Avec quoi le Tenancier gagne sa croûte ?

« Mais, dites-moi, Tenancier, c’est bien gentil de faire des blogs, des trucs et des machins, mais vous ne vivez pas de cela, j’espère ? »
Eh bien non, hélas, bien que je le mériterais. Mieux, on devrait me payer par le fait que j’existe. Mais qu’on se rassure, je ne suis pas très exigeant, mon chauffeur laverait lui-même la carrosserie de ma Bentley Arnage. En attendant cette reconnaissance qui se fait attendre, j’assure ma subsistance en vendant tant bien que mal quelques ouvrages par internet. Je vous ai déjà décrit plusieurs fois comment je procédais : la description des ouvrages est consignée sur une liste numérique et diffusée sur des sites spécialisés. Peu de libraires – je vous en avais parlé également – disposent d’un site personnel pour vendre leurs ouvrages et leur succès reste rare et lié au caractère exceptionnel des ouvrages proposés. Restent donc ces sites spécialisés pour la majorité des libraires. Je vous convie à un petit tour d’horizon de ceux-ci. Savoir comment ils fonctionnent devrait peut être enlever certains clichés que nombre de personnes ont sur la vente sur le net et donc sur l’évolution du métier de libraire.

Les petites annonces :
Ces sites se consacrent à la vente de tout et presque n’importe quoi, ils sont ouverts aux particuliers uniquement bien que parfois certains professionnels viennent s’y insérer : Il s’agit de Vivastreet et Le Bon coin. Pour l’instant le retour d’expérience sur ces sites est assez positif de la part de ceux qui les fréquentent. Ces sites peuvent présenter quelques aubaines pour le livre, mais il s’agit la plupart du temps de bouquinerie. J’y fais de très rares visites et ne songe même pas à y vendre quoi que ce soit, songeant qu’investir ces sites serait une perte de temps… Le visiteur peut y faire de temps en temps quelques affaires. Le fait que les annonces soient gratuites incitent les vendeurs à pratiquer des prix bas.

