Coquilles

Coquilles célèbres ou curieuses


Chacun, dit-on, a « le droit de prendre son bien où il le trouve » par conséquent de le reprendre, c'est ce qui nous autorise à puiser dans le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, cet immense répertoire ouvert si libéralement à tout venant, quelques-uns des détails préliminaire qui vont suivre.

On donne le nom de coquille, en terme d'imprimerie, à l'omission, à l'addition, à l'interversion ou à la substitution, dans les ouvrages imprimés, d'un ou de plusieurs caractères typographiques. Ces erreurs, qui proviennent soit de la faute du manuscrit, soit de l'ouvrier typographe, soit d'un oubli dans la correction, sont très difficiles à éviter. Les auteurs eux-mêmes, en revoyant leurs épreuves, plus préoccupés du sens que des signes matériels, laissent subsister souvent des coquilles grossières et très regrettables. Les ouvrages un peu longs où il ne s'en trouve aucune sont sans doute extrêmement rares. On cite cependant, dès 1557, une édition du traité de Cardan : De subtilitate (in-4°), imprimé par Vascosan, qui n'en contiendrait pas une seule. Mais on ne peut jamais se fier complètement à l'oeil de celui qui a fait une telle constatation, et il ne serait pas impossible que, contrôlé par un autre, l'ouvrage déclaré sans tache finît par en montrer quelqu'une. Aussi croyons-nous qu'il serait téméraire, pourquoi ne pas dire outrecuidant ? de signer sine menda. L'Anglais H. Johnson publia, en 1783, une notice relative à un nouveau procédé qu'il avait découvert et au moyen duquel l'erreur typographique disparaîtrait; mais la notice elle-même contenait une coquille: on y lisait Najesty pour Majesty. Le célèbre Horace de Didot (1799), que l'on disait sans faute, en offrait une dès le début.
L'effroyable écriture d'un grand nombre de manuscrits est la principale cause des coquilles. En général, les plus mauvais calligraphes se lisent très bien eux-mêmes, et ils en tirent naturellement la conséquence que le compositeur les déchiffrera tout aussi bien qu'eux: comme cette conséquence n'est rien moins que rigoureuse, il en résulte les plus affreuses coquilles.
Nous venons de dire que les auteurs, en général, parviennent à déchiffrer leur griffonnage. Or, c'est à dessein que nous nous sommes servi de cette expression, en général, qui n'a rien d'absolu, et c'est l'écriture de Jules Janin qui va nous prouver que cette précaution est prudente. Un matin, certain typographe du Journal des Débats arrive à l'ermitage de Passy, suant sang et eau, et place sous les yeux de son auteur une page de manuscrit dont il n'avait pu attraper miette. Janin saisit le feuillet d'une main triomphante, ajuste son lorgnon, essaye d'épeler, et... « Ah ! mon ami, ma foi, j'aurai plus tôt fait de recommencer une page de copie. » N'est-ce pas là le cas de dire avec Cicéron : Habemus reum confitentem ?.
— Ajoutons que, pour notre compte, nous avons employé deux jours pour lire trois feuillets de la copie du prince des critiques, et que ledit prince a dû renoncer à déchiffrer certains passages. C'était à l'Artiste.
Une autre cause non moins fréquente de coquilles est l'erreur dans la distribution, et par ce mot on entend l'opération par laquelle le compositeur, qui est en cela plagiaire de Pénélope, détruit le lendemain le travail de la veille, c'est-à-dire replace dans un même cassetin ou compartiment de sa casse les lettres de même nature: les a avec les a, les b avec les b, etc. On comprend que cette opération, s'effectuant le plus prestement possible, doit amener une foule d'erreurs. Par exemple, supposons que la lettre r soit lancée dans la case de la lettre c, et qu'une fois la distribution terminée, l'ouvrier ait à composer le mot capacité. r, qui ne se sent pas à sa place, sera certainement une des premières à se glisser sous les doigts du compositeur, qui lève toutes ses lettres de confiance; et, à l'épreuve, l'auteur sera tout étonné de voir que la capacité d'un de ses personnages s'est tout à coup transformée en rapacité.
Mais de la casse passons à la machine, du compositeur au conducteur, et ici encore il faut quelques petits détails préliminaires. Quand la copie est composée, mise en placards, corrigée, puis enfin disposée en pages, la forme est livrée à la machine, qui vomit chaque heure plusieurs milliers de feuilles noircies d'encre. Dans le cours de cette opération vertigineuse, une lettre saute, un grain se défile du chapelet; c'est alors que le conducteur replace la dent dans un alvéole quelconque. Si tu n'en sors pas, se dit-il à part lui, tu dois en sortir. Et souvent il en résulte ceci: supposons que le texte donnait cette phrase: « Les mots sont les signes de nos idées, » et que ce soit le g qui ait dansé une sarabande; il est remis entre n et e, et il en résulte cette reine des coquilles: « Les mots sont les singes de nos idées. » Représentez-vous toute une édition ornée de cette bourde, et voilà l'auteur accusé de connivence avec le célèbre diplomate qui disait: « La parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée. »
Avant de faire défiler devant le lecteur bienveillant le bataillon des coquilles de toute sorte qu'une longue pratique nous a permis de recueillir, aidé en cela par quelques-uns de nos complaisants confrères (1), nous nous sommes fait cette question: « Quelle est l'étymologie de ce mot bizarre : coquille, dans son acception typographique? » 
Avouons-le tout de suite: nous l'avons cherchée, inutilement, hélas! pendant plus de vingt ans.
Après avoir compulsé, sans succès aucun, un grand nombre de dictionnaires et d'ouvrages spéciaux, nous avons pris le bon parti. «Vous y avez renoncé, » direz-vous. — Que vous nous connaissez mal ! Nous avons imaginé une étymologie, nous souvenant à propos que cheval vient d'equus et caillou de silex.
Voici notre trouvaille: parmi les diverses cérémonies qui accompagnaient le mariage chez les Romains, il y en avait une qui s'est perpétuée en notre pays jusqu'à nos jours (dans les campagnes du Perche, on appelle cela danser la pochette rousse). Après la célébration de l'union conjugale — ce que nous appellerions aujourd'hui la bénédiction nuptiale — le mari jetait à terre des noisettes et des noix que se disputaient les enfants, pour marquer qu'il renonçait désormais aux choses de peu d'importance, aux bagatelles, aux étourderies, en un mot. Sparge, marite, nuces, chante un berger de Virgile dans la huitième églogue. En cette circonstance, nuces devenait synonyme de nugæ. Or, de la noix à sa coquille il n'y a pas loin, on en conviendra. Substituez l'une à l'autre, et vous aurez pour le mot coquille, pris figurément, la signification « d'étourderie, faute commise par étourderie. » C'est précisément ce qu'on entend par ce mot dans le langage typographique.
On nous accusera peut-être d'avoir usé d'un peu de subtilité et de dextérité pour arriver à notre but. Nous en conviendrons volontiers, à une condition: trouvez mieux, ou dites: « C'est bien possible! »
Ah! il y a aussi l'huître... et sa coquille. Dans ce cas, l'huître serait... Halte là! Par amour de la philologie, ne nous laissons pas entraîner à d'irrévérencieuses hypothèses.
Nous avons dit quelles sont les principales causes des coquilles. En général, ces erreurs, la plupart grotesques, ne tirent pas autrement à conséquence.
Toutefois il n'en a pas toujours été ainsi; en voici quelques exemples: Un célèbre imprimeur allemand donnait une nouvelle traduction de la Bible. Sa femme, pour qui l'autorité maritale n'était pas un article de foi, malgré le texte sacré, s'introduisit furtivement une nuit dans l'atelier où se trouvaient les formes typographiques. Arrivée à la sentence de soumission prononcée contre Eve dans la Genèse (ch. XXXI, verset 16): « L'homme sera ton maître», elle enleva les deux premières lettres du mot herr (maître, seigneur), et y substitua les lettres na, changeant ainsi la sentence: « Il sera ton maître (herr), » en celle-ci: « Il sera ton fou (narr), » c'est-à-dire ton jouet, ton esclave. On assure que cette protestation conjugale lui coûta la vie. — Se non è vero.



