Voici la pénitence de George Weaver !
Sous ce pseudonyme brownien se cache un confrère qui intervient souvent dans les commentaires de ce blog à grand renfort de jeux de mots, lesquels remplissent d'aise notre ami Otto, autre habitué.
On a d'autant plus de plaisir ici à accueillir un de ses textes qu'il nous raconte un tentation bien commune de la part des libraires. A une différence près : il a sauté le pas pour une aventure assez longue, ma foi. Nous voici donc à partager les affres d'un bibliographe, une expérience qui ressemble un peu à la conception du roman d'aventures selon Mac Orlan, l'histoire ne se finit jamais sans quelque amertume...
Pour visiter le blog de George, c'est
ici
(Pour cette pénitence, on aura la patience d'en rechercher les raisons dans des billets antérieurs...)
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Une étrange et obsédante manie a commencé à m’envahir au milieu des années 80 : il m’apparut évident qu’il fallait à toute force reconstituer la liste chronologique de l'intégralité des ouvrages publiés dans la collection 10/18 (Union Générale d'Édition) jusqu'à fin 1985, du n°1 (Descartes, Discours de la méthode, suivi des Méditations métaphysiques) au n°1735 (Lewis, Sam Dodswort), la suite n'étant guère difficile à retracer. Au départ ce n’était qu’un jeu d’oisif, c’est juste que ça m’intriguait un peu, ces trous (parfois de vastes gouffres) que j’apercevais dans les listes numériques (ce qui signifiait à l’époque « classées par numéro »…) qui clôturaient la plupart des volumes jusqu’au milieu des années 70. Mais peu à peu, à mesure du rétrécissement de l’inconnu, c’est devenu une véritable obsession.
Un travail de bénédictin forcené, vu l'absence totale de catalogue général de la collection. Des journées entières, dans les années 80, alors que le monde basculait inexorablement vers celui de maintenant, passées dans le lacis discret des travées du troisième étage de Joseph
Gibert, à délicatement arracher, en fin de volumes soigneusement choisis, les précieuses listes indiquant les ouvrages disponibles à la date d'impression ; à hanter les librairies vétustes pour tenter de récupérer d'anciens bons de commande 10/18. Des semaines (au total, sur une quinzaine d'années) à se bousiller les yeux sur les caractères microscopiques de ces fameuses listes, à percer de pesants mystères, à repérer errances, incohérences et revirements dans l'attribution des numéros aux volumes de la collection.
Le Ferdydurke de Gombrowicz, dans sa délicieuse première traduction (signée «Brone », c'est-à-dire l'auteur lui-même aidé d'amis argentins guère plus francophones), avait été réédité en 10/18 sous le n°385-386. Lorsque Christian Bourgois en a demandé une nouvelle traduction à Georges Sédir, les mollets sont devenus des cuisses et l'ouvrage a été réédité sous le n°741.
De même, Les infortunes de la vertu, de Sade, a connu deux éditions dans la collection : l'une, sous le triple numéro 239-240-241, suivie de Historiettes, contes et fabliaux ; puis une édition simple, sous le n°399.
De même pour la correspondance entre Héloïse et Abélard, d'abord parue sous le titre Lettres au n°188-189, puis rééditée (dans une version sans doute complétée) au n°1309 avec inversion de l'ordre des auteurs (Abélard et Héloïse, Correspondance, dans la série "bibliothèque médiévale" dirigée par Paul Zumthor).
Un abrégé du livre de Norbert Wiener, Cybernétique et société, avait été publié dès les débuts de la collection, sous le n°56. Lorsqu'en 1971 Christian Bourgois et Dominique de Roux décidèrent de le rééditer dans son intégralité, il fut annoncé sous le n°547-548. Mais c'est l'essai de François Perroux, Indépendance de la nation, qui reçut ce numéro. Le texte intégral du Wiener parut un peu plus tard, sous le n°569-570.
Le texte de Perec, Lusson et Roubaud, Petit traité invitant à la découverte de l'art subtil du go, qui a longtemps figuré au catalogue (bizarrement assorti d'une interdiction à la vente aux mineurs !), n'est en réalité jamais paru dans la collection. Pareil pour L'art magique, de Breton.
En fin de bien des volumes des années soixante, le pamphlet de Mitterrand, Le coup d'État permanent, figure au n°396 du catalogue. C'est en fait un autre roman de Sade, Histoire secrète d'Isabelle de Bavière, qui est paru sous le n°396-397. Le texte de Mitterrand avait semble-t-il été édité auparavant, sous le n°296. Dans ces listes, une faute de frappe sur un seul chiffre peut conduire le bibliographe minutieux à des abîmes de perplexité.
