Mais par quel bout doit-on prendre ce phénomène : le livre broché est-il la conséquence du succès grandissant du livre ou bien cette pratique a-t-elle initié le phénomène ? Remarquons que la reliure industrielle existait déjà et produisait nombre de cartonnages à la même époque. On gage que le prix n’était guère plus élevé. Alors quoi ? Serait-ce le fait d’un éditeur qui ait rogné sur les coûts de fabrications ? Et puis, a-t-on réellement mesuré l’impact de la presse à vapeur – c'est-à-dire de l’apparition de la presse industrielle – dans la production éditoriale ? Si la chose paraît aller de soi (gros tirages = lectorat élargi) il manque tout de même quelques éléments appréciables. Ces premières presses, semble-t-il, étaient installées chez Mame, éditeur très catholique, pour ne pas dire ultramontain ? Comment cela a-t-il pu contribuer à la diffusion de la littérature populaire, par exemple (ce qui n’était pas la tasse de thé de cet éditeur) ? On sait par ailleurs que ces mêmes imprimeries existaient déjà pour la presse. Nous avons tous en tête l’exemple des entreprises d’Émile de Girardin… Mais il nous manque souvent les éléments qui nous permettent de percevoir le cheminement d’un texte de sa parution en feuilletons jusqu’à sa distribution en livres. Comment était-elle assurée ? Par colportage, en libraire ? Combien y avait-il de points de vente en France, comment était assurée la distribution d’un livre à l’époque ? On se doute que la littérature populaire fut le cheval de Troie pour tout le reste. Tout à coup, les tirages prirent des proportions vertigineuses, aidant ainsi à l’apparition d’une nouvelle classe de professionnels du livre : « Les Grands Éditeurs ». Il suffit de jeter quelques noms : Hachette, Hetzel, les Didot, Michel Lévy, etc. pour saisir à quel point la production et la diffusion de masse va changer même les conditions de sa production et cela grâce à de nouvelles techniques d’impression, de brochage, de vente. Ces grands éditeurs vont eux-mêmes influencer le contenu des ouvrages. En moins de quarante ans s’ouvre un abîme entre deux pratiques qui nous apparaissent presque antagonistes. Quelle différence entre Madame de Staël et Stendhal, c'est-à-dire dans la matérialité de leur présentation et puis dans leur vitesse de diffusion dans le public…
On a cité quelques exemple en ne rentrant point trop dans les détails pour ne pas user le lecteur. On reviendra peut être un jour à ce sujet au travers d’un fait divers, d’une histoire d’avortement, d’un sombre écrivain, d’une poignées de journalistes et sans doute avec l‘arrière plan imprévu du féminisme… et tout cela dans le même récit…
En attendant, nous sommes les témoins plus ou moins passifs d’un changement crucial : l’apparition du livre électronique. Reste à savoir quel impact cela aura sur la production littéraire et si cette invention n’ira pas aux oubliettes comme la stéréotypie ou le cartonnage polychrome…
On en espère également un débat objectif. Mais de cela, il ne faut peut être pas l’espérer dans l’immédiat.
Ah ! Vous nous alléchez avec cette promesse d'un récit à moult entrées, qui nous conterait comment le livre a subi une évolution radicale tant dans sa présentation matérielle que dans sa diffusion.
RépondreSupprimerEn attendant j'ai, grâce à votre article, fait des recherches, relu des choses oubliées et appris beaucoup.
Hier, en librairie, je regardais, dans les rayons assez fournis du livre de poche (je ne sais quel est le terme technique générique), les parutions en 10/18. Toutes des récentes évidemment (n°3000 et 4000), aucun livre que j'aie eu envie d'acheter. Alors que ceux ici publiés... :)
Le livre électronique, oui, mais AUSSI les blogues (ou blogs), dans lesquels pour un grand nombre, il s'écrit des choses importantes et des textes remarquables...
Ouh là... rien de si radical comme vous dites. Mais l'histoire racontera peut être les sources insoupçonnées d'un texte assez connu.
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec vous pour la collection actuelle. C'est devenu une collection pour cadre pressé (du "CSP ++", en langage de bovin marketé) Plus grand intérêt.
Et puis, vous avez raison pour les blogues !
On peut aussi se poser la même question en amont, devant l'évolution des techniques d'écriture, de la plume qui obligeait la main à se lever à chaque mot, à la machine à écrire qui, faisant de l'espace entre chaque mot une touche au même titre que la lettre, reculait la démarcation à la ligne, à l'ordinateur sur écran, enfin, qui produit des textes dont l'unité principale est souvent le paragraphe.
