C’est une sottise que d’écrire des romans pour gagner sa vie. Je vous assure. C’est étrange. L’irréalité de la chose donne l’impression de pénétrer dans votre vie réelle, de vous entrer dans les os, de faire battre des illusions dans les artères à chaque pulsation du cœur. La volonté se fait esclave des hallucinations, ne réagit qu’à des élans fantomatiques, est au service de la seule imagination. État étrange, aventure éprouvante, cette sorte de brûlante ordalie par l’insincérité. Et on la traverse avec une exaltation aussi fausse que tout le reste. On la traverse et on n’a rien à montrer au bout du compte. Rien ! Rien ! Rien ! |
Le Tenancier ne répondra que par « Oui » ou par « Non » à toute demande de précision.
Je ne vois pas bien de qui il peut s'agir, mais l'esprit de la citation ne sonne pas très français. Alors, je dirais qu'il doit s'agir d'un anglosaxon, et plutôt de la première moitié du XXe siècle. Oui ? Non ?
RépondreSupprimerOui
RépondreSupprimerBon ben là s'arrête ma contribution à ce quiz, à cette bonne intuition-là. Ma méconnaissance du domaine anglo-saxon me conduirait à citer au hasard des noms : le jeu n'y gagnerait rien. Je me tais donc, mais demeure attentif aux réponses qui seront données.
RépondreSupprimerAhahaha, j'ai plein d'idées d'indices tout moisis, du poisson au jeune musicien en passant par le cinéaste et les vieux musiciens.
RépondreSupprimerMais je n'ose pas.
Quoi ? J'ai rien dit !
J'hasarderais, guidé par Spiritus, Joyce, rapport à ses conflits avec son éditeur irlandais.
RépondreSupprimerMais bon, rien n'est moins sûr.
Retenons surtout l'intemporalité du texte.
Flûte ! Moi qui pensais à certains auteurs français, ce cher SPiRitus, à son corps défendant je m'en doute bien, me sert de bon matin un définitif démenti.
RépondreSupprimerBien. Ne reste donc plus qu'à réfléchir aux subtils indices laissés par ce cher POP9. S'ils ont un réel intérêt : pouvez-vous nous le confirmer, cher Tenancier ?
Autre question : l'auteur de cette sortie est-il ce romancier dont un ami commun écrivit un jour, pour un astronaute défunt, une biographie tout aussi amusante qu'imaginaire ? Il aurait très bien pu écrire ce texte, tant il lui correspond...
Otto Naumme
Bertrand : Non, pas Joyce
RépondreSupprimerOtto : Non, et non
Je vous donne un indice, pour faire progresser la chose : L'écrivain en question a des points communs avec Bertrand.
RépondreSupprimerLa fourberie du Tenancier force le respect.
RépondreSupprimerJ'y suis : Il n'a pas de liseuse.
RépondreSupprimerArD
Pop9 : oui
RépondreSupprimerArD : non
L'exil ? Le mauvais caractère ? Les deux peut-être ?
RépondreSupprimerBertrand, : oui, oui & oui !
RépondreSupprimerJoseph Conrad.
RépondreSupprimerKaltoum
Joseph Conrad ! Oui, né en Ukraine d'une grande famille polonaise,( la Pologne avait été rayée de la carte) exilé en Angleterre... C'est fort possible.
RépondreSupprimerBien sûr que c'est Conrad !
RépondreSupprimerLe texte est extrait d'une lettre à E.L. Sanders en 1899 (prélevé dans la préface du tome I des œuvres dans la Pléiade).
Bravo à Kaltoum dont il faut recommander chaleureusement le blog.
http://kal1955.blogspot.fr/
Bravo à Kaltoum, oui ! D'un seul coup d'un seul...
RépondreSupprimerMerci Tenancier aussi !
Ce bout de texte est tellement caractéristique de l'écrivain, cette espèce de rage contenue, cette difficulté initiale dont les problèmes physiques n'étaient pas pour peu. Quant au message, Bertrand, vous avez raison de noter son intemporalité.
RépondreSupprimerC'est… bête, je suis resté en rade, mais de toutes façons je n'aurais pas trouvé.
RépondreSupprimerFélicitations à Kaltoum, et mention spéciale à SPiRitus pour sa sagacité : l'emploi du mot "ordalie" m'aurait pour ma part incité à penser qu'il s'agissait d'un texte écrit en français. Comment donc en êtes-vous parvenu à d'aussi justes conclusions ?