Mais ceci n'est rien par rapport aux numéros fantômes, aux exaspérants trous dans le suivi de la numérotation.
Au cours de l'année 1969, le n°436 a été escamoté, après la parution des quatre tomes du Traité d'économie marxiste d'Ernest Mandel : aucun titre n’y correspondait*. Ce n'est qu'en 1977 (comme quoi certains, au sein de l'UGE, se souciaient tout de même de la continuité de la numérotation…) que ce numéro a été rajouté sur le volume suivant, Heureux les pacifiques de Raymond Abellio, initialement n°437-438 et ainsi devenu n°436-437-438, mais en réalité 436°°° puisqu'à cette époque, sans doute pour alléger la présentation, le principe de la numérotation multiple avait été abandonné : les volumes parus antérieurement et réimprimés n'étaient alors plus désignés que par leur premier numéro d'origine, suivi d'un nombre d'étoiles correspondant à la quantité de numéros initiaux.
Pendant longtemps, le n°1000 n'a jamais existé. Bien des années plus tard, il a été attribué à la réédition dans la collection du texte de Vernon Sullivan, J'irai cracher sur vos tombes, sous la signature de son véritable auteur.
Le triple numéro 597-598-599 désigne dans quantité de catalogues le recueil du cinéaste Dziga Vertov, Articles, journaux, projets. Mais cet ouvrage, sans doute longtemps ajourné, ayant en fait paru sous le n°705, aucun livre réel ne correspond au triple numéro susdit.
Pour clore cette passionnante aventure, voici la liste des numéros de la collection dont je ne sais toujours pas à quels livres ils sont censés correspondre, ni même si ceux-ci existent :
426-427
466
619 à 621
787
878
952
961
968
1066
1561
1610
1634
1659
1666
1733
1734
(en réalité, il se peut que j’aie déjà réduit les incertitudes concernant ces sept derniers numéros, après le n°1066. Mais cette partie de ma reconstitution du catalogue se trouvant sur le disque dur d'un antique notebouque auquel je n’ai plus touché depuis 2003, et dont la pile d'horloge a apparemment fondu sur la carte-mère, je suis présentement dans l'incapacité d'y accéder…)
Une dernière précision. En 2003, j’ai fait l’effort de me traîner à l’accablant Salon du Livre de Paris. Passant devant le stand des éditions Christian Bourgois, j’y aperçois l’éditeur, seul, plongé dans la lecture du Monde. Ni une, ni deux, je fonce droit sur lui et lui expose en quelques mots mon problème. Il a dû me prendre pour un fou furieux, malgré mon calme apparent, mais il m’a très gentiment expliqué qu’il existait un moyen très simple de le résoudre. Sa secrétaire des années 60 l’avait toujours suivi, malgré les remous éditoriaux, et il se trouve qu’elle conservait depuis le début un exemplaire de chaque volume de cette collection : tous reposaient sagement sur les rayonnages de sa bibliothèque personnelle, rangés par ordre numérique ; il se ferait un plaisir de lui communiquer ma requête, il suffisait que je lui adresse un petit courrier pour le lui rappeler…
Je ne l’ai jamais fait. C’était trop facile, après toutes ces discrètes années de recherche fébrile — d’un coup, j’ai eu la flemme.
Et maintenant, Bourgois n’est plus, et je ne connais même pas le nom de cette secrétaire providentielle.
George Weaver
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* C’est à cette occasion que je me suis aperçu qu’il était extrêmement difficile de prouver l’inexistence d’une chose matérielle, ou seulement d’établir la quasi-impossibilité de son existence.
Si je comprends bien, George, vous êtes dans l'incapacité de nous montrer plus avant votre travail... Si c'est le cas, c'est vraiment dommage. Je dois dire que la collection 10/18 est l'une des rares collection que je prends pour mon fonds, quand je ne me sers pas pour ma propre bibliothèque. Évidemment, tous les titres ne sont pas follement intéressant, désormais et je choisis tout de même mes acquisitions. Il y a cependant un titre qui a toujours excité ma curiosité - je ne suis pas le seul ! - c'est le fameux Révol. cul. dans la Chine pop. qui, loin d'une improbable révolution sexuelle parmi les gardes rouges à couettes, était semble-t-il une compilation pour maoïste militant, à l'époque (je dis à "à l'époque", mais je crois qu'il faudrait pas mal se gratter pour en trouver des exemplaires vivants en France, en ce moment...). Je serais grandement guéri de ma frustration si vous me disiez l'avoir rencontré.