RépondreSupprimerLes blogues obligent ceux qui écrivent à "produire" (restons ironiquement dans la logique moderne de consommation) des textes relativement courts. Sinon le lecteur, derrière son écran, se lasse. Il faut donc dire l'essentiel en peu de mots. C'est bien d'un côté, mais de l'autre on voudrait parfois développer davantage.
RépondreSupprimerYves, vous débutez - en titre -sur la matérialité du livre dans un texte fort intéressant, et, in cauda venenum, vous terminez sur le livre électronique, en manière d'interrogation, ouvrant la porte à un débat putatif.
RépondreSupprimerL'antinomie est-elle volontaire ?
Vous avez été le témoin attentif de l'immatérialité du livre numérique illustrée par mon expérience personnelle et vous en avez fait le juste commentaire.
Toute l'histoire de la confection du livre que vous nous relatez succinctement ici, quel que soit le mode qu'ait pris cette confection dans l'histoire de l'imprimerie et de l'édition, n'a jamais abouti et n'aboutira jamais à ce que je viens de vivre : la suppresion d'heures et d'heures du travail de l'écrivain sur deux ouvrages, en trente secondes, et sur simple allégation paranoiaque d'un éditeur qui ne mérite pas ce nom..
" Lorsqu'un éditeur élimine un auteur de son catalogue, on sait que le mal est réparable puisqu’il reste les ouvrages réfugiés dans les bibliothèques des particuliers qui se sont procuré les livres. Il reste une trace : le labeur de l'auteur, le travail du maquettiste, celui de l'imprimeur, parce que tous ce beau monde, théoriquement, y est pour quelque chose également. Le livre a une seconde vie."
Tout est dit dans ce paragraphe dont vous êtes l'auteur.
Je l'ai moi-même dit : les autodafés ne sont plus de mise. Un livre ne se supprime pas, sauf s'il n'existe pas et n'a jamais existé.
Et tous ceux qui ne verront pas cette conclusion dans ce qu'il vient de m'advenir, empiriquement, ont dans les yeux une matière que la seule pudeur me fera taire.
Vous me direz, oui ,mais, tous les éditeurs numériques ne seront pas de la même lâche trempe d'un F Bon. D'accord. Mais on rentre là sur le territoire moral, de l'éthique. Qu'ils soient honnêtes ou pas, ces éditeurs, ils n'en auront pas moins un redoutable pouvoir sous leur index posé sur une souris.
J'ai découvert, à mes dépens, avec un retard que je ne dois qu'à mon manque de discernement spontané, que l'expression "livre électronique" est une antinomie,un oxymore, comme " un mort vivant", et en même temps j'ai fait mienne votre expression selon laquelle livre papier est un affligeant pléonasme.
D'aucuns diront qu'ils l'ont toujour su. Ce à quoi je répondrai qu'on sait une foule de choses par préjugés - c'est d'ailleurs ainsi que les religions sont pérennes - et qu'il vaut mieux de temps en temps, que l'expérience malheureuse vienne démontrer et faire du préjugé une certitude avérée.
Je ne regrette donc pas une seconde d'avoir fait les frais d'une involontaire démonstration : celle de la non-existence du livre numérique.
PArce qu'un livre, c'est d'abord une mémoire, cher Tenancier.
Amicalement
"Parce qu'un livre, c'est d'abord une mémoire," quand je dis ça, je parle d'une mémoire multiple. Celle de la vie de l'écrivain et de comment l'écrivain y puise, rétrospectivement, un imaginaire, celle des amis à qui il a fait lire son manuscrit, celle de sa famille pour qui il n'était plus disponible au moment de l'écriture,celle du choix de l'éditeur à un moment donné, celle des correcteurs, celle du maquettiste, celle de l'imprimeur, celle de celle ou de celui qui a mis le livre dans des cartons, celle du libraire et celle du passant qui voit le livre sur l'étagère, le touche et en lit la quatrième de couv...
RépondreSupprimerMême problème si l'éditeur électronique fait faillite ou cesse son activité. Les fichiers "édités" ne sont plus téléchargeables et que restera-t-il de ce livre là? Une copie dans l'un ou l'autre ordinateur, mais qui ne sera plus visible par personne et qui disparaîtra bientôt quand Microsoft sera passé de Vista à Windows 7.
RépondreSupprimerTout à fait exact, Feuilly.
