car nous avons encore besoin de temps pour achever la période transitoire qui mène à la Révolution.
Quant à l’autre humain, il se révèle comme notre ennemi de classe : jouant de l’amour, de la confiance et de l’amitié, il fait partie de la clique des révisionnistes bourgeois qui puent de l’haleine et de l’âme.
Pas digne de nous autres, chats révolutionnaires.

Balade

Balade, s. f. « Promenade, flânerie, » dit Alfred Delvau. C'est vrai; mais, pour les typographes, la balade est quelque chose de plus ; c'est une promenade au bout de laquelle il y a un déjeuner, un dîner, ou tout au moins un rafraîchissement; c'est aussi la promenade au hasard et sans but déterminé ; mais il arrive presque toujours que l'un des baladeurs a une idée lumineuse et entraîne ses camarades dans quelque guinguette renommée.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

Lettre à Phil au sujet des courtiers en livres

Non, cher Phil, je ne vous ai pas oublié, seulement votre message s’était égaré dans un dossier que je consulte peu. Dans ce fort aimable message, vous vous interrogiez sur ce que pouvait bien être un Courtier en livre. L’espèce est étrange. Ainsi j’ai le souvenir d’un de ceux-là, être excentrique aux opinions politiques assez factieuses, voire cagoulardes (il était de cette génération) et qui circulait dans Paris, impérial sur son Vélosolex, une bombe de jockey sur la tête, en enfilant crânement les sens interdits. Une sacoche usée gisait comme un vieil animal mort sur le porte bagage de l’engin, bridée par des tenders. A l’intérieur, on était assuré de trouver une originale, en tirage de tête, avec envoi. Cet homme faisait donc la profession de Courtier. Il semble bien que cette activité qui comptait peu de membres se soit encore plus raréfiée. Cela consistait à gérer un portefeuille de clients bibliophiles et à aller à la pêche aux ouvrages rares soit en hôtel de vente, soit chez les libraires. Il arrivait parfois que ces courtiers vendent également à des libraires, souvent des exemplaires dont n’avaient pas voulu les clients : ouvrages de bibliophilie, éditions originales, illustrés, etc. Naturellement, le courtier prélevait une marge pour chaque transaction. L’intérêt d’une telle activité résidait évidemment dans le fait que le Courtier s’employait activement à compléter votre bibliothèque ou vos desideratas sans que vous-même ayez à vous déplacer à telle vente publique ou telle librairie à l’occasion de la sortie d’un catalogue. Évidemment, le recours à un tel intermédiaire était un sport de riche et, ceci impliquant cela, concernait des pièces plutôt rares et d’un intérêt exceptionnel, au point que l’amateur ne rechignait point à rétribuer ces personnages. Le courtier, au fait des goûts et des tendances – car il y en a en bibliophilie – devait être au fait du marché et posséder une culture assez étendue, en résumé être un interlocuteur, voire une sorte de « directeur » pour le bibliophile. Certains, du reste, ont pris en charge le catalogage des bibliothèques qu’ils étaient chargés d’alimenter. On le voit, cette profession est affaire d’érudition et dénote pour celui qui l’exerce un certain goût pour l’indépendance, si je puis me permettre cet euphémisme. Si j’en parle plutôt au passé, c’est bien parce que l’apparition d’Internet a facilité considérablement la recherche et l’obtention d’ouvrages, même fort rares. Le courtier en livre a été, en quelque sorte, remplacé par les sites de vente (l’érudition en moins, concernant ces intermédiaires, la plupart du temps). Il est cependant encore une sphère de la bibliophilie ou s’exerce le courtage – et où il est sans doute encore lucratif – c’est le domaine du manuscrit et des incunables dont on voit assez peu d’exemplaires circuler sur la toile. Ces objets de grande valeur appartiennent à une autre sphère du marché du livre, qui confine plutôt à celui du marché de l’art.
Il ne faut pas oublier non plus que le courtage permit ainsi à un éditeur comme Losfeld de survivre, voire de financer ses premiers projets d’édition. Cela portait sur la littérature érotique, domaine où la discrétion et l’intermédiaire étaient d’ailleurs indispensables au bibliophile érotomane, en ces années où les procureurs de la république gaullienne requéraient des peines de prison pour les pornographes. Car, rappelons-le, la statue du Commandeur avait une âme de rosière.
Phil, le reste de ma réponse – qui ne concerne plus ce sujet – sera dans le mot que vous ne tarderez pas à recevoir.
Bien cordialement…

Avaro

Avaro, s. m. Avanie, et aussi accident. Nous orthographions ce mot à tout hasard. Quelle en est l'origine? Nous l'ignorons. Peut-être vient-il d'avarie.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