RépondreSupprimerN'empêche, qu'est-ce que ce titre m'a fait rêvé... et pas pour des raisons idéologiques !
Passionnant article que celui de George Weaver pour qui, comme moi, a toujours adoré la collection 10 x 18.
RépondreSupprimer"Le Coup d'Etat permanent", de François Mitterrand, je sais qu'il se trouve quelque part sur mes étagères (problème : les livres sont sur deux rangées, donc il faut tout déranger...).
Mais là, cher Tenancier, comme je l'ai juste devant les yeux, en tournant la tête sur ma gauche, je peux vous dire qu'on le trouve encore, ce fameux "Révo. cul dans la Chine pop".
Sous-titre : "Anthologie de la presse des Gardes rouges", N° 901, Union générale d'éditions, 1974.
Avec un "frontispice" (page 5) de la tête de Mao, en noir et blanc, de profil.
Je ne résiste pas au plaisir de recopier la quatrième de couverture :
"A force de renifler l'oignon des bureaucrates, les Gardes rouges ont fini par pleurer. La contre-révolution permanente en Chine a réussi à falsifier doublement la chronique. Tout d'abord en poussant un certain nombre de gogos, de peyrefittes, à répéter n'importe quoi : à les entendre, les conflits internes à la bureaucratie auraient été une révolution grande, prolétarienne et culturelle. Grâce à Leys, on sait que la Révo. cul dans la Chine pop. se ramène essentiellement à un règlement de comptes au sein de la classe dirigeante. Ensuite, en ripolinant les épisodes de la lutte des classes que le bordel généralisé avait laissé transpirer à l'extérieur. Cette anthologie et les commentaires qui l'accompagnent serviront à restituer quelques-uns de ces épisodes, tels que la presse des Gardes rouges les a mis en scène."
A la dernière page, on peut lire ceci :
"La publication en collection de poche nous contraignant à limiter le présent volume (note de D.H. : il compte quand même 448 pages avec dessins et idéogrammes en sus !), nous n'avons pû (sic) y inclure l'index des noms des personnages, organisations de Gardes rouges et établissements d'enseignement ; celui-ci sera adressé à tous les lecteurs qui en feront la demande à l'éditeur."
Il est enfin indiqué : "Ce volume, le 20e de la Bibliothèque asiatique, collection dirigée par René Viénet, a été achevé d'imprimer le 28 février 1975 sur les presses de l'Imprimerie L. P.-F. L. DANEL Loos (Nord)"
René Viénet a écrit "Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations" (collection Témoins, Gallimard, 1968), livre que je possède également, mais par contre j'ignore s'il est paru un jour en 10 x 18 !
Je me permets de rajouter juste un lien vers mon blog sur lequel j'avais scanné une fois ce fameux 10 x 18 à la couverture noire, rose et jaune, en compagnie d'un autre petit livre :
RépondreSupprimerhttp://dominiquehasselmann.blog.lemonde.fr/2007/11/22/longue-vie-au-president-sarko/
La différence essentielle, voire "existentielle", entre ce monomaniaque d'Antoine Roquentin et l'exomaniaque que vous êtes (ou prétendez être), cher George, réside en la présente note.
RépondreSupprimerJe vous félicite, vous remercie et vous salue.
(Tenancier, j'suis en train de vous pondre un truc mais j'ai la couveuse douloureuse.)
Ah, mon cher Dominique, j'ai enfin pû (sic) contempler ce monument. Mais je vois que je me suis fourvoyé longuement dans les buts de cet ouvrages... A propos du lien que vous fournissez si aimablement, mon cher Dominique, on ne saurait trop goûter également l'exemplaire du Petit Livre Rouge que vous exposez à notre concupiscence. J'avais le mien, dans le temps. Il me fut offert par Otto à l'un de mes anniversaires il y a bien 25 ans. Je l'ai égaré et en suis bien marri car j'aime le kitsch même en politique (j'ai des affiches chinoises des années 80 qui sont assez gratinés : ils n'ont même pas le charme de ceux des années 50)
RépondreSupprimerPour en revenir à cette collection 10/18, nous sommes quelques uns à avoir appris à lire dedans, en compagnie de Darien, Gombrowicz, Bataille, Burroughs, Brautigan, London, et toutes ces fin-de-siècleries qui nous étaient enfin accessibles à un prix correct... Nous nous sommes aussi "conscientisés" (pour utiliser un mot de l'époque) avec les lectures de Malatesta et Lehning (Vous pouvez mettre vos lectures préférées à la place, je ne suis pas jaloux). Bref, cette collection m'a quelque peu ouvert au monde et à ce qu'était la bonne littérature. Je me demande si une telle production serait désormais possible tant nous assistons à un nivellement consensuel par le bas.
