Conseil d'expert

Commençons une nouvelle rubrique informelle et éclectique : celle que les lecteurs de ce blog voudront bien alimenter avec leurs écrits. Le texte ci-dessous fut écrit en réaction à l'article "En voiture, siouplaît !". Il aurait été bien dommage de le laisser cantonné aux commentaires. CLS, c'est Christian Laucou Soulignac et j'espère le trouver souvent ici !

Quitte à corner, autant corner savamment.
Les ouvrages imprimés du 16e au 18e siècle sont merveilleusement cornables, le papier y est doux, relativement mince, solide, appétissant (bien des vers vous le diront). Je ne puis trop m'avancer au sujet des ouvrages du 15e siècle et antérieurs, n'en ayant pas dans ma bibliothèque. J'ai essayé d'aller corner ceux de la BNF, pour voir, mais on est trop surveillé à la réserve précieuse. Les conservateurs et trices n'ont pas la même culture que les corneurs, ils ne les comprennent pas. Ils prennent le cornage pour une dégradation, un délit de lèse-livre, les sots !
Là où les affaires se dégradent, c'est avec les ouvrages du 19e siècle. Pour les Romantiques et avant, ça va encore, ça se tient. Le papier se pique souvent de jolies taches de rousseur mais il est encore, le plus souvent, souple sous la corne. Après cette période, la qualité du papier se dégrade réellement et la cornure réversible devient une activité aléatoire. Le papier, en effet, casse souvent et l'on se retrouve gros Jean comme devant avec son coin de papier à la main.
Je conseille fermement la corne sur tous les ouvrages de très haute bibliophilie du 20e siècle. Le papier s'y plie sans le moindre effort.
Je déconseille en revanche les ouvrages Dada, ces gens là ne savaient pas vivre et imprimaient leurs livres le plus souvent sur des papiers infâmes dont je n'aurais pas même voulu pour un usage d'hygiène intime.
Pour les petits romans, on fera comme on voudra. Mais on se méfiera, la cornission, comme au 19e siècle, peut conduire à la casse.
Il convient enfin de traiter le livre au format de poche. Avec ces modestes ouvrages, l'imagination peut n'avoir plus de limites. La cornerie peut, par exemple, s'exercer alternativement en plaçant le haut ou le bas de la page contre le côté intérieur pour obtenir un ample pli. On peut itou, mais ce n'est plus de la cornaison, arracher les pages au fil de la lecture et les semer un peu, beaucoup, passionément...
Comme on voit, le sujet est vaste et est loin d'être épuisé après ce rapide survol.

cls

4 commentaires:

  1. Cela me rappelle Audiard, par la bouche de Gabin : "si la cornerie se mesurait, il serait mètre-étalon à Sèvres"...
    Quoi ? On me dit que ce n'était pas de cela dont il était question ? On m'aurait menti ?

    Otto Naumme

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  2. ah non...ni conservateur, ni collectionneur, il faut combattre la cornerie. Placez plutôt vos signets "maison" et mourez, vous ferez le bonheur des fouineurs, toujours heureux de "reliquer" les époque de lecture. Un angle triangulé, une fois relevé, menace toujours de céder quand le papier est noble. Belle (v)engeance.
    Phil.

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  3. Ah, moi, je soutiens à fond cls, du moins pour les livres de poche.
    Déjà ex LCA (lectrice compulsive anonyme) devenue LCC (lectrice compulsive connue), je me revèle être également une LCCC (lectrice compulsive connue ET corneuse).
    J'ajoute que je corne non seulement pour "retrouver ma page" - expression souvent entendue par mes proches depuis, disons, mes 6 ans (eh oui, corneuse précoce) - mais aussi pour retrouver ensuite des passages, des expressions (surtout en anglais), des auteurs cités et surtout, surtout, des musiques citées (pour les écouter ensuite - bon, d'accord, je suis un tout petit peu obsessionnelle). Le 10/18 que je lis actuellement va se trouver à la fin de ma lecture doublé de volume en raison des nombreuses cornes (titres de jazz et rock émaillent cet ouvrage suédois) !!
    La cornission (ah, que c'est joli !) n'est pas exclusivement une spécialité française, et le terme anglais "dog-ear" me ravit tout autant. Je pense que je vais compter toutes les "oreilles de chien" de mon 10/18 afin de connaître le nombre de chiens de ma meute...

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  4. Pourquoi écorner les pages, portes d'ivoire et de corne où passent nos rêves et fantasmes?

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