Huguette Lendel

Finissons ici et maintenant cette sorte de triptyque sur le sujet de l’illustration – c’est une disposition qui tombe bien. On sait fort bien, accessoirement, que nous n’avons en aucun cas abordé le sujet ni même effleuré celui-ci. On s’en est gardé car il n’est pas certain que l’on aurait dit des choses intelligentes, le sujet de l’illustration et a fortiori celui du livre illustré est complètement en dehors du domaine dans lequel le Tenancier exerce. Tout au plus en a-t-il des notions. Il se contente donc de donner envie.
Huguette Lendel est une jeune artiste belge. On avait envie ici d’informer tout ce beau monde du prochain vernissage qu’elle fera à Bruxelles prochainement. On aimerait que ses rapports avec les livres soient plus développés encore.


Pour le lecteur pressé soumettons-lui un des collages, transmis fort gracieusement par l’artiste sous forme électronique (mais le Tenancier accepte d’en recevoir un en vrai, si si).


"Vivre n'est pas si intéressant" (collage)



Enfin, après avoir transmis l’adresse de son site personnel


On incitera les lecteurs, les oisifs, les curieux, les désabusés, comme les passionnés à adhérer


Le Tenancier vous remercie de votre attention.

Attrape-science

Attrape-science, s. m. Nom ironique par lequel les ouvriers désignent quelquefois un apprenti compositeur. L'attrape-science est l'embryon du typographe; la métamorphose demande trois à quatre ans pour s'accomplir; vers seize ou dix-sept ans, la chrysalide est devenue papillon, et le gamin s'est fait ouvrier. À l'atelier, il a une certaine importance: c'est le factotum des compositeurs; il va chercher le tabac et fait passer clandestinement la chopine ou le litre qui sera bu derrière un rang par quelque compagnon altéré. Il va chez les auteurs porter les épreuves et fait, en général, plus de courses que de pâté. Quand il a le temps, on lui fait ranger les interlignes ou trier quelque vieille fonte; ou bien encore il est employé à tenir la copie au correcteur en première, besogne pour laquelle il montre d'ordinaire une grande répugnance. Parfois victime des sortes de l'atelier, il en est aussi le complice ou le metteur en oeuvre. Il nous revient en mémoire une anecdote dont le héros fut un apprenti. Ses parents habitant dans un faubourg, notre aspirant Gutenberg apportait à l'atelier sa fripe quotidienne, dont faisait souvent partie une belle pomme. Le gaillard, qui était un gourmet, avait soin de la faire cuire en la plaçant sur un coin du poële. Mais plus d'une fois, hélas ! avant d'être cuite, la pomme avait disparu, et notre apprenti faisait retentir les échos de ses plaintes amères: « Ma pomme ! on a chipé ma pomme! » La chose s'étant renouvelée plus souvent que de raison, l'enfant s'avisa d'un moyen pour découvrir le voleur. Un beau jour, il apporta une maîtresse pomme qu'il mit cuire sur le poêle. Comme le gamin s'y attendait, elle disparut. Au moment où il criait à tue-tête: « On a chipé ma pomme! » on vit un grand diable cracher avec dégoût; ses longues moustaches blondes étaient enduites d'un liquide noirâtre et gluant, et il avait la bouche remplie de ce même liquide. C'était le chipeur qui se trouvait pris à une ruse de l'apprenti: celui-ci avait creusé l'intérieur de sa pomme et avait adroitement substitué à la partie enlevée un amalgame de colle de pâte, d'encre d'imprimerie, etc. L'amateur de pommes, devenu la risée de l'atelier, dut abandonner la place, et jamais sans doute il ne s'est frotté depuis à l'attrape-science.
Certains apprentis, vrais gamins de Paris, sont pétris de ruses et féconds en ressources. L'un d'eux, pour garder sa banque (car l'attrape- science reçoit une banque qui varie entre 1 fr. et 10 fr. par quinzaine), employa un moyen très blâmable à coup sûr, mais vraiment audacieux. Il avait eu beau prétendre qu'il ne gagnait rien, inventer chaque semaine de nouveaux trucs, feindre de nouveaux accidents, énumérer les nombreuses espaces fines qu'il avait cassées, les formes qu'il avait mises en pâte, rien n'avait réussi: la mère avait fait la sourde oreille, et refusait de le nourrir plus longtemps s'il ne rapportait son argent à la maison. Comment s'y prendre pour dîner et ne rien donner? Un jour d'été qu'il passait sur le pont Neuf, une idée lumineuse surgit dans son esprit: il grimpe sur le parapet, puis se laisse choir comme par accident au beau milieu du fleuve, qui se referme sur lui. Les badauds accourent, un bateau se détache de la rive et le gamin est repêché. Comme il ne donne pas signe de vie, on le déshabille, on le frictionne, et, quand il a repris ses sens, on le reconduit chez sa mère, à laquelle il laisse entendre que, de désespoir, il s'est jeté à l'eau. La brave femme ajouta foi au récit de son enfant, et jamais plus ne lui parla de banque. Le drôle avait spéculé sur la tendresse maternelle: il nageait comme un poisson et avait trompé par sa noyade simulée les badauds, ses sauveurs et sa mère. -- Nous retrouverons cet attrape-science grandi et moribond à l'article Lapin.
À l'Imprimerie Nationale, les apprentis sont désignés sous le nom d'élèves. Il en est de même dans quelques grandes maisons de la ville.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

Les mirettes, pas dans les fouilles, please !

