Un défet : O

Il y a plus d’un an, on vous avais ici parlé d’une catégorie d’ouvrages qui n’étaient pas mis en dans le commerce mais qui servaient de documents publicitaires pour la vente d’un collection, d’un titre, etc. Nous parlions alors de « défaits » et nous avions tort. Car il fallait plutôt lire « défets » qui est un terme du livre qui désigne précisément des feuilles dépareillées. Par extension, ce terme fut utilisé pour ces documents publicitaires. Pour la défense du Tenancier, on arguera que celui-ci connaissait bien le terme et le sens de sa définition mais qu’il ne l’avait jamais vu écrit. Rappelons tout de même que l’apprentissage du signataire de ce billet fut essentiellement oral, ce qui peut paraître exotique et même curieux du point de vue des néophytes.
Mais c’est comme ça.
Toute honte bue, présentons ici le défet (donc) d’un livre extrêmement connu et dont on se dispensera de faire l’exégèse, nous bornant à dire que celle-ci semblait reprendre les illustrations de l’édition Pauvert dans une présentation un peu plus luxueuse.
Voici Histoire d’O :

L'ouvrage est in-4° Jésus, un format assez grand : 28 X 38 cm. Typographie de Jacques Haumont sur Pur chiffon d'Arches, le tout est présenté en feuilles sous double emboîtage de soie (pour l'exemplaire mis en vente et non cet "échantillon", bien sûr). Ici, donc, une reproduction de la couverture et déjà une indication appréciable du format et du papier... Tous les in-4° n'ont pas cette taille. Ainsi votre album de Lucky Luke peut tout aussi bien en être un. D'où la difficulté de transcrire la notion de format en omettant la nature du papier. Ces quelques feuillets sont sur Pur chiffon, on verra plus bas que cette édition comporte plusieurs papiers différents.

Un exemple du travail de mise en page dans ce défet. Nous sommes à la fin du premier chapitre du roman. il est évidemment important de montrer au bibliophile la nature d'un ouvrage qui n'est parfois pas encore mis sous presse (ou très partiellement, n'ayant par exemple pas son tirage de litho) en attente d'une souscription substantielle. On se doute qu'à ce tarif certains ouvrages ont pu ne rester qu'au stade d'exemplaires on ne peut plus lacunaires, sous forme de publicité...

Le défet est bien évidemment accompagné d'un prospectus publicitaire (ici à côté du défet). Parfois, les bulletins de souscription n'apparaissaient que sur un feuillet volant, tout dépendait en somme de la nature de la publication. L'éditeur ici avait bonne renommé et les moyens, et pouvait publier des bulletins publicitaires et de souscription aussi luxueux que les défets.

Une vue du bulletin, on en verra le détail plus bas.

La couverture du prospectus.

Doit-on croire cet avis ? Plus assurément on sera enclin à considérer que ce tirage en couleur n'était pas encore fait. Rappelons que la vente des ouvrages en souscription n'était pas rare et que, dans ces conditions, on n'engageait pas l'impression dudit livre avant qu'une provision confortable permette de rémunérer au moins l'imprimeur. Ce défet ne pouvait donc contenir un tirage lithographique, ceci engageant trop de frais au départ. D'où ce pieux mensonge...

Cette édition d'Histoire d'O était effectivement assez élégante, dans son emboîtage. Elle dépare assez de la production pour bibliophile, souvent médiocre et faite avec des artistes moyens. Même si les planches en couleurs n'étaient pas de sa main propre, nous avions tout de même les dessins de Léonor Fini et la typographie de Jacques Haumont. Cela déparait déjà du tout venant bibliophilique, dans ce registre.

On vous laisse découvrir le récapitulatif du tirage...

La mode était à l'époque à ces éditions boursouflées, qui garnissaient avec peu de goût et de discernement les bibliothèque d'une moyenne bourgeoisie qui semblait se rédimer dans la possession d'attributs culturels, comme ces livres apparemment luxueux. Cette édition-là nous apparaît comme une sorte d'exception heureuse, mis à part le format. Ce n'est pas toujours qu'une affaire de goût, quelques livres relèvent de la haute trahison. On reviendra un de ces jours sur ces productions plus ou moins malheureuses à travers quelques défets que nous tenons au chaud, en attendant...

5 commentaires:

  1. Devant Histoire d'O, il est normal que l'on se défasse.

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  2. Je savais, Dominique, que ça vous plairait.

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  3. Ce défet fait-il partie de votre bibliothèque personnelle ou du fonds de votre librairie, cher Tenancier ?
    En tous cas, on ne s'étonne que cette histoire leste devienne un défet d'O...

    Otto Naumme

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  4. Je ne vous savais pas si defétiste, ô Tenancier.

    ArD

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