Une bibliothèque

"On a voulu faire un reproche à Paul de Kock. On a critiqué la composition de sa bibliothèque.
Elle n'était assurément pas distribuée comme celle d'un épicier retiré des affaires, qui met Descartes et Newton sur le premier plan, bien qu'il ne puisse pas les comprendre, et que d'ailleurs il ne l'ait pas tenté, ne les ayant jamais ouverts de sa vie.
Elle ne contenait ni Hugo, ni Lamartine, ni Châteaubriand.
Elle contenait les œuvres complètes de son propriétaire.
Il n'y avait chez lui que lui. Quand il voulait lire, il se lisait.

*
* *

Tout d'abord, cela semble impliquer une grande vanité, une pensée d'orgueil indicible.
Mais, en réfléchissant bien, on voit la constante préoccupation d'un écrivain qui veut embrasser son œuvre entière, et établir une sorte d'harmonie entre ses parties si nombreuses.
A ce propos, une anecdote vraie.
Léon Gozlan, de spirituelle mémoire, fut un jour invité par le dernier souverain de Compiègne.
Napoléon, auquel il fut présenté par le chambellan de service, lui dit :
« Monsieur Gozlan, je connais vos livres.
- Je vous remercie, Sire.
- Je ne les ai pas tous lus.
- Ni moi non plus, Sire. »
On pourrait peut-être en dire autant de Paul de Kock.
Il n'avait peut-être pas lu tout ce qu'il avait écrit."

Timothée Trimm
La vie de Ch. Paul de Kock
Paris, Georges Barba - 1873


14 commentaires:

  1. ... « on voit la constante préoccupation d'un écrivain qui veut embrasser son œuvre entière, et établir une sorte d'harmonie entre ses parties si nombreuses. »

    Quel tonicité dans le style,quelle fertilité, Tenancier ! Le repos vous aura été salutaire, je présume.

    ArD

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  2. Chère ArD, au risque de vous décevoir, et à moins que notre cher Tenancier ne me détrompe (énormément, cela va de soi), les guillemets entourant le texte de ce billet, de même que la mention, écrite en petit je le concède, Thimotée Trimm, La vie de Ch. Paul de Kock, laissent à penser que c'est plutôt ce Thimotée qui est l'auteur de ces lignes, je l'agrée, fort bien tournées.
    Ce qui n'enlève rien à la fertilité manifeste du Tenancier, terreau de ces bien agréables billets que nous avons le plaisir de lire au quotidien.
    Cela dit, sachez que le Tenancier ne se repose jamais, il se concentre.

    Otto Naumme

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  3. Exact cher Otto, je me suis laissé éconduire par le cul de lampe.

    Il n'empêche... je m'interroge souvent à savoir pourquoi notre Tenancier nous impose des crottes de mouche en guise de guillemets.

    ArD

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  4. Cher Otto Naumme, permettez-moi de saluer la grande finesse de votre "[...] ne me détrompe (énormément, cela va de soi) [...] " qui, sans avoir l'air d'y toucher, vous (et nous) ramène à feu Yves Robert, ledit Robert qui vous avait échappé l'autre jour - Dieu merci, George et le Tenancier veillaient au grain... Un peu de concentration, Otto !

    (À part ça, le "Léon Gozlan, de spirituelle mémoire" a du mal à passer... Il faut dire que je garde un excellent souvenir (de lecture) de son "Balzac en pantoufles" qui rend merveilleusement, ma foi, le laborieux travail du grand Honoré, ce grand camé à l'encre et au café - dans sa maison, rue Raynouard à Passy, on peut d'ailleurs s'attarder avec émotion sur sa cafetière.
    Balzac qui, entre nous soit dit, ne se reposait jamais : il se "concentrait", et ce verbe n'est pas sans évoquer et la texture de l'encre et celle du café, convenons-en.)

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  5. "Après la cire d'Abeille les crottes de mouche... " (Citation apocryphe d'Otto Naumme)

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  6. Hum, désolé pour la triple relative.

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  7. À propos d'étranges bibliothèques, je crois que c'est Losfeld qui parle dans ses mémoires de ce bibliophile qui en avait deux strictement identiques : l'une à usage de lecture, l'autre contenant les mêmes livres, soigneusement emballés pour les protéger des avanies du temps…

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  8. Il arrive qu'on me demande du Paul Bourget, du Jean de la Varende ou du Paul d'Ivoi, mais Paul de Kock, jamais !

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  9. Mon esprit, décidément fort lent, en déduit, cher George WF Weaver, que vous exercez le même sacerdoce que notre Tenancier... beau sacerdoce. Dites-nous/m'en plus.

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  10. Eh oui, le métier de libraire aide certains ici à tenir debout, c'est du reste pour cela que sacerdoce...

    Otto Naumme

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  11. … même s'il ne reste parfois guère de chair à ronger (heureusement, peu y laissent leur peau).

    Cher SPiRitus, certaines informations ne relèvent pas du domaine public. Mais envoyez-moi un mèle, je me ferai un plaisir de vous renseigner.

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  12. George, vous ne déhonoreriez en aucun cas ce blog en disant ici ce que vous faites.

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  13. Mais voyons, cela n'est un secret pour personne ! rien d'autre que ce que j'ai toujours fait : procurer du bonheur à autrui en essayant d'y gagner au passage de quoi (mal) survivre… Actuellement, cela consiste à satisfaire les bibliomanes, les lecteurs désargentés ou ceux en quête d'ouvrage épuisés.
    Tiens, vous avez remarqué l'accélération de la vitesse d'épuisement de la plupart des titres, ces dernières années ? Le talon de fer est de plus en plus impitoyable…

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