Puisqu’il était question de livres illustrés récemment dans ce blogue, on s’autorisera par exception à faire de la réclame pour un confrère. La réclame étant devenue une pratique à haut risque on se jure ici qu’on ne reprendra pas le Tenancier de si tôt, tout de même…
Pour qui se sentirait un peu bref sur le sujet des livres illustrés ou qui voudrait simplement se remplir les mirettes à bon compte, on recommande la contemplation du catalogue électronique de Julien Mannoni. Il en existe certes de plus prestigieux mais nous savons du moins que ce libraire est passionné par ce qu’il vend. Le Tenancier se disant que tout est bon à prendre et apprendre, se permet donc de vous communiquer le lien qui mène à ce catalogue, et cela, précisément :


Certes, ce catalogue ne recouvre pas l’histoire du livre illustré, mais donne une idée de ce que pouvait être le travail d’un illustrateur du livre dans l’entre-deux-guerres tel que Laboureur et ce qu’allait devenir ce même livre illustré par la suite. Sans faire plus d’exégèse, on vous invite à lire les notices. Pour le lecteur pressé, quelques images ci-dessous :

Attraper

Attraper, v. a. Faire des reproches, chercher noise à un compagnon dont on croit avoir à se plaindre.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

Saturnin Lassicope, iconoclaste


Par une sorte de prescience adjugée par les dieux (ou alors Saint Jordi), nous vous avions conviés récemment à aller jeter un coup d'œil chez notre ami CLS. Celui-ci vient de se manifester de nouveau à notre attention en prenant pour sujet un auteur dont nous avons déjà fait une large publicité dans le passé : Jacques Abeille.
CLS a laissé le clavier à Saturnin Lassicope - modestie et retenue compréhensibles lorsque l'on sait que CLS est l'un des éditeurs d'Abeille - qui s'intrigue à propos de l'ouvrage ci-dessus récemment reparu de l'auteur. Résumons et ce très superficiellement : comment se fait-il que ce soit enfin la troisième édition des Jardins Statuaires qui bénéficie d'autant de publicité alors que les précédentes furent presque confidentielles ?
Nous vous laissons le soin d'aller découvrir la réponse à cette question dans le blog et qui a un fort rapport avec le titre de ce présent billet.
Émettons en parallèle à l'article de Saturnin Lassicope une autre hypothèse, qui la complète...

Tout auteur un peu précurseur ou dont l'univers diverge suffisamment d'une certaine littérature consensuelle ne recueille qu'exceptionnellement l'assentiment des lecteurs contemporains. Parfois, c'est dans un cénacle fort réduit que la prose - ou la poésie - de l'auteur perdure pendant des années. Nous aurions tous de ces exemples à donner pour illustrer ce constat. Tel fut le cas de Jacques Abeille, aimé d'un premier cercle de lecteurs avertis, voire d'esthètes. C'est dans ce premier cercle que se fomente une sorte de conspiration qui veut que l'on porte cet auteur comme par une sorte de fanatisme des lettres. Auteurs - en cela véritables confrères - éditeurs, critiques ont donc empêché Abeille de se dissoudre dans l'anonymat. Peu à peu ce petit monde a fini par s'étendre et communiquer l'existence d'Abeille à un public légèrement plus nombreux et dont le goût des lettres commençait à s'accorder à la prose d'Abeille. Nous voici dans le deuxième cercle. Comme libraire, j'en fis partie...
Peut-être qu'il est temps que Jacques Abeille trouve enfin ce public du troisième cercle, un public élargi. Tout à coup, nous risquons de ne plus trouver l'auteur tel que nous avions connu. Il est un risque qu'il encourt, celui du travestissement et du spectacle. Faisons confiance à Abeille pour qu'il continue de travailler dans l'exigence et qu'il sache conserver peut être une distance hautaine, nécessaire pour un écrivain de cette qualité.

p.s. : Naturellement, on se réjouit de l'intérêt actuel autour de Jacques Abeille.

Retraite complémentaire

Attrapance

Attrapance, s. f. Vive dispute.

Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883