Les bazars
:
Dans un objectif analogue aux deux sites ci-dessus, trois sites ont entrepris de proposer de nombreuses marchandises – dont les livres – moyennant une commission ou un fixe pour chaque article vendu.
Ils ont un fonctionnement assez différent mais s’adressent aussi bien aux particuliers qu’aux professionnels :
2Xmoinscher.com propose de la littérature « mainstream » (Musso, Lévy, etc.) pour des prix souvent inférieurs à 5,00 €. On se doute que l’intérêt de ce site est assez limité. On se dit que ce site ne survit certainement pas grâce à ses ventes de livres. Du reste, on en entend rarement parler sur ce point.
Priceminister : ce site a été récemment racheté par le groupe japonais Rakuten. Après des velléités de faire payer un prix fixe pour la mise en ligne de sa marchandise, il semble qu’il y ait eu une marche arrière sur ce plan, vraisemblablement en rapport avec une hémorragie de vendeurs… En effet, de nombreux micro-éditeurs avaient profité des commissions relativement minimes pour entreprendre de vendre leurs productions sans d’autres intermédiaires. D’autres professionnels se seraient vus contraint de répercuter cette commission fixe sur les prix des ouvrages. La logique économique l’a emporté, donc.
On le sait, ce site héberge des professionnels et des particuliers. Parfois, ces particuliers ont étrangement l’allure de professionnels, achetant afin de revendre en en tirant une marge sans les servitudes liées à une activité professionnelle (vous savez, ces contraintes qui vous forcent à payer pour la santé, les transports, la culture, les allocations familiales, la sécurité sociale et qui semblent toujours trop lourds à payer, mais dont chacun use…)
Ce problème des « faux particuliers » n’est pas uniquement lié à la vente sur internet. Pour ma part je ne blâme pas foncièrement cette pratique, elle est seulement l’illustration de la précarisation de toute une société…
Ebay semble en perte de vitesse. Eldorado pour certains, marché aux voleurs pour d’autres, ce site de vente aux enchères (mais qui pratique le prix fixe également) a longtemps été le miroir aux alouettes. On n’en dira pas plus sur le site lui-même. On notera qu’en définitive celui-ci a servi de Cheval de Troie à une pratique de paiement apportant des marges très confortables à leur promoteur : Paypal. Le prix de cette commodité est de favoriser une pratique bancaire ( ?) que je suis loin d’approuver pour ma part et pour laquelle il serait un peu long de m’étendre ici. C’est en tout cas la raison pour laquelle je n’accepte aucun règlement par ce biais ni ne possède de compte à ce service.
Ces sites ont fait du tort aux bouquinistes. Là où on allait volontiers revendre ses livres à la boutique du coin, le réflexe est désormais de les revendre directement, avec, d’ailleurs, le même bénéfice (les ventes sont tellement tirées par le bas que le premier prix de Priceminister – qui est de 0,90 € - devient une généralité pour nombre d’ouvrages au format poche). Pas certain que l’acheteur y trouve son compte, car en définitive, avec les frais de port, il peut débourser 3,80 € pour un ouvrage qu’il aurait découvert à moitié prix, ou même moins, chez son bouquiniste si celui-ci avait survécu. Internet est irrationnel pour ce qui concerne les comportements d’achats. On vérifiera cela plus tard et plus loin.
Mais ces sites apportent-ils une compétence supplémentaire ? En fait, ce ne sont que de gros tuyaux qui prennent une commission et un certain prestige de notre travail. En effet, bien souvent, ce qui marche est redevable du site et le litige se rapporte plutôt au vendeur (c’est lui qu’on note !) Je ne pense pas qu’un professionnel se fasse une idée noble de la pratique de ces sites. Ils sont une commodité, rien de plus. L’affect n’y est pas et ne provoque du reste que de rares débats désabusés sur leur fonctionnement. L’intérêt est autre pour l’acheteur éventuel, bien naturellement. Il reste certes encore nombre de bouquinistes en France et certains vendent par ces intermédiaires. Ils ont même étés sauvés de la fermeture en s’adaptant à ce type de vente. Un paradoxe réside en ce que le facteur de perdition (le passage au numérique) fut une sauvegarde pour nombre de professionnels qui surent s’adapter excepté chez beaucoup de bouquinistes, où il y eut des réticences à passer passer ce cap. C’est pour cela qu’ils se font plus rares désormais. En définitive, c’est vous, vous-même, qui me lisez, qui avez fait mourir des bouquinistes en jouant au marchand dans votre coin. Prenez cela comme vous voulez.
Quant au bouquiniste disparu, ce doit être une banque qui occupe la place de sa boutique, comme d’habitude, puisqu’il faut bien employer les anciens premiers de la classe à quelque chose...

De ces cinq sites précédemment cités, Je ne travaille qu'avec un : Priceminister. J'y suis revenu à partir du moment où la commission pour les professionnels redevenait raisonnable...

(à suivre)

9 commentaires:

  1. Avez-vous d'ailleurs remarqué à quel point il est scandaleux qu'on ne reconnaisse pas mes mérites ?
    Je crois que je vais ouvrir une souscription.

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  2. Intéressant, mais c'est fait exprès qu'il n'y ait aucun lien sous les sites indiqués ? Ce qui est le contraire du b-a ba du Net.

    Ou alors, mais cela me semble vraiment peu plausible : vous débutez dans le domaine ?...

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  3. Oui, cher Dominique, c'est un peu exprès.
    Vous aurez à la fin de l'article - mais il va falloir patienter - un moyen très simple et assez pratique qui vous dispensera de collectionner les liens que, d'ailleurs, bon nombre de personne ne vont jamais visiter.
    Autrement, si vous aviez été attentif, vous auriez tout de même vu que je ne me suis que rarement privé d'en mettre par le passé.
    Du coup, pour la souscription, ce sera double obole de votre part.

