Ambroise-Firmin Didot

Cela fait un certain temps que nous n'avions pas abordé l'histoire du livre sinon que par anecdotes. On se souvient de la biographie de l'éditeur Mame exposée ici. Récidivons paresseusement cette fois-ci en recopiant celle d'Ambroise-Firmin Didot, célèbre éditeur du XIXe siècle, article que nous avons trouvé dans un Vapereau et que nous avons déjà diffusé dans le sistership de ce blog (appellation snob, certes, qui confortera, au choix du lecteur, les goûts du Tenancier pour l'élitisme ou bien l'understatement).

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DIDOT (Ambroise-Firmin), imprimeur fran­çais, né à Paris, le 20 décembre 1790, a été, de nos jours, l'un des principaux représentants de la célèbre famille des libraires de ce nom, éta­blis à Paris en 1713. Après avoir étudié particulièrement le grec, en France , d'abord sous Boissonade, ensuite avec Diamant Coray, il alla passer trois années (1815-1818) en Grèce et en Orient, tant au Gymnase de Cydonie, en Asie Mi­neure , qu'à l'ambassade française de Constantinople, à laquelle il fut quelque temps attaché. Lors du réveil de la Grèce, en 1823, il concourut activement à des travaux d'helléniste et de litté­rateur, il les abandonna en partie, dès 1825, pour s'occuper des diverses branches de la typogra­phie. C'est en 1827, au moment où Firmin Didot, son père; acceptait le mandat de député, qu'il prit la direction des affaires traitées depuis plus de soixante ans sous la raison Firmin-Didot. On lui doit principalement deux types de caractères, l'un dit anglaise cursive, l'autre destiné au texte grec d'une édition de Tyrtée. Il réunit, en les groupant successivement autour de ses ateliers primitifs, toutes les ramifications de l'imprimerie, que plusieurs de ses nombreux parents cultivaient avec mérite. Tour à tour devenu membre de la chambre de commerce, du conseil des manufac­tures et du conseil municipal de la Seine (1840-1856), il fit partie du jury des expositions indus­trielles nationales de 1844-1849, et des Expositions universelles de Londres, (1851) et de Paris (1855), comme rapporteur des sections de l'imprimerie et de la papeterie. En juin 1855, il fut délégué par le conseil municipal de Paris pour recevoir, à Boulogne-sur-Mer, le lord maire et les aldermens de Londres.
Le nom de la famille Didot se rattache, chez nous, à tous les progrès introduits, au début de ce siècle, soit dans la typographie même, soit dans les diverses industries accessoires. Leur maison, vraiment universelle, embrassa dans ses ateliers et ses usines de Paris et des départements, la fa­brication mécanique du papier, la fonte des ca­ractères, d'après des types modèles, adoptés dans nos principales imprimeries, un immense matériel polyglotte, l'un des plus complets après celui de l'Imprimerie nationale, l'assemblage et le brochage des feuilles imprimées, enfin toute cette suite d'opérations manuelles ou mécaniques qui transforment en volumes imprimés la matière première de ce papier sans fin, dont Didot de Saint-Léger fut l'inventeur (1804), et dont les premiers essais furent faits dans la papeterie de François Didot, à Essonne.
La multiplicité de leurs affaires força les frères Didot, en 1838, à céder à la fonderie générale une partie de leurs moules et de leurs caractères ; mais elle les conduisit à fonder une succursale de leur maison, au centre de l'Allemagne, à Leip­zig. Ils créèrent dans l'Eure-et-Loir, à Sorel, et au Mesnil, près de Dreux, deux colonies ou­vrières. Destinés principalement à l'extension de la papeterie, ces établissements occupèrent un certain nombre de jeunes filles qui trou­vèrent, au Mesnil, une école gratuite, où elles furent mises à même de composer indistinctement des ouvrages grecs, latins et français.
Constamment citée, dans les rapports les plus élogieux, comme « l'honneur de l'imprimerie française et de la librairie parisienne, » la maison Didot a paru aux Expositions industrielles depuis la première de toutes, en 1798; elle y a exposé ses procédés, ses inventions, ses spécimens, et a remporté, de père en fils, la 1re médaille d'or, jusqu'en 1849. A cette époque, l'admission de son chef dans le jury des récompenses la mit elle-même hors de concours. Elle a encore obtenu une médaille d'or à l'Exposition universelle de Paris en 1878.