Et au fait, Otto, pourrait-on savoir quelle est cette biographie que vous évoquez ?
Remarquez, cher George, que j'ai qualifié d'anglo-saxon l'esprit et non la lettre de la citation. Pour faire simple, donc caricatural, la citation de Conrad - puisque nous savons désormais qu'il s'agit de lui - manque de ce rationalisme (pousserons-nous jusqu'à dire : cartésianisme ?) qui conduit le style français à l'analyse et à la période classique. Ici, point d'analyse proprement dite, mais partage d'une expérience, faite de fulgurances, qui a davantage à voir avec le corps - et sa mise en jeu dans l'écriture - qu'avec l'intellect. Bref, une certaine brutalité, plus anglo-saxonne (j'aurais pensé américaine) que française. La citation me paraissait donc pouvoir émaner d'un romancier, possédé d'une manifeste violence - d'une sauvagerie - assez éloigné de l'influence française (ce qui, dans mon esprit, excluait Wilde ou Joyce), et d'un "moderne". Mais vous aurez remarqué aussi que je n'ai pas poussé l'audace intuitive jusqu'à proposer un nom.
RépondreSupprimerMon cher George, Conrad avait une maîtrise assez curieuse du français et je gage que sa correspondance française était également pétrie de quelques mots incongrus. (J'ai la paresse de vérifier dans mon volume) L'intérêt, justement se situe dans la déracinement de l'écrivain : étranger à sa langue d'adoption, maîtrisant curieusement le français et sans doute - selon nombre de thuriféraire de Conrad - assez éloigné de sa propre langue au final. Très fascinant par ces déracinements et de ce que Conrad a fait, tournant le tout à son avantage...
RépondreSupprimerMa remarque ci-dessus est également adressée à notre cher SPiRitus
RépondreSupprimerDans le genre déraciné polyglotte (et maîtrisant parfaitement l'anglais), il y a aussi Nabokov…
RépondreSupprimerTiens ce serait pas mal de recenser tous les écrivains qui ont produit l'essentiel de leur œuvre dans une langue non-maternelle… Pour l'instant, à part Kafka et Beckett, il n'y a que les Roumains qui me viennent à l'esprit : Ionesco, Cioran, Gherasim Luca.
Cher SPiRitus, votre modestie n'a certes d'égale que votre perspicacité, mais permettez-moi de persister dans mon admiration, car selon vos propres arguments on aurait pu aussi bien se fourvoyer vers Crevel, par exemple…
... dans une langue non maternelle... cela ouvre le champ à tout un pan de la littérature française, ça, si l'on reconsidère ce que peut être une langue maternelle.
RépondreSupprimerCher George, je suis justement en train, pour le seul plaisir, de relire Crevel (L'Esprit contre la Raison et autres écrits surréalistes), et son style conserve un tour essentiellement classique. Il y a chez lui, comme chez la plupart des surréalistes français, un souci d'analyse.
RépondreSupprimerDont acte, cher SPiRitus : alors au temps pour moi !
RépondreSupprimerJe ne suis pas sûr de bien saisir le sens de votre remarque, Tenancier : vous songez à des écrivains comme Mistral, par exemple ?
Je pense surtout à certains écrivains dont on se demande s'ils ont une langue...
RépondreSupprimerLe problème de ces écrivains, ce n'est pas qu'ils aient une langue, c'est qu'ils ont des mains.
RépondreSupprimerAuriez-vous une âme de Taliban, mon cher ? je vous imagine collectionnant telle ou telle main coupée, enfilée sur un fil de fer et en rang d'oignon avec les autres... "Tiens, voici la main de Houellebecq, coupée en 2014 à l'île de Rée"... ce serait du dernier chic !
RépondreSupprimerOn en ferait une nouvelle à la Maupassant...
RépondreSupprimer... mâtiné de Villiers de l'Isle-Adam !
RépondreSupprimerAttention, SPiRitus : vous allez attirer le Moine bleu dans ces parages !
RépondreSupprimerMerci d'avoir précisé votre pensée, Tenancier : vu sous cet angle, ça en fait en effet un sacré paquet ! Mais peut-on parler d'écrivains ? Barthes ne serait pas d'accord… D'écrits vains, à la rigueur…
En tout cas, puisque ceux-ci ont des mains, ils ne sont assurément pas kantiens, comme disait Péguy.