(1) Je remercie ici, entre autres, MM. Brueyre, Dambuyant, Granger, Lenoir, Monloup et Vandamme.



Étienne Dolet, imprimeur à Lyon, fut pendu et brûlé, comme athée et relaps, pour avoir ajouté les mots du tout à la fin de cette phrase, traduite de Platon: « Après la mort, tu ne seras plus rien. » Et peut-être cette addition n'était-elle qu'une malheureuse coquille.


La première coquille par transposition de lettres se trouve dans la suscription placée à la dernière page du célèbre Psautier de Mayence, imprimé en 1457 par Jean Fust et Pierre Schoeffer: il y a spalmorum pour psalmorum.


Une pareille transposition existe dans la préface que Robert Estienne a placée en tête de sa belle édition du Nouveau Testament (en grec, 1549), où se trouve pulres au lieu de plures. C'est à cette faute que les bibliophiles reconnaissent la bonne édition.
C'est elle! Dieu ! que je suis aise !
Oui, c'est la bonne édition.
Les voilà, pages neuf et seize,
Les deux fautes d'impression
Qui ne sont pas dans la mauvaise.
Tout le monde connaît le proverbe: « Faute d'un point, ou pour un point, Martin perdit son âne.» Peu de personnes en savent l'origine.
Comme l'anecdote rentre dans notre cadre, puisqu'il s'agit de la transposition du point, nous nous faisons un devoir de la rapporter.
On assigne deux origines à ce proverbe. Selon quelques auteurs, un certain Martin, abbé de Sonane, en procès avec un ecclésiastique qui lui disputait son abbaye, perdit son procès parce que, dans l'acte de cession, on avait omis de mettre un point, ce qui changeait totalement le sens de la phrase.
Selon d'autres, un abbé d'Asello, en Italie, fit inscrire sur la porte de l'abbaye :
Porta, patens esto. Nulli claudaris honesto.
(Porte, reste ouverte. Ne sois fermée à aucun honnête homme.)
Mais, par suite de l'ignorance du peintre, ce vers se trouva ponctué ainsi :
Porta, patens esto nulli. Claudaris honesto.
(Porte, ne reste ouverte pour personne. Sois fermée à l'honnête homme.)
Cette inscription inconvenante fut signalée au pape, qui donna immédiatement l'abbaye d'Asello à un autre ecclésiastique.
Celui-ci corrigea la faute, et ajouta le vers suivant :
Uno pro, puncto caruit Martinus Asello.
(Pour un seul point, Marlin perdit Asello.) Comme on le voit, cette expression proverbiale repose de toute manière sur un jeu de mots.
Sonane comme Asello est un nom de lieu, et ce dernier est tiré du latin asellus, petit âne.
Quelques chroniqueurs placent ce fameux abbé Martin dans l'abbaye d'Alne, en Belgique.


