Au tenancier dans son état actuel dont j'ai bien peur qu'il manifeste une légère tendance à la liquéfaction...
Ce n'est pas ça du tout, pour votre truc, là, des abréviations ! Mais alors, pas du tout du tout. D'abord, corrigeons une faute grave : "auto." ne saurait être une abréviation. La troncature d'un mot dans ce type d'abréviation se pratique toujours après une consonne, jamais après une voyelle. Veillez donc, désormais, à ne jamais plus reproduire une telle aberration, maintenant que vous savez.
Mais il y a bien pis dans notre constat du pas du tout du tout. Il y a qu'avec le dos de la cuillère, vous nous enduisez d'une couche d'erreur copieuse et volontaire. Heureusement que le cls passait par là pour remettre vos lecteurs sur le droit chemin. On trouvera ci-dessous le rétablissement (à la force des poignets) d'une vérité que vous avez plus ou moins défigurée :
A
anc. --- ancré. Utilisé pour décrire de manière elliptique un ouvrage de marine ou un ouvrage de la famille des Alde.
ant. --- antony. Employé pour désigner tout ouvrage édité à Antony, ceux de l'Astronaute mort, par exemple.
aq., aquar. --- aquarium. Désigne la catégorie d'ouvrages sur l'aquariophilie, l'aquaculture et la pisciculture.
atl. --- atlante. Gros ouvrages sans intérêt, empilés de chaque côté des portes de la librairie, un peu comme des cariatides.
autogr. --- autogrill. Du nom de l'invention brevetée par Thomas Edison en 1898 qui associait à un livre, une résistance chauffante qui permettait de lire au parc en hiver. De nombreux accidents causant le plus souvent l'amputation d'une ou deux mains ont fait retirer de la circulation et détruire les livres autogrill. Ils sont d'une insigne rareté et très recherchés par les amateurs avides d'émotions fortes.
B
bas. --- basique ou basoche. Usuels ou livres sur le droit.
biblogr. --- biblogratuit. Mot valise inventé par un libraire facétieux pour désigner les ouvrages invendables ajoutés d'autorité sur la pile d'un client dans le but de s'en débarrasser.
br. --- brûlé. Ouvrages récupérés après un incendie, vendus pour le texte s'il n'y a pas d'atteinte.
brad. --- bradé. Expression employée pour faire croire au client potentiel qu'il va faire une bonne affaire.
C
cart. --- cartésien. Ouvrage dont la reliure mal faite penche, donc elle est.
coll. --- collé. Ouvrage dont les pages adhèrent les unes aux autres.
collab. --- collabois. Ouvrage réparé à la colle à bois par un libraire peu scrupuleux.
corresp. --- corresponsable. Ouvrages en coédition.
coul. --- coulage. Un exemplaire de coulage est un ouvrage "emprunté" dans le stock d'un éditeur sans lui demander son avis.
crit. --- criterium. Ouvrage annoté au crayon. Un plus pour l'ouvrage quand les notes sont de l'auteur ou d'une célébrité. A gommer sinon.
col. --- colombin. Ouvrage orné de taches peu ragoutantes.
collect. --- collecteur. Ouvrage imposant qui nage en eaux troubles. Certains jeunes libraires, par dérision (co-lecteurs), désignent ainsi les ouvrages récupérés auprès des bibliothèques de prêt.
correct. --- correctionnelle. Ouvrages relatif à la justice non dans son côté basochien (voir bas.) mais dans son côté spectaculaire.
couv. --- couverture. [Seul mot bien interprété par le taulier.] Désigne l'enveloppe extérieure du livre mais aussi les ouvrages d'espionnage et et ceux sur les taupes.
couv. cons. --- couverture consignée. Vieille pratique qui n'a plus cours. Il fut un temps où les frais d'impression en couleurs des couvertures étaient tels que les lecteurs n'auraient pu les acheter. Elles étaient donc louées et consignées. Pour récupérer son argent, le lecteur devait rapporter, parfois à regret, sa couverture à l'éditeur. Ce qui explique qu'on trouve de nombreux ouvrages reliés sans couverture.
couv. ill. --- couverture illuminée. Couverture transparente, façon vitrail, rétroéclairée à l'aide d'un habile système de miroirs qui renvoient la lumière du soleil (de la lune).
couv. impr. --- couverture imprégnée. Couverture enduite d'une cire parfumée qui sert à la fois à protéger le matériau de reliure et à prévenir de la sécheresse les mains des lecteurs.
couv. orig. --- couverture originaire. Couverture dont la provenance est attestée.
D
ded. --- dédommagement. Ouvrage qui, dans sa vie antérieure, a été offert en compensation d'un dommage causé.
dess. --- dessert. Ouvrage mièvre, offrant des propos mielleux ou trop sucrés.
dépl. --- déplaisant. Ouvrage laid et de proportions douteuses.
dérel. --- déréliction. Tome dépareillé.
d.-b. --- de Belgique. Provenance.
d.-ch. --- de Suisse. Id.
d.-m. --- du Maroc. Id.
d.-v. --- du Vénézuela. Id.
dir. --- dirimé. Ouvrage incomplet, auquel manquent des pages.
dor. --- dormitif. Ouvrage soporifique, ou sur les drogues, ou sur les anesthésiques.
dos fr. --- dos français. Dos décoré de motifs bleus, blancs et rouges.