RépondreSupprimerLe livre électronique ne peut assurer son avenir - mais faut-il le souhaiter ? - qu'à condition que le support suscite une littérature nouvelle, en quelque sorte contrainte par la technologie et ses possibilités. On pourrait, par exemple, imaginer une poésie hypertextuelle, où l’œil et l'esprit du lecteur ne voyageraient plus dans la page, mais de page en page, un mot, un vers, renvoyant à un autre ensemble à partir duquel se potentialiseraient d'autres sauts ou des retours. Bref, à livre électronique : littérature électronique. Sinon ladite machine n'aura jamais d'intérêt que cladistique, textuellement parlant.
RépondreSupprimerCe que j'avais entendu, à moment donné, c'était cette possibilité à propos d'une œuvre électronique, d'y faire des recherches, par exemple la fréquence d'emploi de tel mot, ou bien à quel endroit retrouver telle image, et je m'aperçois, en écrivant cela, que c'est sans doute complètement idiot, pourtant combien de fois cherchant dans des livres que je venais de lire, des choses que je ne retrouvais pas, j'ai pensé à cette possibilité-là : la page sur écran et cliquer pour trouver...:)
RépondreSupprimerConcernant l'extension et l'accélération de la diffusion du livre au XIXème siècle, il y a un élément essentiel : la construction du réseau ferré et l'idée géniale de Louis Hachette d'installer des points de vente de ses ouvrages dans les gares. L'exclusivité de cette pratique lui fut accordée par le comte Eugène de Ségur à la condition qu'il éditerait les livres de son épouse…
RépondreSupprimerEugène de Ségur, fut Président des Chemins de fer de l’Est. Voilà donc une place à conquérir si on veut se faire éditer... Toutes les voies sont bonnes, même si elles sont ferrées (sourire).
RépondreSupprimerSauf que le réseau ferré français a été sacrément démantelé depuis…
RépondreSupprimerEt on n'a même plus le temps de lire un roman le temps d'un trajet, avec ces TGV !
Du temps de ma jeunesse, Paris-Quimper, ça durait sept heures : le temps d'en absorber deux…
Je suis en train de lire votre billet sur le rangement des livre, Feuilly : je le trouve excellent.
Hum… "des livres", pardon !
RépondreSupprimer... et c'est là qu'on découvre que l'on n'est pas exceptionnel dans ses préoccupations !
RépondreSupprimerEt si vous lanciez un nouvel appel à contributions, Tenancier ? Demander à vos lecteurs d'expliquer leurs propres critères de classement bibliothécaire…
RépondreSupprimerPeut-être aurez-vous plus de succès qu'avec les notices de livres imaginaires (je bats ma coulpe, pour l'instant)…
Dois-je le dire et le répéter ?
RépondreSupprimerTout texte est le bienvenu ici à condition d'y parler de livres (par leur contenu, ça il y en a assez qui se prennent pour de Grand Critiques).
Mais de toute façon, comme ça ne sert à rien et que je suis délaissé par mes potes... A l'exception d'ArD, il faut bien le dire...
Alors, faites ce que vous voulez.
Je suis désabusé.
J'entends bien, cher Tenancier.
RépondreSupprimerMais reconnaissez que lorsque vous lancez un appel franc, la réaction est tout de même plus vive : regardez la saga des 10/18…
Mais si le Tenancier s'obstine à râler et à faire sa mauvaise tête, on va finir par lui donner raison... Est-ce que je me plains, moi, lorsque mes passionnants commentaires laissés en son domaine ne suscitent aucune réaction ? Est-ce que je me plains, moi, de sa non-collaboration obstinée à mes blogs ? Est-ce que je me plains, moi, en général ? Hein, dites, est-ce que je me plains, moi ? Eh bien, non ! Jamais !.. Ou alors, peut-être un peu... Bon, ok, c'est vrai, je me plains ! Mais enfin, moi c'est justifié : personne ne m'aime !!!
RépondreSupprimerMoi non plus...
RépondreSupprimer(Mais, mon cher SPiRitus, je suis un ignare complet sur le sujet de Saint-Pol-Roux ! Alors, je me tais, mais j'en prends de la graine...)
Vos passionnés commentaires, j'en connais qui s'obstinent à ne pas vouloir répondre... et ça cache quelque chose !
Mais, mon cher Tenancier, vous n'ignorez pas que je rédige un second blog, qu'il serait tout à fait dans vos compétences d'agrémenter de votre collaboration...
RépondreSupprimerPfff...
RépondreSupprimerJe fais des fiches tous les jours...
Bon, mais je n'ai pas grand chose à vous proposer.
Je regarderai, d'autant qu'à partir du mois prochain, ce blog va revenir à un rythme plus pondéré.