Tout le monde connaît aussi ce salut héroïque des gladiateurs défilant au Cirque devant le siège de l'empereur :
Ave, Cæsar, te morituri salutant.
(Adieu, César; ceux qui vont mourir te saluent!)
M. Gérôme a fait de cette scène un tableau émouvant.
Une affreuse coquille — on sait qu'elle ne respecte rien — a écrit :
Aves, Cæsar, te morituri salutant,
ce qui conviendrait parfaitement pour enseigne à un rôtisseur, si aves n'était du féminin :
« César, les volailles (les oiseaux) qui vont mourir te saluent! » — Mais il faudrait morituræ. La coquille n'est pas parfaite!


Dans le traité d'Erasme (qui avait été correcteur d'imprimerie chez Alde l'ancien, à Venise, et chez Froben, à Bâle), intitulé Vidua christiana, (la Veuve chrétienne), dédié à Marie, reine de Hongrie, soeur de Charles-Quint, une faute diabolique a rendu cette édition célèbre dans les fastes de la typographie. Érasme s'était exprimé ainsi en parlant de la reine de Hongrie: Mente illa usam eam semper fuisse, quæ talem feminam deceret. (Elle fit toujours usage de l'esprit comme il convenait à une telle femme.) On imprima Mentula (organe mâle de la génération), au lieu de Mente illa. Il n'est pas facile de traduire décemment. Qu'il suffise de savoir que le mot esprit se trouvait remplacé par un autre mot... obscène. Il y eut plus de 1,000 exemplaires distribués avant qu'on s'aperçût de cette erreur. Erasme a écrit qu'il eût donné 100 pièces d'or pour que cela ne fût pas arrivé. Nous le croyons sans peine.


Une autre fatalité fit attaquer et censurer Erasme par la Faculté de théologie de Paris, le 17 décembre 1527; ce fut l'addition de la lettre a qui fit amore du mot more, dans sa paraphrase des paroles de saint Pierre au chapitre XVI de saint Matthieu: Tu es Christus filius Dei vivi. Il avait écrit: Non suspicione proferens, sed certa et indubitata scientia profitens, illum esse Messiam a prophetis promissum, singulari MORE filium Dei. On lui fit dire AMORE. Il prouva, par une édition publiée en 1522, qu'il avait écrit more et non amore, n'ayant voulu rien dire autre chose que Jésus- Christ était fils de Dieu d'une manière toute particulière, et non « par la conséquence naturelle de l'amour. »


Si une voyelle ajoutée avait suscité une mauvaise affaire à Erasme, ce fut bien pis pour Flavigny, hébraïsant français et professeur au Collège de France. Dans une critique qu'il fit de la Polyglotte de Le Jay, où il signale un grand nombre de fautes existant au livre de Ruth, dans la version syriaque d'Abraham Echellensis, il cite un passage de saint Matthieu (ch. VIII, v.3) : Quid vides festucam in oculo fratris tui et trabem in oculo tuo non vides ? Le mot oculo, se trouvant à la fin de la ligne, fut divisé ainsi : oculo ; par un des mille accidents qui incombent à la typographie — lettres cassées, enlevées par le rouleau, etc. — l'o fut enlevé et il ne resta plus que culo (encore intraduisible, mais que le lecteur devine par analogie).
Echellensis cria au blasphème, au sacrilège; Flavigny protesta de son innocence, et montra les épreuves qu'il avait eues sous les yeux et dans lesquelles le texte n'était pas altéré. Cette démonstration ne suffit pas, et il fut obligé de jurer solennellement en public qu'il n'avait eu aucune intention coupable.


On prétend que la légende de sainte Ursule et des onze mille vierges, ses compagnes, est due, comme Vénus sortant des ondes, à cette coquille d'un traducteur. Le texte latin portait que sainte Ursule et sa compagne Undecimille avaient été martyrisées le même jour. Le traducteur, étonné de rencontrer le nom Undecimille, excessivement rare, supposa que le texte était altéré et qu'il fallait lire undecim millia c'est-à-dire onze mille.
Voilà pourtant comme se font les légendes!
C'est une confusion analogue qui a donné naissance à saint Rustique et à saint Éleuthère. Ces deux mots étaient, dans le vieux texte relatant le martyre de saint Denis, deux épithètes appliquées à l'évêque de Paris. On en fit plus tard deux compagnons de l'évêque, mis à mort en même temps que lui.