Le Catalogue de la maison Didot contient de grandes et riches publications, auxquelles nulle fortune particulière n'eût pu suffire, sans le concours des souscriptions de l'État. Nous citerons, parmi celles qui atteignent les prix les plus élevés : les Ruines de Pompéi (4 vol. in-folio) ; les Monuments de l'Egypte et de la Nubie (4 vol. in-folio , 400 planches) ; le Voyage dans l'Inde (4 vol. in-4, 300 pl.} ; l’ Expédition scientifique en Morée (3 vol. in-fol., 280 pl.), l'Architecture arabe (in-fol., 66 pl.); les Œuvres complètes de Piranesi (29 vol. in-fol., 2000 pl,); et tant d'autres col­lections d'architecture et de voyages, entreprises sous les auspices des différents ministères. Il faut rappeler les éditions classiques de luxe, dites du Louvre, la grande Bibliothèque grecque (50 vol. gr. in-8 ,à 2 col., avec traduction latine), publiée surtout avec le concours de savants allemands; le Thésaurus greecæ linguæ, d'après Henri Estienne (1855-1859, t.I-IX, in-folio); la Bibliothèque latine (27 vol., même format), avec traduction française, sous la direction de M.Nisard: puis une foule d'œuvres importantes, individuelles ou collectives, telles que: la France littéraire, de M. Quérard (10 vol. in-8); l’Encyclopédie moderne (29 vol. in-8; 3 vol. de planches) ; la Nouvelle Biographie générale (46 vol., in-8); l’Univers pittoresque (65 vol. in-8, avec plus de 3000 gravures) ; les Chefs-d'œuvre de la peinture italienne, texte de M. Paul Mantz (1874, in-fol.; chromo-lith.) ; Paris à travers les âges (1875-79, in-fol., 6 livraisons; planches et vignettes), etc.
A côté de ces belles publications qui ont honoré le nom des Didot, il faut en mentionner deux qui, sans avoir d'importance littéraire, sont devenues les deux plus grosses affaires de la maison et ses meilleures sources de profit : l’ An­nuaire général du commerce, cet immense recueil de renseignements utiles, qui, fondé en 1840, absorba en 1857, l'ancien Almanach du commerce de Paris, créé en 1797 et dirigé depuis 1819 par l'ex-prêtre Bottin ; puis la Mode illustrée, qui, fondée en 1860, est devenue rapidement le plus prospère des journaux de modes, et a presque atteint des tirages, de 100 000 exemplaires.
Au nombre des titres plus personnels de M. Ambroise-Firmin Didot, nous citerons : Souscrip­tion en faveur des Grecs (1823, broch. in-8) ; la première partie des Notes d'un voyage fait dans le Levant (1826, in-8); des Fragments dans la Grèce de M. Pouqueville ; une Traduction de l'His­toire de Thucydide (1833, 4 vol. in-8); une Note sur la propriété littéraire et sur la répression des contrefaçons faites à l'étranger, particulière­ment en Belgique; Essai sur la typographie, ex­trait de l’Encyclopédie moderne (1851, in-8); l’Imprimerie et la Papeterie de l'Exposition uni­verselle de 1851 (1852,in-8; 2e édit., 1854) ; plu­sieurs Notes et Réponses sur la question de pro­priété littéraire, discutée entre lui et M. Michaud au sujet de la Nouvelle Biographie générale (1852-1853); du Droit d'octroi sur le papier (1855); Souvenirs d'une excursion à Boulogne-sur-Mer (même année); les Estienne (1856), extrait de la Nouvelle Biographie générale; Dis­sertations sur la vie et les œuvres du sire de Joinville (1858, in-12); Anacréon, Odes, texte grec, avec traduction française et Notice (1864, petit in-18, avec gravures) ; Observations sur l'ortho­graphe française (1867, in-8), histoire des ré­formes ou tentatives de réformes orthographiques; Etude sur la vie et les travaux de Jean sire de Joinville (1870, 2 parties in-8) ; Etude sur Jean Cousin (1872, in-8, portraits et planches) ; Recueil des œuvres choisies de Jean Cousin, reproduites en fac-similé, avec introduction (1873, in-folio); Aide Manuce et l'hellénisme à Venise (1875, in-8), etc. M. Ambroise-Firmin Didot, décoré de la Légion d'honneur, en janvier 1835, fut promu officier le 20 décembre 1855. Il a été élu membre libre de l'Académie des inscriptions et belles lettres, le 29 novembre 1872, en remplacement de Cherrier. — II est mort à Paris, le 22 fé­vrier 1876.