Christophe, nous savons attendre car nous savons de quoi vous êtes capable...
Entièrement d'accord avec votre dernier commentaire, cher Tenancier, et c'est précisément l'intérêt exceptionnel de cette éclectique collection dans les années 60 et 70 qui m'a poussé à entreprendre cette tâche, alors que je commençais juste à découvrir l'étendue du continent de la bonne littérature et des essais qui comptent.
RépondreSupprimerJe ne suis pas dans l'incapacité de montrer le fruit de mon travail : j'ai recopié à partir de février 1987 les titres des 400 premiers numéros dans un cahier (que j'ai sous les yeux) qui contient également quantité de catalogues et bons de commande depuis 1975 sur lesquels j'ai directement comblé à la main les trous pour les livres postérieurs au n°400-401-402 (Maurice Druon, Vézelay, colline éternelle). Mais ce à quoi je n'ai pas accès pour l'instant, c'est le fichier numérique dans lequel j'avais reporté cette fameuse liste des numéros absents de mes catalogues numériques. Peut-être prendrai-je un jour le temps de récupérer le contenu de ce disque dur, s'il est encore lisible…
Révo. cul. dans la Chine pop. : comme l'a montré Dominique, c'est exactement le contraire e ce que vous pensiez : un pavé lancé dans la mare du maoïsme français ambiant (ce qui à l'époque ne manquait pas d'un certain courage). L'apocope équivoque du titre est tout à fait volontaire… Je l'ai dans ma bibliothèque (longtemps après sa publication, j'ai même noué une amitié avec l'un de ses traducteurs). La collection "Bibliothèque asiatique" avait été inaugurée chez Champ Libre par René Viénet (avec Les habits neufs du président Mao, de Simon Leys), qui l'a ensuite poursuivie (brièvement) chez 10/18 — après sa rupture avec Debord, me semble-t-il.
Je me permets de préciser que si Viénet est le seul signataire de Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations, ce livre (jamais édité ailleurs que chez Gallimard, et toujours disponible) est en réalité un ouvrage collectif auquel ont contribué la plupart des situs de l'époque.
Après avoir réalisé ou détourné quelques films, Viénet est parti s'installer dans les années 80 à Taïwan, où il a monté une boîte d'import-export.
Une petite requête, Tenancier : dans la ligne qui suit le dernier numéro de la liste, je vous serais reconnaissant de supprimer le nous contenu dans « il se peut que nous j’aie », dû à mon étourderie.
Cher Christophe, merci pour le compliment. Je vais de ce pas relire La nausée pour saisir toute la subtilité de votre remarque, et vous salue en retour.
"Après avoir réalisé ou détourné quelques films, Viénet est parti s'installer dans les années 80 à Taïwan, où il a monté une boîte d'import-export."
RépondreSupprimerJe vais faire mon Otto : il ne faut pas changer Debord.
Résumons pour faire bref : George, vous vous livrâtes à un Bénédictin forcené qui n'établit point de contact avec une secrétaire de Bourgois. Ce renâclement à l'excès de facilité dans cette aventure fait de vous un cénobite de première classe! Merci pour le compte-rendu de ce travail qui permet d'appréhender une dimension du non-catalogage.
RépondreSupprimer--
Quant à Viénet, il faut rappeler qu'il a été viré du CNRS à cause de ses partis pris éditoriaux.
ArD
Les cénobites tranquilles, dit-on d'ordinaire, chère et leste ArD.
RépondreSupprimerPour Viénet (viré à deux reprises, cas unique dans les annales du CNRS), on a un peu plus de détails ici, mais je n'ai pas encore trouvé le moyen de réécouter ces émissions.
Attention, Christophe, vous êtes en train de virer, vous aussi… D'ailleurs, vous me remémorez la chanson de Gainsbourg :
C'est l'automne… eaume
Mon Otto… Neaume, etc.
Ah, cher George, quel ravissement ! Quelle joie de se sentir moins seul et, surtout, moins névrosé après vous avoir lu ! Vous êtes le cas le plus aigu de bibliographomane que je connaisse. Quelle formidable (et c'est un "formidable" hugolien) entreprise bibliographique, que celle qui vous tient depuis tant d'années, et pour quelle collection, où j'ai lu mes premiers Bataille, et Darien bien sûr ; qui publia du Gourmont, SIXTINE, HISTOIRES MAGIQUES, (presque) plus difficiles aujourd'hui à trouver que des EO. Merci, cher George, de tout mon coeur obsessionnel.
