Fréquemment, il arrive que l'on y parle de livre. Le tenancier évite, comme il évitait dans sa folle jeunesse de regarder Apostrophe à la téloche. Il préférait plutôt la tête blafarde de Claude-Jean Philippe qui venait lui parler, après, de Garbo par Cukor, par exemple (Mais pas que cela, il se serait fait tuer pour n'importe quel film avec ELLE).
Or, il est arrivé une chose fatale, un fait sur lequel on n'y peut rien, un accident stupide : le tenancier à égaré ses yeux sur un encart dans un article, une citation en blanc sur fond parme, la chose qu'on ne peut éviter.
Voici la citation :
"Numérique ou pas numérique, qui dira au lecteur quelle traduction de Virginia Woolf est la meilleure parmi celles qui sont disponibles si ce n'est le libraire ?"Ainsi, j'ignorais jusqu'à maintenant qu'il y eut plusieurs traductions d'un titre de Virginia Woolf simultanément disponibles dans l'édition en France... Il est vrai, après tout, que Virginia Woolf est un auteur suffisamment universel pour qu'un éditeur - qui rappelons-le, généralement, exploite les droits exclusifs d'une oeuvre littéraire - mette à disposition du grand public plusieurs traductions de l'un de ses ouvrages, en même temps, et continue de prospérer.Philippe Touron (Librairie Le Divan, Paris)
Blague à part, je ne sais pas si Philippe Touron, du Divan, ou Nathalie Crom la rédactrice de l'article ont songé à se relire, mais une chose est sûre : numérique ou pas, sur papier ou gravé sur une peau de banane, je ne confierais pas mon envie de littérature à un type qui me déclare cela, impavide, dans un canard tiré à 624 000 exemplaires payants déclarés.
Je l'avais bien remarqué, déjà. La librairie de neuf va mal. Et ce n'est pas forcément à cause du manque de clients.
Le Livre numérique, une petite révolution, article de Nathalie Crom
Télérama n° 3072 du 26/11/2008
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DIMANCHE MATIN :
Voici ce que le tenancier reçoit de CLS :
"Le tenancier se met le doigt dans l'oeil pour une fois (ce qui est rare, il faut en convenir). En ce moment il existe bien, disponibles, en français, au moins deux traductions différentes d'un roman de notre chère Virginie Looup (je me suis permis de traduire le nom aussi... aurais-je eu tort ?) : Mrs Dalloway. Au livre de poche, traduction de Pascale Michon et en Folio, traduction de Marie-Claire Pasquier, préface de Bernard Brugière (tiens, un homme !).... et le tenancier avait vérifié plutôt deux fois qu'une que deux traductions ne coexistaient pas. Il ne lui reste qu'à présenter ses excuses à Nathalie Crom et Philippe Touron.
Notre cher tenancier, nous comprenons cela, est très accaparé et n'a guère le temps d'écouter France-cul qui a fait voici quelques jours (une semaine ou deux) une émission là-dessus..."
Le tenancier reviendra tout de même plus tard sur le malaise qui existe dans la librairie de neuf et dont la cause n'est pas forcément l'abandon du lectorat.
N'empêche, quelle boulette !
«... qui dira au lecteur quelle traduction de Virginia Woolf est la meilleure ? » Cette formulation est ambiguë : on pourrait croire que Virginie est traductrice. Le tenancier n'a pas de mauvais sens à se faire concernant la journaliste de Telerama qui a laissé passer la synecdoque du libraire de neuf, pas nécessairemnt détectable par tout son lectorat.
RépondreSupprimerArD
Certes, Ard, la formulation est malheureuse.
RépondreSupprimerJe regrette tout de même d'avoir manqué de rigueur sur ce coup là ! Je me suis rendu coupable de ce que je reprochais à tort à ce libraire. Pour ma seule défense, je ne puis que signaler que j'ai rencontré maintes fois ce genre de propos. Je le sais d'autant, qu'il m'est arrivé parfois d'en dire. Depuis j'ai appris la prudence dans une affirmation. Mais pas encore assez semble-t-il... Généralement, cela arrive lorsque l'on est jeune dans ce métier. Plus un libraire sera récent dans la profession, plus il sera catégorique. Dans un sens, c'est rassurant car dans cette optique je ne suis pas totalement un barbon.
Cela nous amène justement au problème qui touche la librairie de neuf : le professionnalisme. Il faut plusieurs années pour qu'un libraire possède des connaissances suffisantes pour exercer correctement son métier. Ni des études de lettres, ni une longue pratique du commerce dans d'autres sphères ne peut remplacer la formation et l'expérience dans ce métier, précisément. Cela tient à une connaissance acquise sur le "terrain", une mémoire de ce que le vendeur en librairie a gardé de ce qui lui est passé entre les mains. Or, s'il faut des gens d'expérience pour répondre à vos demandes, où se trouvent donc les vendeurs en librairie qui dépassent les 35 ans ?