Voici une coquille de la même famille, qui rappelle celle à laquelle nous devons les Onze mille vierges et qui est sans doute tirée du même tonneau :
 Dom Gervaise, auteur de la Vie de l'abbé Suger, rapporte, à la page 31 du tome 1er, que, dans un acte de partage fait par les religieux de Saint-Denis, ceux-ci exigeaient, entre autres choses, qu'on leur fournit onze cents boeufs par an.
Vérification faite sur le titre original, il se trouva qu'on devait lire onze cents oeufs. La charte en question était sans nul doute écrite en latin, ce qui rend l'erreur plus difficile à comprendre: pourtant il y a à peu près la même similitude qu'en français, et de bovum à ovorum la distance est petite.


Voici maintenant une série de coquilles plus récentes. Puisse cette liste, un peu fastidieuse peut-être à cause de sa longueur, divertir pourtant le curieux qui consentira à nous suivre jusqu'au bout, un peu à l'aventure. Donnons d'abord les coquilles poétiques, c'est-à-dire celles qui s'attaquent au langage des dieux.


Qui n'a lu ces deux vers gracieux de Malherbe, dans son Ode à Duperrier sur la mort de sa fille :
Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin ?
Malherbe avait d'abord écrit :
Et Rosette a vécu...
Le typographe commit une coquille équivalant presque à un trait de génie :
Et, rose, elle a vécu...
C'était substituer une métaphore charmante à une expression vulgaire. La version du typographe est restée.
Si la coquille a parfois du génie, on peut ajouter que le plus souvent elle manque, absolument de respect. Elle osa un jour s'attaquer au doux Racine. Nous avons relevé ce vers :
Vous allez à l'hôtel, et moi j'y cours, madame.
Toutefois ce n'est pas là une véritable coquille, puisque le mot entier, moins la terminaison, est tronqué. Racine avait écrit :
Vous allez à l'autel...


Dans une citation empruntée à notre vieux et admirable Corneille, nous avons lu les deux vers suivants :
Un bienfait perd sa grâce à le trop oublier ;
Qui veut qu'on s'en souvienne, il le faut publier.
Qu'on songe au scandale qu'aurait pu causer cette détestable morale que l'on osait prêter à l'auteur de Polyeucte !
Quelle honteuse manière de calomnier le coeur humain!
Heureusement pour la gloire de Corneille et aussi pour celle du citateur, on s'est aperçu de la faute et le texte a été rétabli :
Un bienfait perd sa grâce à le trop publier ;
Qui veut qu'on s'en souvienne, il le faut oublier.
À la bonne heure !
C'est là un exemple de coquille par transposition de mots; ce qui n'est pas rare.


Dans un volume de vers, imprimé avec luxe, on a laissé passer cette horrible coquille :
J'aime à te voir, ô jeune fille,
Détachant ta noire mantille
De tes épaules de catin.
L'auteur, dit-on, a failli étrangler l'imprimeur.
On voit à quelles extrémités une coquille peut pousser un poète rêveur et ne songeant pas à mal.


Voici un vers un peu moins décolleté :
Je suis un champ d'amour.
Pourtant, mettez-vous à la place du poète, qui avait écrit :
Je suis un chant d'amour.


Et celui-ci :
Je t'aime, ô Mercadet !
remplacé par :
Je t'aime ! ô mords, cadet !
Idiot !


Assez de vers. Passons à la prose.


Un libraire avait fait imprimer un missel de son diocèse. Dans l'indication des rubriques se trouvait cette phrase, immédiatement avant l'élévation : Ici le prêtre ôte sa calotte. Dans le dernier mot, un u perfide vint prendre la place de l'a ; en sorte que l'indication se trouva transformée de la manière suivante: Ici le prêtre ôte sa culotte. Qu'eussent dit, mon Dieu, les paroissiens de cet ecclésiastique éhonté s'il s'était conformé au texte ?


Que dites-vous de celle-ci, qui s'étale en grosses lettres au titre d'un ouvrage religieux publié par une des maisons de librairie de la place Saint-Sulpice :
« L'âne contemplant son Créateur ? »
Quel bond dut faire l'auteur en recevant le premier exemplaire de son livre ! Le malheureux avait écrit :
 « L'âme contemplant son Créateur. » 
Voilà ; faute d'une jambe ! On a vu que Martin perdit son abbaye faute d'un point.


L'abbé Sieyès, l'auteur de la fameuse brochure : Qu'est-ce que le tiers état ? Tout ! Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? Rien... et qui devint plus tard comte de l'Empire, trouva dans une épreuve d'un discours justificatif de sa conduite : « J'ai abjuré la République... » au lieu de « J'ai adjuré la République... » — « Vous voulez donc me faire guillotiner ? » dit-il, furieux, à l'imprimeur.


Cambacérès, ouvrant un matin le Moniteur s'aperçut qu'il était désigné sous le titre de grand chanDelier de l'Empire. 
Cela porta, dit-on, un tel coup au chancelier, de Napoléon 1er qu'il en vit... trente-six chandelles.