Et ce ne sont pas ceux-là qui nous font prendre notre pied, même s'ils écrivent tout comme…
"La fourberie du Tenancier force le respect", écrivait tout à l'heure M'sieu Pop, approuvé par notre hôte dont j'ignorais pourtant les talents picturaux.
RépondreSupprimerC'qu'a peint le Tenancier, on se le demande…
Yves, Bertrand, George... Merci !
RépondreSupprimerJoseph Conrad, Polonais d'Ukraine, ayant longtemps habité la France, a choisi de s'exprimer en anglais. Intéressant de se demander quelles raisons poussent un écrivain à utiliser pour la création une langue seconde plutôt que sa langue maternelle ?
Bonne soirée à tous,
Kaltoum
Je n'aurais jamais pensé à Conrad. Bravo donc, Kaltoum !
RépondreSupprimerCher George, je faisais allusion à "HPL (1890-1991)", l'amusante biographie uchronique de Lovecraft écrite par Roland C. Wagner il y a de cela quelques années déjà. Un Lovecraft qui aurait pu écrire ce texte, je pense (peut-être pas dans le style, mais au moins dans l'idée, très certainement).
Otto Naumme
Il se dégage de tous ces commentaires de qualité, une fameuse idée initiée par George : oui, il serait intéressant de recenser ces écrivaisn dont on se demande, selon l'excellent mot du Tenancier, s'ils ont une langue.
RépondreSupprimerFascinant, la langue étant l'instrument sine qua non de la littérature en même temps que l'objet... Comment"penser" et faire oeuvre dans une autre langue que celle avec laquelle on a été conditionné à interpréter le monde ? Le premier monde. Comment se traduire spontanément ?
J'avoue que l'idée me fascine, vivant dans une autre langue et ne la parlant que par concepts empruntés, qui désignent dans ma tête mais ne parlent pas à mes tripes.
Je pense à Kundera aussi qui, à partir des années 80, je crois, utilisa le français...
Ce serait bien de squatter par une chronique régulière sur le sujet le salon du tenancier.
S'il y a des volontaires, je me joins à eux... Annonce sérieuse
Bertrand, votre idée est excellente et je suis volontiers prêt à accueillir des billets sur le sujet (n'oublions pas Beckett dans le lot). Cependant, que je vous mette en garde sur le découragement. Les commensaux vont vous user, je le sens. C'est une population cruelle que celle qui fréquente ce blog...
RépondreSupprimertrès impressionnée par l'analyse SPiRitienne,
RépondreSupprimertrès intéressée par la proposition Bertrandienne.
volontaire pour lire (liseuse-free), apprécier et ajouter mon petit grain de commentaire si je le puis...
Grand merci, cher Otto, pour la référence : j'avais bien subodoré qu'il s'agissait de RCW puisque vous parliez d'ami commun, mais j'avoue ne pas plus connaître son œuvre que vous-même celle de Jacques Abeille jadis, et votre allusion à un astronaute défunt continue de m'intriguer…
RépondreSupprimerCher Bertrand, merci de vous intéresser à ma proposition et de l'avoir exhumée.
Cela dit, il ne m'étonnerait pas que d'autres se soient déjà livré(s ?) à ce genre d'amusement littéraire : je me demande même s'il n'existe pas une page Ouiquipédia sur le sujet.
Première remarque : à part Beckett, il me semble que tous les écrivains de langue seconde évoqués dans le fil de ces commentaires viennent de l'Est : Pologne, Russie, Roumanie, Tchécoslovaquie (Kafka mais aussi Kundera, en effet).
Gombrowicz a écrit nombre de pages sur la malédiction des écrivains dont la langue maternelle est dite "mineure", leur œuvre ayant peu de chances d'atteindre à l'universalité de celle d'un Shakespeare, d'un Dante ou d'un Cervantès, et il me semble qu'il prend justement Conrad pour exemple.
Très cher George, je vous recommande l'oeuvre de ce cher Roland, notamment son amusante série des Nouveaux mystères de Paris et, encore plus, son "grand oeuvre", Rêve de gloire, intéressante uchronie sur la guerre d'Algérie. L'ami Roland a du talent, lorsqu'il se donne la peine de l'exploiter !
