Éric Braga, bouquiniste



Il existe plusieurs catégories de bouquinistes, comme il existe plusieurs catégories de libraires et comme, sans doute il existe plusieurs catégories de chiropracteurs ou de tueurs en série. Ainsi, il m’est arrivé de croiser de ces créatures qui semblaient enchâssées dans le salpêtre de leurs boutiques et dont l’odeur de moisi ressemblait grandement à celle qui s’échappait des pages des ouvrages qu’on avait l’audace inouïe de feuilleter dans leurs rayons. D’autres surgissaient d’un comptoir qui n’était guère voué au Dubonnet ou au Picon, le regard plein de défiance et vous sommant de déguerpir, à présumer de votre obligatoire insolvabilité. Il y a les atrabilaires, des malhonnêtes, quelques égarés.
Et puis il y a Éric.
Éric est bouquiniste et il en fait un noble métier car il le sert noblement.
Trêve de flatterie. J'ai connu Éric à son étal, au marché d'Antony il y a plusieurs années. Nous avons vite sympathisé. C'est devenu un ami précieux, de cette catégorie d'amitié dont il ne sert à rien de raisonner sur la nature. Il suffit de la goûter à sa juste valeur.
Toute l’année, les jours de marché - quatre au moins, - il fait plusieurs dizaines de kilomètres pour tenir son stand de vente de livres. Sachant qu’un marché commence bien avant 7h du matin, pour ceux qui y travaillent, considérons que le sieur Éric n’a point fait de son lit sa résidence principale. Sachons encore qu’il possède un fonds en ligne assez considérable : près de 50 000 ouvrages de toutes sortes et parfois des exemplaires que ne dédaigneraient pas quelques libraires. Ainsi, il m’est arrivé d’être animé par le démon de la jalousie en voyant ses acquisitions récentes. Son amitié n’a pas été jusqu’à me donner ces livres. Je ne comprends pas pourquoi… j’ai pourtant été aimable, ce jour là. Mais le fait de posséder tant d’ouvrages implique également que, rentré du marché, il s’occupe de ses commandes quotidiennes et qu’il entretienne les listes mises en ligne sur le net. Cela signifie donc, jour après jour, qu’il doit créer des fiches descriptives pour chaque référence mise en ligne. Cela signifie, des dizaines de paquets expédiés tous les jours, cela signifie un travail de romain.
Éric le fait, toujours d’une humeur égale.
C’est énervant pour les autres.
Mais c'est un ami dont on est fier.


Qui veut donc faire à l’heure actuelle une différence entre bouquinistes et libraires ? Certainement pas moi lorsque j’évoque le travail de celui-ci et surtout la passion qu’il développe vis-à-vis du livre. Elle est égale à la mienne. Nulle différence entre nous. C’est un être humain, souriant et bibliomane. (Le sourire, c’est peut être la seule différence avec le soussigné…)
Comme ça, au détour d’une promenade sur la toile, allez donc voir ce qu’il propose, on ne sait jamais.
Et puis, si vous passez du côté d’Antony ou de Massy Palaiseau, allez donc lui dire bonjour de ma part.


Et quand il ne travaille pas ?
Eh bien il va faire de la musique jusqu'au petit matin, juste avant de reprendre sa camionnette pour aller vendre ses livres...

8 commentaires:

  1. Sympathique portrait, cher Tenancier.
    Et effectivement, je ne vois guère plus que vous la différence entre bouquiniste et libraire. Dans les deux cas, il s'agit de vendre des livres.
    La seule réelle différence que je vois, c'est entre les professionnels amoureux de ce qu'ils vendent et ceux qui vendent au kilo, livres ou confettis noirs pour les enterrements.

    Otto Naumme (qui a pas l'impression d'apporter grand-chose au débat, si ce n'est abonder dans le sens du Tenancier...)

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  2. Cher Tenancier, comme il doit être bon (pour le moral) de se faire brosser le portrait par vous ! Par exemple, sachez que je me délecte à chaque fois que je relis vos textes sur Irène Autin et henri Lheritier.

    À ce propos, nous gratifierez-vous, un jour ou l'autre, de quelques notes évidemment bien troussées sur le phénomène Otto Naumme et, par effet d'entonnoir, sur son sens aigü de la provocation que, ma foi, il semble entretenir sans avoir l'air d'y toucher ?

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  3. "Henri" avec une majuscule et "aigu" sans tréma. Pardon.

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  4. J'apporterais volontiers un peu d'eau au moulin d'Otto en précisant que je vois un point commun supplémentaire entre le portriste et le portraité: nous avons dans les deux cas affaire à des bibliotactes !

    ArD

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  5. Chère ArD, est-ce moi et mon esprit volontiers tortueux, ou avez-vous fait, sans le rechercher je veux le présumer, l'un de ces "horribles" jeux de mot dont j'ai habituellement la primeur, sur Otto et son "moulin" ?
    (notez que je parle de moi à la troisième personne uniquement pour les besoins de la tournure stylistique - si tant est que l'on puisse user de ce qualificatif dans ce cas précis...)
    Mais, dans tous les cas, j'agrée votre intervention : tous deux sont de grands enfants (ah l'enfance portraitée !) et ne manquent pas de classe. On voit qu'ils ont été à bonne école...

    Otto Naumme

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  6. Otto, au F.U.I.C.T., point de rival, que des émules... suspendues aux pales de votre moulin !

    ArD

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  7. mic a dit : il me semble qu'il y a quelques différences entre un libraire et un bouquiniste. En effet les bouquinistes vont souvent sur les marchés à la rencontre du lecteur. il peut alors avoir affaire à une clientèle toute différente, celle qui peut-être n'a pas l'occasion de franchir le pas d'une librairie. A ma connaissance les libraires tiennent rarement étal sur les marchés, le client doit alors venir à sa rencontre, ce qui change beaucoup de choses dans ce rapport lecteur/libraire, c'est ce que je crois. moi même, j'ai envisagé d'aller sur les marchés avec mes livres, et... je ne l'ai toujours pas fait.

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  8. Ce que je voulais signifier, mic, c'est qu'au fond et désormais, il y a peu de différence entre nous dans l'approche du livre. Éric a accès à des ouvrages et les connaissances s'y rapportant plus aisément que par le passé. Je crois également que, connaissant le personnage, son amour du livre ne se dévalue certes pas face aux libraires "installés". Mais autrement, ce que vous dites est fort juste !

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