L'espèce se fait rare simplement parce que le métier est très mal payé. Souvent, la raison tient à ce que le libraire (là, je parle du gérant ou du propriétaire) ne peut dégager un salaire suffisant pour des personnes qui on plus de 20 ans d'expérience. D'autrefois c'est l'indifférence complète du même vis à vis de ses vendeurs, motivée par des pratiques commerciales de type libre-service. La compétence, le conseil étant reportée aux médias, le vendeur n'est plus qu'un magasinier dévolu à la mise en place, aux retours et à la prise de commande dans le meilleur des cas.
Cette "prolétarisation" du métier - désolé, je n'ai pas pu m'empêcher - rend le métier de vendeur en libraire de moins en moins attractif : horaires du commerce, salaire médiocre, convention collective quasi-inexistante font que le vendeur moyen, qui a fondé une famille où qui prétendrait à quelqu'aisance, finit par fuir la profession pour d'autres horizons. S'ajoute à cela une disqualification du libraire perçu désormais comme un obstacle à la jouissance du livre, dévalué désormais à un bête bien de consommation, vaguement classé dans le secteur "distractions et loisirs".
Quelques vieux vendeurs s'accrochent. On en voit, parfois, à l'ouverture de certains magasins faisant partie d'une chaîne à succursales multiples, précisément parce que ces société ont besoin de concurrencer le libraire local sur les prescripteur "CSP++++"... Ceux-là sont des soldats sacrifiés, première ligne qui cèdera sous les premières rafales de licenciement. Un vieux libraire finit par être cher et est certes moins corvéable qu'un p'tit jeune.
La faute à qui, alors ?
Dénoncer les responsabilités serait complexe. Je crois en définitive que c'est la banale histoire d'un monde qui change et qui a plus besoin de satisfactions immédiates, qui s'est décomplexé face à la culture et au goût.
Pourquoi pas ?
C'est en tout cas pour cela que je ne veux plus revenir travailler dans la librairie de neuf.
La traduction connue des "Vagues" est de Yourcenar.
RépondreSupprimerD'autres existent-elles ?
Il est vrai qu'attendre pareille information du net est sans intérêt. C'est un peu comme rechercher la bonne orthographe d'un mot en le "tapant" dans google: le plus souvent autant de (millions !) d'entrées pour le mot mal orthographié que pour le bon.
Tenancier, j'ai oublié le rapport avec la Garbo. Ai beau me creuser, ne sais plus pourquoi vous en avez parlé. Alors..parlons de ...mi: moi aussi, je n'oublierai pas le sautillant cinéphage Claude-Jean Philippe devant un Pivot apostrophé mais complétement gazé et sûrement pas cinéphile (sauf avec Jane Fonda).
Récemment, j'ai manqué d'aller voir la tombe de Greta à Stockholm..trop loin, trop froid, trop sombre. J'y retournerai à la prochaine équinoxe.
Sinon, trouvé dernièrement un beau petit livre aux actes Sud, avec un portrait de Garbo en couverture. L'auteur fut, paraît-il, un cinéphile connu avant d'écrit cette fiction sur la divine; oublié le titre et l'auteur, bien sûr, car acquis le livre uniquement pour voir la couverture de temps en temps. (j'étale les livres..donc tout est visible sauf le bord).
Phil,
RépondreSupprimerJe me suis fait avoir car je n'ai pas accès à "Electre" qui est la base de données payante des ouvrages disponibles. Mais il faut croire CLS quand il le dit. Du reste cet homme est énervant car il se trompe rarement.
Garbo ?
Parce que :
Lectures professionnelles --> Critiques de livres --> Apostrophe --> Vendredi soir --> Ciné-club --> Claude-Jean Philippe --> Garbo/Cukor --> ouf !!!
A la prochaine équinoxe, déposez-y quelques pétales chlorotiques de ma part, voulez-vous ? Incidemment, Phil, vous donnez une suite à la petite série des bibliothèques sur ce blog. Ainsi, vous ne la rangez point comme le le vulgaire pékin... sautillez vous d'une pile à l'autre, slalomez-vous entre les volutes méphitiques d'un Lorrain, entre les saveurs du Nepenthès baudelairien, le vert-vert verlainien couchés en strates verticales dans une sorte de vertige babélien ? Ou ces piles sont-elles approximatives, tranches décalées comme une rizière crypto-maoïste, mmmhhh ?
Dites-nous, Phil...