RépondreSupprimerQuant à l'astronaute, notre cher Tenancier pourrait vous en parler bien mieux que moi : il s'agit de la maison d'édition, L'astronaute mort, qu'il avait créée il y a de cela quelques années et qui a publié quelques perles remarquables, entre oeuvres de Jean-Claude Forest, André Ruellan, Emmanuel Jouanne et quelques autres grandes plumes de la SF...
Otto Naumme
Bon sang, mais où ai-je la tête, cher Otto ?! L'astronaute mort : bien sûr ! Le Tenancier m'a personnellement offert une bonne partie de cette collection, dont les Écrits cathodiques de Ruellan et le texte de Jouanne à propos du Morse.
RépondreSupprimerToutes mes excuses pour cet oubli (à ma décharge, je n'ai pas le RCW de cette "Bibliothèque sublunaire").
Le Wagner a été épuisé presque à parution, mon cher George. J'en éprouve du reste un soulagement certain, comme on se débarrasse d'un épisode pénible. Si cette marotte éditoriale fut plutôt plaisante, quelques à-côtés le furent moins, notamment concernant cette publication-là.
RépondreSupprimerDu reste, je ne crains pas d'en raconter les péripéties, qui sont fondées sur un réel ressentiment et des faits qui demeurent blessants. Mais après tout, cela dessille les yeux, également.
RépondreSupprimerMerci pour cette précision, cher Tenancier, et je ne vous en demanderai pas d'autres à ce sujet : laissons la chape de l'oubli recouvrir ce désagrément.
RépondreSupprimerAh mais mon cher George, ce serait alors s'abuser sur le sens libératoire de la parole, d'autant qu'elle a été réprimée pendant un bail. Je dis simplement ici que la conduite de Roland Wagner à l'égard de ce texte - du fond et de sa publication - n'a point été sous le signe de la correction ni de l'éducation. La chose en soi n'a jamais pu me surprendre, elle se rend seulement pénible par l'impunité de son auteur en face duquel je n'ai affiché que de la réserve jusqu'à présent.
RépondreSupprimerDe toute façon, vous avez le meilleur de mes publications avec la nouvelle d'Emmanuel Jouanne, grand écrivain et grand seigneur, lui.
Je ne savais pas pour l'attitude de Roland, il faudra que nous en reparlions. En revanche, j'ai l'impression que le ressentiment, cher Tenancier, vous rend un poil trop bienveillant à l'égard d'autres. Emmanuel était certes un bon écrivain mais, même si je l'appréciais beaucoup, ce n'était quand même ni le plus facile ni le plus "drôle" des hommes...
RépondreSupprimerEnfin bref.
Pour ce qui est des écrivains "multi-lingues", il ne faut pas oublier non plus l'étonnante trajectoire de Karen Blixen, publiant en danois sous le nom d'Isak Dinesen et en anglais sous le sien propre...
Otto Naumme
Otto, j'avais évoqué l'affaire devant vous, directement à vous. Il est regrettable que vous l'ayez oublié. Peut être n'avais-je pas été si explicite ou bien est-ce l'amitié que vous lui portez qui vous a poussée à relativiser. Je suis à votre disposition pour vous le redire.
RépondreSupprimerPour Emmanuel Jouanne, mes contacts ont été fugaces et je n'en demandais pas plus. Dans cette affaire d'édition, je n'ai pas réclamé forcément une attitude amicale. Mais je sais que celui-ci a défendu fort honorablement ce que je faisais et je gage que si l'épisode de la remise du Prix Rosny Aîné on lui avait remis celui-ci, c'est également L'Astronaute Mort qui y aurait été associé.
Dernière chose là-dessus, parce que j'ai d'autres choses à faire que d'évoquer cet épisode minable,
posez-vous la question des circonstances de la création de cette nouvelle un peu à part dans le corpus de l'auteur et la raison pour laquelle il n'y en eu pas vraiment du même tonneau ensuite. Je ne suis pas un auteur, je ne le prétends pas et je n'ai aucune paternité sur ce texte. Mais cette fois-là, j'ai accompli un travail d'éditeur...
Cher Tenancier, vous savez bien qu'en aucun cas je ne vous reproche quoi que ce soit.
RépondreSupprimerPour le reste, nous continuerons ce débat de vive voix.
Juste une chose : j'ai toujours tendance (fâcheuse ?) à oublier les histoires et faits négatifs...
Otto Naumme