Le Moniteur universel, le journal officiel de l'époque, mit un jour dans la bouche de l'austère Guizot, parlant à la tribune: « Je suis à bout de mes farces. » Il est inutile, n'est-ce pas ? de corriger. M. Guizot avait dit: « Je suis à bout de mes forces.»


À l'époque de la mort du prince Jérôme Bonaparte, les journaux officieux annoncèrent sa maladie et les diverses phases qu'elle suivait. Un jour, le bulletin de la Patrie était ainsi conçu :
« Une légère amélioration s'est manifestée dans l'état du prince. »
Et le lendemain:
« Le vieux persiste. »
Malheureuse coquille ! d'ailleurs parfaitement explicable, puisque, dans la casse, le compartiment qui contient les m touche à celui des v. Le compositeur qui l'avait commise fut congédie, malgré ses protestations. On voit bien que l'administrateur du journal n'était pas typographe !


Dans un ouvrage sérieux très soigné, qui traite des temps préhistoriques et de l'âge de pierre, nous avons lu :
« L'homme des casernes avait pour armes des branches arrachées aux arbres et des haches de silex. »
Certes, l'homme des casernes est de nos jours autrement pourvu !
L'auteur avait écrit : « L'homme des cavernes... »


Les abréviations dans le manuscrit produisent parfois des énormités de ce genre. L'auteur écrit : J'ai qq. amis ; on imprime : J'ai 99 amis.
Cette opinion n'était pas assurément celle d'Aristote quand il disait à ses disciples: « Mes amis, il n'y a point d'amis ; » ni celle du poète Claude Mermet :
Les amis de l'heure présente
Ont le naturel du melon :
Il faut en essayer cinquante
Avant d'en rencontrer un bon ;
 ni celle du vieux Rutebeuf :
C'estoit amis que vent emporte,
Et il ventoit devant ma porte.


Le principal correcteur d'une grande imprimerie parisienne s'est acharné à maintenir dans un titre l'énormité suivante : Traité pratique de gastroNomie pour Traité pratique de gastroTomie. Qu'eussent dit Grimod de La Reynière et Berchoux?


C'est le même qui a laissé passer, dit-on (les correcteurs ont bon dos), dans une annonce de M. Lorilleux :
« Ces excellents produits (il s'agissait d'encres) sortent des urines de M. Lorilleux. »
Ne dirait-on pas que c'est par gageure que le mot urines a été substitué au mot usines ?


Un journal des tribunaux a imprimé :
« Les juges, trouvant la faute légère, n'ont condamné le pauvre diable qu'à huit jours d'empoisonnement. »
Cela fait rêver.
À quelle peine l'eût-on condamné, si la faute avait été grave !


Un typographe s'avisa de composer un jour dans un titre : les Jambes de Barbier, en vertu sans doute de cette règle qu'un j remplace deux i ou un ï.


Pourquoi un autre a-t-il mis les Chenilles d'Adam Billaut pour les Chevilles du poète menuisier de Nevers ? Passe encore si le poète eût été jardinier.


Voici une coquille qu'on pourrait prendre pour une méchanceté. Un dictionnaire nouvellement mis entre les mains du public porte la définition qui suit :
Amphithéâtre, s. m. Enceinte circulaire garnie de gredins.


Et celle-ci, qu'on a pu lire dans les Petites affiches : « Belle femme à vendre ou à louer ; très productive si on la cultive bien. » Ne dirait-on pas qu'elle vise au coq-à-l'âne égrillard ? Nous ne donnons pas le mot.


Un journal annonçait, à l'époque de notre expédition de Tunisie, que notre consul, M. Roustan, avait été dévoré par le bey, et qu'il s'en montrait enchanté.
Il est bien possible, après tout, que le bey eût lui, été enchanté de voir M. Roustan dévoré. Pourtant il l'avait tout uniment décoré.


Un savant adressait un mémoire à l'Académie des sciences dans lequel on lisait que le Vésuve « jetait en ce moment beaucoup de raves, qui ne pouvaient manquer d'ensevelir toutes les campagnes environnantes. »
Si les habitants d'Herculanum et de Pompéi avaient eu cette chance d'être ensevelis sous des raves ! Hélas ! c'étaient des laves.


Le journal le Monde
(On ne s'attendait guère À voir le Monde en cette affaire)
offre cette phrase : « L'amour du sucre rétrécit l'âme et racornit le coeur. »
 Nous entendons d'ici un lecteur s'élever contre les deux vers que nous venons de citer, et dire : Pourquoi pas le Monde encore mieux qu'un autre, puisqu'il avait alors pour rédacteur en chef M. Coquille ? »
« Brigadier, vous avez raison. »


Voici une autre coquille ou plutôt une faute qui a donné lieu à un véritable coq-à-l'âne.
Pradier venait de terminer le monument consacré, à Molière dans la rue Richelieu.
La statue représentant la Comédie tient à la main un rouleau sur lequel sont inscrits les titres des chefs- d'oeuvre de notre grand comique ; ce travail secondaire avait été confié à un apprenti sculpteur, qui avait mis deux r au mot avare.
Et un passant de s'écrier plaisamment: « Tiens, voilà un avare qui a un air misanthrope (r mis en trop). »