CLS
Cette liste est passionnante. Il faudrait la dédoubler avec des indications étymologiques supposées..Ainsi, "Atlante" m'a rappelé le film de Vigo "L'Atalante", monument largement sur-estimé un temps, en fait dernier film médiocre d'un cinéaste mort trop jeune. Les historiens apprécieront les livres "collab".
RépondreSupprimerVous trouvez aussi, Phil ? C'est à se point, pour ma part, que je me demande si je vais continuer ma propre liste.
RépondreSupprimerPour "L'Atalante", je vous trouve sévère. Mais je l'ai vu la première fois étant enfant. Je pense que c'est un film inséparable d'une certaine qualité de rêverie...
"collab" ? C'est un faux ami qui ne concerne pas les historiens de la période à laquelle nous pensons. En revanche, "col" s'y rapporte souvent !
Oui, le flouté du film sur l'eau..nostalgie un peu empreinte des futurs atmosphère de Simenon, peut-être..
RépondreSupprimerPréférence pour "zéro de conduite", même coté "rêve"..
Eh bien, j'ai revu il y a peu "Zéro de conduite" et j'avoue avoir été un tout petit peu déçu...
RépondreSupprimerOn sent trop l'influence du papa Almeyreda pour que cela soit encore une oeuvre autonome. Mais il y a de bons moments.
Il ne faut peut-être pas revoir ces choses quand on devient croûton.
Je connais mal l'action de son père. Seulement des suppositions. En revoyant "zéro de conduite", je me demandais si l'époque avait produit beaucoup de films avec des cènes aussi "osées", proviseur sadique en nain, élèves à moitiés nus..
RépondreSupprimerj'ajoute qu'il suffit d'une seule scène pour qu'un film laisse un bon souvenir. Ce qui n'est pas la cas d'un livre, où un épidose (..tiens je laisse ce lapsus épisodique..) peut gâcher le souvenir de la lecture.
RépondreSupprimerPas l'impression, Phil. Nous avons un cran nettement au dessous "Les disparus de Saint-Agil". Pieral était promis à d'autres utilités méphitiques dans le cinéma de l'époque. Il faut dire qu'il y avait des gueules.
RépondreSupprimerAlmeyreda était un personnage trouble, une sorte "d'ultra-gauchiste" doublé d'une balance, selon les rumeurs et redoublé d'un agitateur à la solde des boches, selon d'autres. Il semble tout de même que le vieux fond libertaire se soit transmis chez le fils et ce d'une façon plus noble, en quelque sorte.
Épidose... je note.
Mais les disparus de St agil..c'est bien plus tard, non ?
RépondreSupprimerLe ralenti de la scène du dortoir est très bon. L'interrogatoire des élèves par la voix filet de vinaigre de l'adulte-enfant est très bonne aussi. Je souhaitais en fait souligner la primauté de l'idée..reprise depuis par d'autres..
Merci pour les détails bio du père. C'est sûr, un tel père laisse des traces.
Oui, Phil, c'est plus tard, mais pas tant que cela : 5 ans. (1933 et 1938)
RépondreSupprimerLe cinéma est un art de reprise mais aussi quelque chose d'assez consensuel. Nul doute que ces fameuses reprises aient eu lieu, mais pour donner quoi ?...
Il y a également des réminiscences de Pergaud, Frapié (pour la "maternelle" que, paraît-il, Pergaud détestait) et d'Alfred Machard, que le ci-dessus m'a fait aimer et connaître un peu plus. Ce qui est intéressant, c'est leur vision de l'enfance - et je pense aussi à Vigo en écrivant cela : sans mièvreries.
Point particulier à méditer à un moment où se tient le Salon du Livre de la Jeunesse à Montreuil. Salon honni par moi et quelques confrères..
Quand je disais "le ci-dessus", je parle de CLS dont les connaissances littéraires sont un remède, un baume, un éther puissant. (Merci, Maître !)
RépondreSupprimerCher tenancier, j'ajouterai, pour apporter ma contribution à ce débat culturel de haute volée, que "le cinéma est, comme la chaussette, un art de reprise".
RépondreSupprimerPour le reste, je n'interviendrai, mes minces connaissances cinématographiques ne pouvant se mesurer aux vôtres et à celle de Phil.
Juste un point : les "ultra gauchistes", voyez-vous, je m'en méfie... Pour dire...
Autrement, bravo à l'ami CLS pour son hilarante liste. On ne se doute jamais de ce qui nous attend au détour d'une abrév.
Otto Naumme
Ainsi, vous reprisez, Otto. Pour quelqu'un qui avoue sa myopie, c'est méritoire. Avez-vous le pied grec ? Je demande pour identifier l'endroit de la perforation et donc l'endroit de vos travaux.