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  4. Texte fort intéressant - le couplet sur les particuliers/professionnels, notamment, et puis cette avant-dernière phrase sur ces cochonneries de banques qui poussent comme des champignons et remplacent des commerces dont il est permis de cultiver la nostalgie : les bouquinistes, certes, mais aussi nombre de disquaires indépendants ou de bistrots hospitaliers.

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  5. Le facteur de perdition me laisse perplexe : quel est-il ?

    ArD

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  6. Il sonne deux fois :
    - Après le crochet dans le foie
    - Après l'uppercut.

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  7. (C'est le passage au numérique, ArD, je vous le dis parce que je suis bonne pâte, Otto qui est absent vous confirmera à son retour).

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  8. Pop9, vous avez raison, n'oublions pas les bistrots...

    Quant à confirmer, je veux bien, le numérique fût un "de profundis" pour de nombreux métiers. Comme d'autres évolutions signifièrent la fin d'autres occupations professionnelles plus anciennes au fil du temps. La dure loi de "l'évolution"...

    Pour en revenir au sujet de ce billet, en tant que particulier ayant parfois quelques livres à vendre, si le Tenancier n'est pas dans les parages ou ne veut pas m'acheter mes "drouilles" (je lui laisse le soin d'expliquer le terme), je ne vais certainement pas aller me faire suer à mettre ces n ouvrages en vente sur Ebay ou autre site du genre (jamais plus sur Price minister, en tout cas, ces gens se comportent comme des sagouins, on ne m'y reprendra plus, je ne "commerce" qu'avec d'honnêtes gens !). Scanner x couvertures, écrire autant de fiches, passer des heures à mettre tout ça en ligne, pffff.... En plus pour gagner trois francs six sous, très peu pour moi.
    Il reste donc quelques rares - et peu révolutionnaires - solutions : les vide-greniers (ah, s'il ne pleuvait pas à chaque fois...), les bouquinistes (OK, ils rachètent au poids et pour des queues de cerise...), Gibert Jeune (idem pour encore moins cher) et Emmaüs (au moins, ça donne l'impression de servir à quelque chose). Si j'avais un livre d'une certaine valeur à vendre, oui, peut-être un site (si le Tenancier n'en voulait pas, bien sûr). Mais pour des "bidules" à 1 ou 2 euros maximum...

    Il serait du reste intéressant de savoir comment nos amis (non professionnels bien sûr !) vendent leurs propres surplus...

    Otto Naumme

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  9. Personnellement, cher Tenancier, je trempe mon museau dans toutes les auges : librairies sur rue, sur internet, en chambre, en réunion virtuelle, sites d'enchères et bazars (quoique fort rarement sur priceminister) ; et serais prêt à sacrifier une heure de ma nuit à feuilleter les petites annonces si je savais pouvoir y trouver un bouquin intéressant. Je crois que toutes ces façons de chiner ne sont pas exclusives les unes des autres. La vente par internet, quelle qu'elle soit (livre-rare-book ou ebay), m'a permis de faire la connaissance de libraires sur rue ou en chambre qui, connaissant désormais mes intérêts, me contactent avant de mettre en vente leurs livres sur sites.

    Certes, j'achète beaucoup sur ebay (mais les libraires y vendent beaucoup aussi). Jamais, cependant, sans vérifier que le livre qui me retient ne se vend pas ailleurs, moins cher ou à un prix identique. Il m'est arrivé aussi d'y vendre et d'y gagner de l'argent, mais c'était pour acheter d'autres livres, certains sur ebay, d'autres chez des libraires. Néanmoins, je crois avoir définitivement adopté la méthode "liste" ou "petit catalogue", en ce qui concerne la vente de bouquins. Que voulez-vous, on a gardé son âme d'enfant. Certains jouent à la marchande, moi, je joue au libraire.

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