Nous avons vu que la coquille pouvait avoir du génie, par exemple dans :
Rose, elle a vécu...
de Malherbe, ou bien être irrespectueuse à l'égard du poète, comme dans le vers de Racine que nous avons cité.
Quelquefois aussi elle a de l'esprit; témoin la suivante :
Alphonse Karr, dans un de ses moments de misanthropie (on sait que ces moments n'étaient pas rares), avait écrit sur son manuscri :
« La vertu doit avoir des bornes. » Le typographe lut et composa cette phrase étourdissante :
« La vertu doit avoir des cornes. »
Combien le nombre des hommes vertueux ne doit-il pas être grand, si le typographe a raison !


Quand un compositeur a mis « professeur d'histoire à la halle, » pour « professeur d'histoire à Halle, » n'était-il pas convaincu de l'insuffisance d'instruction de MM. et dames de la Halle ?


Celui qui a écrit : « Toits à porcs, bâtiment destiné à loger les cochers (pour les cochons), » nous paraît avoir commis une grave irrévérence.


Quant au facétieux typographe qui composa :
« Les pompiers sont plantés sur tous les points du territoire (pour les pommiers), » à quel immense incendie songeait-il ?


Une gazette du XVIIIe siècle annonçait :
« Le roi Louis XV est depuis huit jours au château de Fontainebleau; hier, il s'est pendu dans la forêt. »
Hélas ! il ne s'était que perdu.


Coquille égrillarde, ramassée dans un roman à la mode :
« Elle avait vu André; elle l'avait trouvé à son goût; elle l'avait pris pour amant et elle s'en était vautrée. »
Certes, le compositeur avait raison: une femme capable de se vanter d'avoir des amants est bien capable aussi de se vautrer.


Que dites-vous de la phrase suivante :
« Deux gendarmes, Ventru et Sanguin, se promenaient placidement à travers la foule ? »
L'auteur avait écri :
« Deux gendarmes, ventrus et sanguins, se promenaient... »


M. de Mérode, celui-là même qu'un de nos ambassadeurs souffleta... moralement au Vatican, dans les dernières années du second Empire, fut bel et bien désossé par un typographe facétieux, quand il n'avait été que dépassé.


Un certain curé, doyen de Templeuve, qui s'appelait Boudin, trouvant son nom peu décent et mal approprié à ses fonctions, sollicita auprès de M. le garde des sceaux afin d'obtenir le changement d'une seule lettre: sa requête fut accueillie, et, à la place de Boudin, le Journal officiel enregistra... Bousin
Vous voyez d'ici l'ire du malheureux doyen : sa supplique contenait Boutin.


Un journaliste, parlant avec admiration d'Émile Augier, avait écrit :
« Son latin vaut mieux que mon français. »
On lui a fait dire :
« Son latin vaut mieux que son français. »
C'était remplacer une appréciation louangeuse par une critique imméritée ; car M. Émile Augier écrit sans aucun doute mieux en français qu'en latin. A-t-il même jamais écrit en latin ? Che lo sa ?


L'artiste capillaire qui a dû voir ses cheveux se hérisser... en admettant qu'il en eût, — c'est bien celui auquel un imprimeur livra un million d'étiquettes portant en grosses lettres :
Pommade contre la chute des chevaux !
On prétend qu'il les a cédées à la Compagnie des Petites-Voitures.


Nous avons relevé dans le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle l'énormité suivante :
La procession des équinoxes.
Le savant article était consacré à la précession des équinoxes.
Inutile d'ajouter que la faute se reproduisait cinquante ou soixante fois. Hâtons-nous de dire qu'elle a été corrigée avant la mise sous presse.


Dans le dernier ouvrage de M. C. Flammarion, les Étoiles (p. 377, avant-dernière ligne), l'auteur, parlant des merveilles de la constellation de la Vierge, invite le lecteur à oublier la terre pour le ciel, et dit :
« Par une nuit de printemps, sans clair de lune et sans brunes. »
Le savant astronome avait écrit sans brumes. Il n'est guère à supposer, en effet, que, dans la région éthérée des étoiles, on s'occupe de brunes ou... de blondes qui font pâmer d'aise ou mourir de chagrin les habitants de notre globe terraqué.


On connaît l'eau de Lourdes et son efficacité; aussi le lecteur ne peut-il s'étonner outre mesure de lire sur le titre d'un ouvrage pieux : Médications chrétiennes. Mais ce livre ne contenant aucune recette, aucune prescription relative aux malades et à leur traitement, on s'aperçoit vite que le titre est menteur et qu'il faut lire : Méditations chrétiennes.


Deux coquilles ecclésiastiques ! « C'est mercredi prochain, annonçait un journal, que le président de la République remettra la burette à M. Czacki. »
L'enfant de choeur goûte d'ordinaire à la burette et ne songe guère à la barrette.


