Pour sa part, le Tenancier s’est contenté pendant un certain temps de laisser les choses s’accumuler, ne laissant sauf que son rayon vernien qui, il faut bien le dire, occupe un pan de mur spécifique (et le "rayon arts" qui occupe une chambre). Mais désormais, il faut en venir aux mains. Le jeu va consister à vider entièrement les rayonnages, à transporter les livres dans une autre pièce, constituer un « pré-tri » des livres et ensuite entamer le nouveau rangement de la bibliothèque (Une semaine de travail !). Á ce moment se posera un véritable problème de cladistique qui avait été négligé jusqu’à maintenant : le seul ordre admis étant celui de l’alphabet. Mais le souci – également évoqué par Perec – est que l’on ne peut compter sur sa mémoire pour retrouver un livre et il peut arriver que l’on oublie le nom d’un auteur et non du sujet qu’il traite. Il me faut donc se résoudre à un classement thématique : l’histoire d’un côté, la littérature de l’autre, certes… mais quid de Chester Himes ? Littérature ? Littérature noire (avec Baldwin et Wright ou alors entre Chandler et Irish, tout dépend ce que l’adjectif recouvre) ? Littérature policière ? Paralittérature ? Et Bukowski ? Poésie ? Littérature ? Vieux dégueulasse ? Si l’on peut trancher pour certaines choses on peut vite se confronter à quelques scrupules, quelques arbitraires que nombre de visiteurs ne manqueront pas de relever à leur passage. A montrer une bibliothèque on montre simplement avec quoi l’on se nourrit, mais à montrer comment on la range on voit comment l’on cuisine ! Et on vous pardonne rarement une faute de goût en la matière. Certes, nos bibliothèques sont des moments et des lieux privés et l’étranger n’a qu’à bien s’y tenir. Mais du diable si l’on peut obtenir une quelconque attitude vertueuse de cette engeance…
Peut-être bien que le Tenancier va reporter encore un peu ce rangement prévu, histoire d’alimenter sa réflexion et relire Perec encore une fois (3).
Mais, en définitive, peut être que la meilleure méthode est de ne point en avoir sinon que l’arbitraire, le hasard et la curiosité…
Georges Perec : Notes brèves sur l’art et la manière de ranger ses livres, in : Penser/Classer – 1985 (Note)
(2) - Ibid. : De l’ordre
(3) - Le Tenancier remercie George Weaver qui lui a remis cet ouvrage en main (disparu de mes rayonnages il y pas mal de temps - sans doute volé par je ne sais qui) et qui donc alimente par l'exemple ce Vaisseau de Thésée qu'est ma bibliothèque.
Ah ça, ranger une bibliothèque...
RépondreSupprimerLa seule certitude, lorsqu'on se lance dans cette tâche, est l'adage "poussière tu vets, poussière tu mangeras"...
Otto Naumme
Belle vérité que voilà !
RépondreSupprimerPas compliqué, Tenancier : pour les livres poly-classifications à caractères non homologues, procurez-vous les en double!
RépondreSupprimerMais sachez qu'une bonne cladistique se veut être le corollaire de la parcimonie : moins vous aurez de livres à critères différentiels de classification, au mieux votre clade se portera.
La cladistique n'est peut-être pas la bonne méthode finalement. rangez-les donc par format, par couleur,...
ArD
Le plus simple étant encore, bien sûr, de ne pas avoir de bibliothèque.
RépondreSupprimerMais là, c'est pas d'jeu...
Otto Naumme
Je vous remercie évidemment, Tenancier, pour cet hommage en note 3, mais ne le comprends guère, au fond (pas plus que cette sombre histoire de vol) : vous ne citez pas tous les libraires qui vous ont fourni les ouvrages dont vous nous régalez parfois ainsi…
RépondreSupprimerAh mais George, c'est que vous êtes mon plus gros fournisseur ces derniers mois !
RépondreSupprimerL'histoire de vol n'est pas si sombre et je crains que mes façons lapidaires induisent à la confusion. On vola ce livre dans ma bibliothèque et celui que j'ai retrouvé chez vous l'a remplacé, c'est tout.
Je précise également que je me sers dans mes acquisitions de bibliothèques, à tel point que le soucis n'est pas tant de ranger les livres que de trouver le temps de les lire.
RépondreSupprimerEntièrement d'accord avec vous sur ce dernier point, hélas, Tenancier !
RépondreSupprimerMais gros, faut tout de même pas pousser : ma surcharge pondérale n'est pas telle que je ne puisse circuler entre mes amas de cartons rapprochés, dans l'interstice de ces travées filiformes…
Vous êtes même étique, cher George. Je veux bien vous refiler un peu de mon surpoids.
RépondreSupprimerNe commencez pas à me lancer sur Spinoza : on risque la logorrhée hors-sujet…
RépondreSupprimerMais, faites, mon cher !
RépondreSupprimerAh non, désolé : c'est comme la tolérance, il y a des maisons pour ça !
RépondreSupprimerVous voici claudélien, du coup !
RépondreSupprimerDu cladisme à Claudel, il n'y a qu'un pas…
RépondreSupprimerMais d'autres attribuent la phrase à Clémenceau, que je préfère (première manière, évidemment).
L'hypothèse Clemenceau (n'accentuez pas le e, George) est tentante, mais dans la bouche de Claudel, elle a quelques résonances !
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