RépondreSupprimerFait, George.
RépondreSupprimerCher Christophe, vous faites très bien l'Otto.
RépondreSupprimerGeorge aussi, du reste.
J'en viens à me demander à quoi je sers ?
Bref... En tous cas, George, je me joins aux félicitations exprimées ici par nos chers amis pour le travail bénédictin auquel vous vous livrâtes (finalement, je crois savoir pourquoi ces formules grammaticales tombent en désuétude : c'est moche).
Otto Naumme
Cher Otto, on ne pense pas à vous en termes utilitaires et c'est très heureux.
RépondreSupprimerIl faut souligner l'importance des couvertures dont les maquettes étaient dues à Pierre Bernard, du moins celle qui soulignaient d'une double filet (un gras, un maigre) le nom des auteurs, comme le montre la couverture ci-dessus. Comme d'habitude, l'identité d'une série avait été trouvée avec un simple élément typographique pour la couverture, lié, à un logo fort simple lui aussi.
Merci pour la rectification, Tenancier. Il y eut aussi, trop rarement, de très belles couvertures illustrées par Roman Cieslewicz (dont le Hô Chi Minh, me semble-t-il…)
RépondreSupprimerÇa alors, c'est tout de même incroyable !
Durant des années j'ai caché cette obsession à mes plus proches amis, de peur qu'ils ne songent à me faire interner (même aujourd'hui je ne puis m'empêcher, dès que passe entre mes mains un 10/18 du début des années 70, de feuilleter en vitesse ses dernières pages, un certain nœud au cœur et jetant de furtifs coups d'œil alentour) et voilà que, pressé d'en faire publiquement étalage, conforté par un relatif anonymat, les félicitations pleuvent de toutes part !
Vous avez raison, SPiRitus : on se sent moins seul. Comme le dit Gombrowicz dans La pornographie (n°450), « À deux, il n'y a plus de folie. » Gourmont, c'était dans la remarquable collection "fin de siècle" dirigée par le regretté Hubert Juin : n°1493 et 1494. Bataille, oui, et d'autres auteurs de chez Minuit : Beckett, Butor, Vian, Deleuze, Lyotard… c'est la seule collection de poche à laquelle Jérôme Lindon, hostile par principe à ce format, avait accepté de rétrocéder temporairement des droits.
Ce n'est qu'hier soir que j'ai fait le rapprochement entre "bénédictin" et "pénitence", et jamais jusqu'à présent je n'avais remarqué que ce mot-là (pas mollah : ce que Ben édicte, hein, je m'en tamponne le coquillard !) pouvait se prêter au joyeux art du contrepet…
Mais, George, vous n'êtes pas dédouané de votre folie, vous êtes seulement moins isolé que vous ne le pensiez. Doit-on voir cela comme une nouvelle rassurante ? En tout cas sans ces obsessions compilatrices - auquel le Tenancier a résisté souvent - que deviendrait notre profession ?
RépondreSupprimerJ'attire l'attention du curieux sur un livre de Bernard Sève, qui vient de paraître mais que je n'ai pas eu le temps encore de parcourir et qui s'intitule "De Haut en Bas - Philosophie des listes", paru dans la collection L'ordre Philosophique aux éditions du Seuil. Nul doute que cet ouvrage apportera quelques éléments à la méditation sur l'obsession du répertoire. Mais, bien évidemment, rien ne vaut le "Penser / Classer" d'un autre Georges... avec un S, çui-là.
Ah vous n'y allez pas molloh dans vos rapprochements. Le bénédictin ne fait pas particulièrement pénitence, il est réellement un cénobite au premier sens du terme (non austère) qui se la coule douce. La fameuse Règle impose de combattre l'oisiveté ; à partir de là, beaucoup de de choses sont permises, hein (!)
RépondreSupprimer--
G., malgré mes recherches, je ne trouve pas les noms des traducteurs de Révo-cul; si vous les avez en tête, cela me fera plaisir.
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ArD
@ Georges Weaver : mon admiration pour votre entreprise toute borgesienne était sous-entendue et non explicite quand j'ai découvert votre incroyable billet sur la collection 10 x 18.
RépondreSupprimerSincèrement, pourquoi n'êtes-vous pas allé rendre visite à la secrétaire de Christian Bourgois ? Qui sait ? Une idylle aurait pu s'ensuivre... et un roman paraître ensuite dans la même collection oblongue ?
En tout cas, vous devriez publier l'état de vos recherches (vous voyez dans quel format ?) et montrer au jour comment une passion fatale transforme la bibliophilie en une aimable schizophrénie : le 10 d'un côté, le 18 de l'autre...