Dans un rituel, eucologe ou catéchisme, la pénitente a pu lire cette abracadabrante prière :
« Pardonnez-moi, ô mon Dieu, de vous avoir enfoncé? »
Inutile, n'est-ce pas? de vous dire que c'est offensé.


Est-ce un émule de Jean Hiroux qui fait à sa mère mourante l'adieu suivant :
« O ma mère, nous nous retrouverons un jour dans les lieux ? »
Quel changement de sens peut produire le remplacement d'un c par un l ! Il y avait cieux au manuscrit.


Journal des Voyages (n° 271, p. 761, art. Astronomie) : « Les découvertes récentes ont contribué à soulever le voile qui nous cache l'immensité, on a mesuré les distances, déterminé les axes et les arbitres. »
On ne se doutait guère qu'il fallût mesurer des arbitres. Qu'on se rassure ; ce sont des orbites.


Voici un proverbe réaliste : « Ce qui est digéré n'est pas perdu. »
Ma foi ! il est plus exact que celui qu'il pastiche : « Ce qui est différé n'est pas perdu. »


La Fable raconte que la sage Minerve est sortie un beau jour de la cuisse de Jupiter.
Un typographe peu crédule flaira là une erreur ; il fit sortir la déesse de la cuisine de Jupiter.
C'était plus réaliste et plus vraisemblable, mais moins conforme à la mythologie.


Un journal local, parlant des plaisirs que goûtent les principaux habitants du chef-lieu, a écrit : « Les plus grosses bêtes de la ville se réunissent chaque soir dans ce cercle pour jouer et deviser... »
Quelle tête ont dû faire ces grosses têtes!


L'autre jour, à la cour d'assises, d'après la Gazette des Tribunaux, l'acte d'accusation reprochait à un jeune gredin d'avoir assassiné sa victime avec « un instrument confondant (contondant). »
L'accusé fut confondu... et condamné.


« De l'influence néfaste que peut avoir une coquille, » telle est la rubrique sous laquelle le rédacteur des On-dit du Rappel rapporte ce qui suit :
Dans un roman en cours de publication, il est question d'un jeune homme qui veut se marier.
Le père de la jeune fille dont il a demandé la main reçoit d'un ami des renseignements confidentiels dans ce billet laconique, mais rassurant :
« On ne lui connaît pas de maîtresse; il est toujours seul.»
Or, voyez la malchance. On imprima: « il est toujours soul. »
Qu'aura pensé le futur beau-père, en recevant cette lettre?


Voici enfin une Ode à la coquille, due à nous ne savons quel poète, un typographe peut-être, ou plutôt un auteur mécontent :
Je vais chanter tous tes hauts faits,
Je veux dire tous tes forfaits,
Toi qu'à bon droit je qualifie
Fléau de la typographie.
S'agit-il d'un homme de bien,
Tu m'en fais un homme de rien ;
Fait-il quelque action insigne,
Ta malice la rend indigne,
Et, par toi, sa capacité
Se transforme en rapacité.
Que sur un vaisseau quelque prince
Visite nos ports en province
D'un brave et fameux amiral
Tu fais un fameux animal,
Et son émotion visible
Devient émotion risible
Un savant maître fait des cours
Tu lui fais opérer des tours.
Il parle du divin Homère,
O sacrilège ! on lit Commère ;
L'amphithéâtre et ses gradins
Ne sont plus que d'affreux gredins.
Le professeur cite Hérodote,
Tu dis : le professeur radote ;
Puis, s'il allait s'évanouir,
Tu le ferais s'épanouir.
Léonidas aux Thermopyles
Montre-t-il un beau dévoûment,
Horreur ! voilà que tu jubiles
En lui donnant le dévoîment.


Aneries
Sous cette rubrique peu respectueuse, nous nous proposons d'offrir au lecteur, non plus une collection de véritables coquilles, qui toutes s'expliquent plus ou moins. I
ci, ce sont des fautes dues à l'ignorance inepte ou à l'étourderie la plus inexcusable; ces fautes constituent de véritables âneries. Nous ne donnons que le dessus du panier.


Au lieu d'Archipel de Cook, un compositeur mit un jour... Archipel de 600 kilos.
Il avait pris le C pour un 6, les deux o pour des zéros, et la lettre k pour l'abréviation de kilogramme.


Qui n'a lu l'adage latin :
Quos vult perdere Jupiter... ?
Voici de quelle façon un compositeur... peu versé dans la langue de Virgile a pu le transformer: « Grosse brute, père de Jupiter... »


Dans un roman sentimental, composé par des dames dans une imprimerie de la banlieue parisienne, au moment psychologique, l'héroïne, s'adressant au traître, s'écrie douloureusement : « Monstre, vous avez rompu mon bouchon! »
Quel sens la compositrice attachait-elle à cette plainte ? Mystère ! L'auteur avait écrit: « Monsieur, vous avez rompu mon bonheur. »


On trouve dans un livre de chimie l'ânerie suivante:
« On peut augmenter progressivement la force d'un aimant en accrochant à l'armature un bassin dans lequel on met tous les jours un poids ; c'est ce qu'on nomme mourir en aimant. »
L'auteur avait écrit : Nourrir un aimant.