Justement, une fiche de plus ou de moins...
RépondreSupprimerPuis, vous avez bien un fanzine "littéraire" rare de derrière les fagots, qui pourrait faire son effet, ou quelque ancienne revue de SF, qui pourrait nous faire décoller du passé dans lequel les petites revues se complaisent...
Voilà, on n'instrumentalise pas le Tenancier comme ça, c'est lui qui instrumentalise ! SPiRitus, vous il faut vous séduire pas des billets de type Fééries pour que vous cessiez de nous bouder et qu'enfin vous commenciez à vous plaindre ! (On est contents, n'empêche.)
RépondreSupprimerTenancier, si vous continuez à vous plaindre, je vais rédiger une 3e notice imaginaire, un roman épistolaire par exemple.
ArD
SPiRitus, je me suis occupé de SF pendant plus de 25 ans. C'est peut être moi qui ait vieilli, mais je trouve que cette maîtresse a encore plus vieilli que moi et est devenue sotte.
RépondreSupprimerJe sais déjà ce que je vais vous communiquer par ailleurs.
Heu...excusez-moi de vous déranger...Je ne resterai pas longtemps, j'ai du lait sur le gaz...Vous ne vous seriez pas un peu éloignés de la matérialité du livre, là ? Un peu..Bon, c'est pas grave, hein ?
RépondreSupprimerMais bon..
Mais c'est toujours comme ça et il faut s'y faire, Bertrand. C'est ce qui rend ce blogue plaisant. A divaguer ça et là on en vient à des conversations intéressantes que ne nous procureraient pas forcément le sujet de certains billets.
RépondreSupprimerJ'aimerais même que ça se passe plus souvent !
Mon premier commentaire - soit dit en passant - concernait bel et bien la question de la "matérialité du livre", mais, encore une fois, on l'ignora...
RépondreSupprimerNon, Spiritus, je le vis bien...Ce qui vous y disiez est assez juste..Mais je m'en méfie quand même : c'est une grande idée à Bon aussi.
RépondreSupprimerNope, et cela va alimenter un futur billet de votre serviteur, mon bon SPiRitus.
RépondreSupprimerLa réflexion de Michèle qui a suivi la votre est intéressante pour ce qui concerne la recherche hypertextuelle : il est vrai qu'un texte au format électronique peut aider un chercheur pour des statistiques, voire pour trouver des occurrences signifiantes dans une œuvre. Mais est-ce la destination d'un ouvrage ? Beaucoup de textes classiques sont déjà disponibles sur des sites d'universités et ont d'ailleurs été retranscris à ces fins. Ce que vous imaginez, SPiRitus est d'un autre ordre et rejoint ce que je voulais implicitement dire dans mon billet : ce nouveau support a des chances d'inciter le créateur à un autre type d'expression qui ne passe pas tout uniment par l'écrit. Il ne m'appartient pas de savoir quelle forme cela prendra. Nous pourrions osciller entre la déception et l'heureuse surprise. Pour l'instant et pour ma part je tiens ces supports électroniques assez pratiques dès lors qu'il s'agit de travailler : études universitaires, bibliographiques (plus facile de fouiller dans des listes sur une tablette, par exemple), comme je l'avais évoqué dans un autre billet, manuels, etc. Il se trouve que l'enjeu de ces supports est actuellement la littérature... Je pense que c'est une mauvaise tactique d'investissement du marché du "livre", mais les cadors à la tête des grands groupe de communication font ce qu'ils veulent, hein !
Mais je reviendrai pour ma part encore un peu sur le support électronique quoique je n'ai pas une envie démentielle de m'y appesantir plus que cela...
Si le Tenancier me le permet - et si le temps ne vient pas à me manquer (et ce n'est pas gagné) - je ferai également quelques remarques sur le livre électronique dans un billet (ou plusieurs, cela dépendra probablement de ma capacité à limiter mon babillage...) où je noterai mes avis contraires à ceux de ce cher SPiRitus. Car, comme beaucoup, je pense que vous mettez trop d'affect (justement, on en parlait...) dans votre façon de voir le livre électronique alors qu'il s'agit simplement d'un changement de support.
RépondreSupprimerEt je pense que la liseuse électronique sera tout autant utilisée pour des livres "normaux" que pour des oeuvres hypertextuelles, pour des romans que pour un code de lois.
Voilà déjà dévoilée ma position, mais j'y reviendrai, si le Tenancier m'y autorise - il vient juste de dire que le support électronique, bof, donc, je ne voudrais pas encombrer...
Otto Naumme