@ Le Tenancier : oui, je garde (rouge) précieusement ce petit livre à couverture de plastique, et au papier bible (une sorte d'"imitation" non pas de Jésus-Christ mais de La Pléiade) !
Je suis content d'avoir ranimé ces quelques souvenirs en vous : l'Orient, alors, enflammait quelques cervelles et il est bien vrai que "Révo.cul. dans la Chine pop." n'était pas tout à fait un panégyrique de l'application des directives ou considérations de Mao sur le terrain de la grande révolution prolétarienne.
Regrets que cette collection, ouverture vers tant de littératures françaises ou étrangères (le fameux "domaine", avec un Brautigan, au hasard) ne possède plus son équivalent : sans doute faut-il picorer ici ou là, mais de manière désordonnée, pour en retrouver l'optique à longue focale.
Bravo en tout cas à vous deux pour cette évocation aussi bien historique que magnifique !
Dans ma grande finesse, je verrais bien des rapprochements entre austère et les cénobites, mais nous ne sommes pas à New-York.
RépondreSupprimerEt, cher Tenancier, merci de votre mot gentil, il me va droit au coeur...
Quant à vous, cher George, rassurez-vous, le "pimpon" que vous entendez, il (n')est (pas) pour vous...
L'oisiveté, mère de tous les vices... C'est bien ce à quoi certain Bénedict s'emploie à échapper. Dommage.
Otto Naumme
Je me permets d'ajouter à ce début de liste l'indispensable ouvrage de Jacques Bonnet paru fin 2008 chez Denoël : Des bibliothèque pleines de fantômes. L'auteur nous fait très plaisamment part de quelques uns des problèmes que pose le fait de posséder (comme lui) plus de 30 000 livres. Il écrit par exemple p. 45 :
RépondreSupprimer« J'ai […] refusé les bouleversements politiques qui ont fait suite à l'écroulement de l'Empire soviétique et conservé ma section yougoslave (exception à mon classement par langues) mêlant Serbes et Croates aux écrivains slovènes et bosniaques. Manquent les Monténégrins et les Macédoniens, mais après une inspection minutieuse du secteur, je suis obligé de constater, non sans une certaine gêne, que ma bibliothèque ne contient aucun livre traduit de ces deux langues. »
Hum ! Des bibliothèques pleines de fantômes, natürlich !
RépondreSupprimerIl ne me reste donc plus qu'à faire un appel vibrant aux lecteurs de ce blog pour les convier à un petit jeu : Rassemblez tous vos 10/18, sélectionnez-en (pas plus de 10) et expédiez-m'en les scans de couverture, histoire de faire une sorte de panégyrique de la collection !
RépondreSupprimerQui commence ?
Vérification faite, ArD, il me faut vous donner raison, pour les cénobites : pas de manne austère au monastère.
RépondreSupprimerJe n'ai pas en tête les noms de ces traducteurs pour la bonne raison qu'il s'agit de pseudonymes fantaisistes empruntés au mandarin, langue à laquelle hélas je n'entends goutte. Mais Dominique a le bouquin sous la main, dont il pourrait nous donner un coup…
Dominique, justement : j'avais bien saisi le compliment, mais merci encore. Quant à vos questions :
1) Je pense que l'âge de la secrétaire de Bourgois doit osciller entre ceux de ma mère et de ma grand-mère, et je ne suis pas gérontophile. Mais surtout, vous est-il arrivé de pratiquer le stop sur, disons une quinzaine de km, sans que nulle voiture ne daigne s'arrêter ? Lorsque finalement un véhicule freine à vos côtés pour vous proposer de monter, alors qu'il ne vous reste plus que quelques centaines de mètres, je vous assure que vous déclinez l'invitation, au grand dépit du conducteur (ou de la conductrice)… Et puis, nulle longue quête ne s'achève sans laisser la sensation d'un vague manque…
2) Quant à publier le résultat de ces travaux, je ne crois pas y avoir songé : ce serait me semble-t-il extrêmement rebutant, cette succession de milliers de titres, même au format de la collection, même étoffée par un descriptif ou la reproduction des couvertures (d'ailleurs impossible pour moi, puisque c'est essentiellement un travail de seconde main, sur catalogues). Dans les romans de Perec, par exemple, j'ai le plus grand mal à ne pas sauter les interminables listes qu'il fournit… De telles recensions ont certes été publiées pour d'autres collections (la Série Noire, le Club français du Livre, les cartonnages nrf…), mais à l'intention de professionnels du livre ou de collectionneurs passionnés, et je ne pense pas que nous soyons plus de quelques dizaines à nous intéresser à ce point à cette collection…
Tenancier, je suis surpris que le petit livre rouge ne vous passe pas fréquemment entre les mains : le tirage en avait été énorme !