(G. Vapereau : Dictionnaire Universel des Contemporains - 1880)

18 commentaires:

  1. Curieuse coïncidence: pendant que Firmin dit "Do", il faut que Jérôme peigne "O".

    Trêve de plaisanterie, Tenancier : si vous vous mettez à poster en double sur vos blogues, ne vous offusquez pas que nous-mêmes versions dans le psittacisme…

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  2. George, ceci était, je l'avoue, une publicité clandestine pour l'autre blog puisqu'il semble que nous ayons quelques lecteurs de plus.
    Je vous rassure, je ne vais pas m'amuser à faire des doublons tout le temps.

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  3. Vous avez bien raison de râler George, un point Didot c'est tout ! Vous êtes mûr pour adhérer au F.U.I.C.T. (dont le président est Otto et moi le Secrétaire général).

    ArD

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  4. Ah ben si ce n'est que le F.U.I.C.T., le Tenancier peut dormir sur ses deux oreilles...

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  5. Nous savions tous le Tenancier quelque peu original dans sa conformation anatomique, mais au point de pouvoir dormir sur ses deux oreilles...
    Avez-vous fait remarquer à votre chirurgien esthétique que ce n'était pas la peine d'en rajouter ? Il est taquin, sans doute...

    Et ne vous gaussez pas du F.U.I.C.T., il travaille dans l'ombre, vous le constaterez bien vite...

    Otto Naumme

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  6. Otto, votre remarque me fait penser à un court essai que j'avais lu dans les temps mérovingiens et qui concernait les notations anatomiques dans les romans de SF. Ainsi, selon cet essai, "poser sa main sur l'épaule" n'a rien de simple si l'être est mono-épaule ou s'il en possède une dizaine. Je résume beaucoup, notons que le style était enjoué et alerte, d'après mes souvenirs. J'aimerais fort retrouver ce texte, d'ailleurs.
    Quant à votre Otto-satisfaction concernant votre réformisme salonard, je vous enjoins de fondre vos activités avec euh... je ne sais pas moi, le syndicat des libraires "indépendants" ?

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  7. Bon d'accord, notre président n'a pas une activité cyclonique, mais il ne faudrait pas non plus qu'il soit instrumentalisé d'Office par le Tenancier qui n'a plus besoin de montrer son talent en la matière.

    ArD

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  8. Je ne sais si j'apprécie ces retours...

    En tous cas, merci chère ArD de votre soutien, il nous faut rester uni face aux tentatives de corruption du Tenancier : voyez comme il s'essaye à discuter sérieusement ! Qui pourrait s'y laisser prendre ?

    Otto Naumme

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  9. Cher Otto, je suis en train de songer à la rédaction d'une note explosive visant, peu ou prou, quelque deux cents commentaires très inspirés, ou non, et je voulais vous en faire part, naturellement en premier.
    Son titre : "Pourquoi j'ai quitté le F.U.I.C.T. pour le SMERSH".
    Quant aux JamesBondiens (et Bondistes) puristes (et puritains), sans parler de tous les aigris - d'ici je les devine... -, qu'ils n'oublient pas ceci : jamais de la vie je ne vendrais ma dernière dent pour sauver la couronne.

    Cher Tenancier, merci beaucoup pour le camarade Didot.

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  10. Cher Président Otto, les retours que vous ignorez apprécier, ce sont... ?
    ArD

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  11. Les membres du F.U.I.C.T seraient bien inspirés d'ouvrir un forum, au lieu d'exposer au grand public leurs turpidudes syndicales (quoique l'adjectif nous semble un peu fort pour cette pantalonnade).

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  12. En tout cas, point de F.U.I.C.T. pour moi s'il s'agit bien de la Fédération Unitaire des Irrévérents Critiques du Tenancier, comme je le subodore… (quel trouillard, ce George !)

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  13. Ce n'est pas tout à fait cela, George : ce serait un truc du genre Front Uni Contre le Tenancier, mais je ne sais pas à quoi sert le "I". Ce serait une réaction (m'étonne pas) au fait que j'instrumentalise mes lecteur.
    N'importe quoi, ils sont tous consentants !

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  14. International, cher Tenancier, International...
    Cela dit, l'hypothèse de ce cher George est assez séduisante. De quoi donner envie de créer un F.U.I.C.T 2, dont notre ami George serait forcément le Président honoraire !
    Chère ArD, en matière de retours, il n'y a que ceux de l'office qui comptent, en la matière. En fréquentant le bistro en face, ah mais !
    Quant à vous, cher Christophe, je me réjouis de vous voir en ces lieux, et j'irai avec joie alimenter vos pages de mes commentaires (ce que je n'ai pas fait ces derniers temps, il est vrai, je m'en excuse. Mais je n'ai pas toujours de choses intelligentes à dire, je préfère donc me taire en ce cas...).
    Bonne soirée à tous !

    Otto Naumme

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  15. Pour le F.U.I.C.T.3, le Front uni des instances caricaturales du Tenancier, vous postulez en avant-première Otto, j'espère?

    ArD

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  16. Et F.U.I.C.T. 4, vous y pensez
    "Faire Utile, Intéressant, Compréhensible Travail" (pour le Tenancier, c'est implicite), comme par exemple fournir ce fameux billet qui vire à la gasconnade, cher Otto. (On vous a du reste ailleurs et dans une autre vie électronique fait de vous un portrait en gascon des lumières...)

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