RépondreSupprimerMais, cher Otto, nous parlerons un de ces jours de "Dracula au Pakistan" et de "Jesse James contre Frankenstein"... bien que ce ne soit pas la vocation de ce blog. Mais, baste ! Nous sommes dans les commentaires, au salon, si l'on peut dire.
Pour documentation, et outre ce que j'ai pu lire autour de Jean Vigo, on croise Almeyreda dans les mémoire de Poincaré pendant la 1ere Guerre Mondiale (me rappelle plus quel tome) et dans les bouquin de Méric : "Coulisses et tréteaux". On doit en retrouver la trace plutôt facilement. Je crois me souvenir qu'il est mort dans des circonstances mystérieuses en prison. A vérifier...
RépondreSupprimerMerci pour toutes ces précisions. Oui, le cinéma peut se voir comme un art de la reprise..en période de découragement, on peut même y trouver une alchimie à rebours qui a produit le meilleur au début...Aussi, cinq années, c'est énorme !..une palme pour celui qui eût l'initiative. Est-ce bien Vigo ? je ne sais pas..en tout cas, je n'oublierai pas la première vision de son film sur les internes scolaires presque internés, vue dans aucun le précédant.."zéro de conduite" sonne juste comme un "la guerre des boutons" tiré de Pergaud..mais adapté par Yves Robert (je crois) qui mit sa pincée d'anticléricalisme..qui ne figure pas dans le livre !...Mais Vigo va plus loin. M'est revenu en mémoire le personnage de l'élève inverti qui en fait sous-tend l'ensemble du film..choix impensable dans la directe après-seconde-guerre..sur les raisons du choix de Vigo, n'ai malheureusement aucune information.
RépondreSupprimeroui, le père de Vigo est mort de mort violente. Celle de son fils, même de maladie, ne fut pas moins violente.
Phil,
RépondreSupprimerC'est Vigo, le preum's... (Mais... voir plus bas)
J'ai lu "La Guerre des Boutons" il y a si longtemps... Moi aussi, j'ai le souvenir de l'anticléricalisme dans le film, au point de penser qu'il était dans le livre. Du reste, on était pas très loin encore de 1906 à la parution du livre.
Pas d'info non plus pour ce qui concerne le choix de cet élève. Disons que les idées libertaires dont Vigo était tout de même un héritier, prônaient une grande liberté sexuelle. De là à l'exposer dans un film de cette manière... Peut être un sentiment d'urgence qui lui a fait dire beaucoup de choses en peu de temps.
Un petit livret a été édité en même temps que l'intégrale de Jean Vigo (elle ne prend pas de place : 2 dévédés). Je viens de le consulter : rien là-dessus.
En revanche, je vois que le film a été interdit jusqu'en 1945. Donc, il faut en revenir à l'hypothèse de l'influence littéraire et non de l'influence de Vigo sur une histoire comme "Les Disparus de Saint-Agil". C'est au départ un roman de Pierre Véry, très actif à l'époque et qui fut de nombreuses fois adapté à l'écran et dont "Goupi Mains Rouges" n'est pas sans rappeler l'univers de Pergaud, avec des années de décalage...
Oui, dire le maximum avant de disparaître. C'est réussi: le film de Vigo est violent, perversité à tous les étages, mais sans gratuité. L'audace juste des scènes efface l'accusation d'outrance. Peyrefitte a sûrement aimé.
RépondreSupprimerSurprise aussi de lire "La guerre des boutons" et de faire l'inventaires des ajouts-déductions. Idem pour "jeux interdits", film anticlérical de bout en bout, beaucoup moins dans le livre. Mais les scénaristes Bosc et ..? n'étaient pas à leur coup d'essai.
Cependant, je lirais volontiers Vigo sur les raisons de ses portraits d'élèves..
désolé..perdu le fil du pourquoi de Vigo dans cette discussion.
RépondreSupprimerUn vrai zéro de conduite. (Récidive)
diable..je viens de repenser..vous avez les dvd de Vigo à portée de mains..moi qui vous imaginais cerné par les livres..
RépondreSupprimerJe suis également ciné...Phil.
RépondreSupprimerHélas non, cher Tenancier, je n'ai guère le pied grec. Maladroit comme je suis, l'on dirait plutôt que j'ai le pied gauche...
RépondreSupprimerQuant aux merveilles du 7ème nanart, c'est bien évidemment avec grand plaisir que nous l'évoquerons lorsque vous le souhaiterez. Vous oubliâtes du reste dans votre petite liste "Le Père Noël contre les Martiens", qui figure quand même dans les, hum, "chef d'oeuvre" du genre...
Otto Naumme
Mais je compte sur vous, cher Otto, pour que vous combliez les nombreuses ornières de notre culture cinéphilique bis...
RépondreSupprimerAinsi, de la Hammer aux productions Shaw, nous serons affutés, mmhhh...