Misère, Otto, je n'entends rien à vos propos de 14 h 44 !
Pourquoi New York ? Paul Auster ? Oyster ? Damnature ! Et de quel pimpon parlez-vous ? Et ce Benedict : Spinoza ??
N'oubliez pas que si vous faillez en contrepèteries, j'ai quant à moi le cerveau lent…
George, il en passe à portée de vue, mais pas mon exemplaire. Attachement purement sentimental, c'est tout, et c'est tant mieux.
RépondreSupprimerOui, très lent, George. J'espérai tant que vous vîtes quelque chose dans mon "bénédictin qui se la coule douce" (!)
RépondreSupprimer--
La sinophile que je suis espère que D.H. me transmettra les noms des traducteurs.
ArD
Tonnerre, je pige que pouic ! Benedictus ? La Bénédictine ? Faut croire que j'ai du guano dans les yeux et de la béchamel dans la tête !
RépondreSupprimerMon cher George, quelques indices sur ces (navrantes, comme à l'accoutumé) énigmes :
RépondreSupprimer- Pour les cénobites, vous avez bien vu avec ce cher Auster, je n'ose même pas écrire le rapport tellement j'ai honte d'avoir eu une telle idée...
- le pimpon, c'était celui de l'ambulance venant vous chercher pour vous emmener à l'asile, seule destination possible pour un "fou" s'étant lancé dans une telle quête...
- Quel est la traduction française de Benedictus ? Benoît. Et ce serait bien que celui auquel je pense se taise plus souvent...
Bon, je retourne essayer de travailler...
Otto Naumme
En post-Otto, rien de navrant chez moi, juste une coule, c'est tout.
RépondreSupprimerBon, à dafut de réussir à travailler avec tout ça, je vais chercher des encore=nets à l'encre de sèche.
ArD
Merci, cher Otto. J'imagine donc que vous songez à Léviathan, mais il y a un petit problème d'accord du sujet et du verbe…
RépondreSupprimerQuant au pimpon, vu le tour que prenait la conversation, j'étais resté bloqué sur les pompiers (vous parlez de quelle quête ?)…
Benoît : je sèche toujours, mais je crois comprendre qu'il s'agit d'une praillevète djoque. Sauf si vous ne causez pas de certaine pâtée pour chiens (tiens, cela me rappelle un détournement de cliché dans Hara-Kiri : ils avaient ajouté une gamelle de PAL sur le sol où s'agenouillait sa Sainteté à sa descente d'avion).
Sinon, l'oisiveté n'est pas la mère de tous les vices d'Inuits.
Cher Tenancier, je répondrais bien à votre appel, mais je n'ai pas de scanneur.
Cher George, vous me prêtez des intentions bien trop littéraires...
RépondreSupprimerPour la quête, il s'agit bien sûr de la vôtre, concernant cette numérotation des 10/18 !
Pour Benedict et Benoît, tournez-vous du côté de Rome, il était en gros question de dire que l'oisiveté est mère de tous les vices, que le Benoît siégeant à Rome applique ce principe et que c'est fort dommage.
Quant à Auster, non, c'est vraiment trop lamentable... Ne cherchez pas, ça n'en vaut pas la peine.
Pour le cliché de hara-kiri, il a été détourné dans un mensuel nommé Kamikaze (du satirique au vitriol, pas toujours de bon goût...) qui a fait un numéro spécial sur les prêtres pédophiles sous la forme d'un dessin où l'on voit cette scène, mais avec un cardinal qui se positionne derrière le "Saint-Père", tout outillage dehors et prêt à profiter de la posture. Raffiné...
Otto Naumme
Cher Otto, je sais bien, pour la quête : ce n'était que prétexte à calembour de cour de récré.
RépondreSupprimerEt c'est bien ce que je pensais : vous causiez pas PAL.
Quant à l'auteur de la Trilogie new-yorkaise, ne me dites pas que Paulo s'terre, je vous en prie !
J'aimais bien lorsqu'on parlait de livres, dans ce blog...
RépondreSupprimerQuant à la "coule" d'ArD, tout ce que je comprends c'est que cela nous ramène au Mystère de l'Abeille (désolé, Otto, mais l'abeille coule…)
RépondreSupprimerMais, cher Tenancier, les vices d'Inuits sont au cœur de ce billet, si vous excusez mes problèmes d'élocution !