Dans une petite ville de province, le régisseur avait fait mettre sur l'affiche :
l'Amour filial, ou la Jambe de bois.
L'imprimeur se trompa, et mit à la place : la Jambe filiale, ou l'Amour de bois.
On connaissait l'Amour mouillé du vieil Anacréon et toutes sortes d'autres amours. Quant à l'Amour de bois, personne, croyons-nous, n'en entendit jamais parler.


Un autre, prenant cette recommandation de l'auteur : Guillemetez tous les alinéas, pour du texte, composa :
Guillotinez tous les aliénés.
C'est un remède radical, et, si le conseil de ce féroce typographe était suivi, on pourrait fermer Charenton et Sainte-Anne. Peut-être a-t-il trouvé asile dans l'un ou l'autre de ces établissements.


Un troisième, à la pêche au cachalot, substitua la pêche au chocolat.


Que voulait dire cet autre, lorsqu'il composait : « Exploitation de vitriol et d'obus ? »
Vous ne devineriez pas, je vais vous le dire ; lisez: « Exploitation de vitriol et d'alun. »


Quel est le docteur en médecine qui s'est avisé d'écrire l'ordonnance suivante :
Infusion de petits chiens ?
Certes, aucun médecin, pas même M. Purgon, n'est ou n'a été capable de commettre cette formule ultra- fantaisiste.
Le typographe avait mal lu ; notre docteur avait ordonné... une infusion de chiendent.


À propos d'un récent procès, il a été beaucoup parlé dans les journaux d'une demoiselle Lucile, somnanbule extralucide, plaidant contre un M. D..., son Barnum.
Le typographe qualifia Mlle Lucile de médecine de M. D.
Il avait voulu dire médium de M. D.


M. Octave Robin, rédacteur du Voltaire, rappelant les préludes de la guerre de 1870, parlait du défilé des souverains à l'Exposition universelle de 1867.
On a imprimé le défilé des ouvriers.
Cela n'avait plus aucun sens; aussi cette coquille mérite-t-elle d'être classée sous la même rubrique que les précédentes.


Dans l'Année littéraire de 1861, il était parlé en maint endroit du chroniqueur Albéric Second.
Jamais, paraît-il, le typographe qui occupait à cette époque l'emploi de reviseur de tierces à l'imprimerie Lahure n'avait entendu parler de cet écrivain.
Dans sa perplexité, il consulta le Dictionnaire de Bouillet et changea onze fois Albéric Second en Albéric II !!


Un journal du soir publiait récemment un article, fort intéressant d'ailleurs, sur la question des égouts et des latrines de Paris.
L'auteur avait intitulé son article : Res Parisienses (Affaires parisiennes).
Quelle n'a pas dû être sa stupeur, en dépliant son journal, de lire ce titre coquettement change en celui-ci : Les Parisiennes !
Nous avons trouvé cette plainte dans le Voltaire du 22 juillet 1882.


Dans les Nuits du boulevard, page 263, roman imprimé chez M. A. Quantin, on lit :
« Beverley fit un soubresaut, se dressa, les cheveux hérissés sur son séant, et promena son regard vitreux autour de lui... »
Voilà un monsieur qui avait les cheveux plantés sur une partie qui, d'ordinaire, est complètement chauve.


Dans un Dictionnaire géographique et historique en cours de publication, nous avons lu, à l'article Anticosti, île située à l'embouchure du Saint- Laurent :
« On y a établi deux phares et deux petits abcès pour les naufragés... »
Est-ce que la dame ou la demoiselle (car c'est l'une ou l'autre) qui a composé cette énormité avait quelque phlegmon...sous roche ? Autrement, elle eût lu abris au lieu d'abcès.


Anerie cueillie dans le Réveil du 25 décembre 1882 :
« La sueur perçait à travers l'épidémie.
Lisez « à travers l'épiderme. »


Dans un recueil publié sous les auspices du ministère de la guerre : le Bulletin de l'Intendance, nous avons lu l'autre jour avec stupéfaction la mention suivante :
Décorations étrangères ET ANTIQUES.
Confère-t-on de nos jours des décorations antiques, et qu'est-ce qu'elles peuvent être ? — Nos souvenirs classiques ne pouvant nous fournir une réponse acceptable, nous avons eu recours à l'examen de la copie, et nous avons fini par découvrir que le rédacteur de cette publication, quelque peu typographe, avait tout simplement indiqué de composer le titre susdit en antiques, c'est-à-dire en caractères gras, d'un type particulier. Le compositeur — né malin — avait introduit l'indication dans le titre même.


En Angleterre, il existe deux grands partis politiques. D'après un compositeur peu au courant: « Les Anglais sont divisés en toupies et en vaches, » tandis que l'auteur avait écrit: « Les Anglais sont divisés en tories et en whigs. »
Après celle-là, il faut tirer l'échelle.



Eugène Boutmy - Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883


... et comme personne n'est à l'abri, le Tenancier prie le lecteur de bien vouloir l'excuser des innombrables fautes qu'il a pu laisser dans sa retranscription.