RépondreSupprimerMon commentaire s'étant perdu dans l'éther, je le reprends en abrégé :
RépondreSupprimer@ Anonyme et Georges Weaver, concernant les traducteurs, on peut lire en page 3 de ce livre... "culte" :
"Anthologie de la presse des Gardes rouges (mai 1966-janvier 1968)
préparée par
Hector Mandarès (sic)
Gracchus Wang (resic)
Ed. Redon (tricycle !)
Katia Nguyen (?)
Xu Xuanwu (?)"
En page 8, il est indiqué :
"Pour la transcription des termes chinois, nous avons utilisé l'orthographe officielle chinoise (dite A.P.C., ou pinyin zimu) en vigueur depuis 1958. Selon cette transcription, on doit écrire Mao Zedong et non Mao-Tsé-toung ; Zhou Enlai et non Chou-En-laï ; Jiang Jieshi et non Tchang Kaï-shek qui est la graphie usuelle d'une prononciation dialectale.(...)"
@ Le Tenancier : d'accord pour scanner dix couvertures de 10 x 18, excellente idée !
Mais, cher Tenancier, Popaul Auster est bien un romancier, non ?
RépondreSupprimerOtto Naumme
Pour en revenir à des choses plus sérieuses, voire angoissantes, je m'aperçois avec un certain effroi que ce qui était exact en 1987 ne l'est sans doute plus 23 ans après.
RépondreSupprimerÀ l'époque, il était effectivement très simple de suivre la continuité numérique de la collection à partir du n°1735 : il suffisait de se procurer régulièrement en librairie les catalogues ou les bons de commande semestriels. Mais aujourd'hui, en 2010, la collection a dépassé le n°4300 : c'est donc quelque 2600 volumes qui ont paru entretemps, et nombre de ceux-ci, épuisés, ont disparu du catalogue actuel… moi aussi, du coup, je me sens un peu épuisé — sans compter qu'il n'existe plus de catalogue sur papier, et que le site de 10/18 n'indique même pas le numéro des ouvrages disponibles !
@ Le Tenancier : je vous envoie de ce pas dix livres 10 x 18 scannés, après mon trifouillis au hasard dans les étagères que j'ai à portée de main.
RépondreSupprimerVous noterez, pour les deux Bernard Noël, "Extraits du corps" et "Le Château de Cène", l'utilisation... de la même illustration de couverture (détail de "Salomé dansant" de Gustave Moreau) !
Merci, cher Dominique, on vous félicite pour votre enthousiasme. Votre contribution va paraître dans quelques billets...
RépondreSupprimerun lien à propos de René Vienet
RépondreSupprimerhttp://www.ubu.com/film/vienet_dialectics.html
Tous ses films sont visibles sur la Toile, je crois même que les liens sont fournis sur sa page Ouiqui.
RépondreSupprimerCe qui est marrant, c'est que je lui avais écrit en 1991, pour lui demander à qui appartenaient les droits de celui-là, que je venais de voir à la Vidéothèque de Paris ("Forum des Images", aujourd'hui) et que je voulais projeter dans le cinéma où je bossais à l'époque.
Hé bien, il m'a répondu qu'il n'en savait rien, et il était ahuri d'apprendre qu'il en restait encore des copies 35 mm !
" Can Dialectics Break Bricks? " faisant suite à ces brillants échanges semble rendre un hommage d'humour...
RépondreSupprimerCher Tenancier, à propos du livre de Bernard Sève que vous mentionniez le 11 mai à 14h31, je suis tombé sur cette intéressante recension.
RépondreSupprimerIntéressant ! Merci Otto... euh George.
RépondreSupprimerLa série des "À voix nue" avec René Viénet est maintenant disponible sur cette page.
RépondreSupprimerGeorge,
RépondreSupprimer" Au rez-de-chaussée, le bureau de la secrétaire,- elle le restera plus de trente ans- la pétillante Annie Sisombat [...]"
Francis Lacassin "Mémoires" Editions du Rocher(2006), p.208
Soyez bénie, Adrià ! Vous êtes décidément d'un précieux concours, et une enquêtrice hors-pair !
RépondreSupprimerHélas, je ne trouve rien sur la Toile concernant cette dame…
Bonjour,
SupprimerJe suis Didier Sisombat, fils de madame Annie Sisombat qui a créé avec Michel Claude Jallard la collection 10/18 en 1962.
J'ai le grand plaisir d'avoir l'intégralité de la collection depuis sa création jusqu'à une époque plus moderne.
Ce serait avec plaisir que je puisse vous aider dans votre quête.
Vous pouvez me contacter à l'adresse mail ci-après:
didier.sisombat@orange.fr
Bien à vous