Mane, thecel, pharès

Le phantasme du collectionneur et du bibliophile est la complétude de sa collection, obsession un peu vaine dans sa prétention car qui n’a pas été parfois déçu par tel ou tel item dans une longue série ? Néanmoins, cette aspiration est au moins salutaire au bibliographe dont les recensions ne sauraient tolérer la moindre absence. Parfois, par la force des choses, par la rareté de l’objet de l’étude, on se voit obligé de laisser des espaces vierges, des Terrae Incognitae bibliographiques, laissant ainsi le soin et l’honneur aux plus chanceux d’entre nous de recenser ce que nous n’avions pu trouver par nous même. Il est parfois aussi d’étranges béances, des volumes qui apparaissent fugacement et dont on jurerait que leur place n’est pas entre nos lignes mais bel et bien dans une autre compilation. Et puis, il y a les exemplaires fantômes, les projets, les renoncements des éditeurs qu’ils n’ont pas eu le temps de combler par un autre volume, ou simplement à cause du décès de la collection ou de l’arrêt définitif de l’éditeur. Les exemplaires fantômes se manifestent parfois un temps et puis disparaissent d’une liste soudainement. On s’en frotte presque les yeux.
Le Tenancier pensait bien avoir la série complète des Minilivres de chez Deleatur. Un début de preuve réside dans les dix-neuf premiers volumes de la collection exposés dans ce présent blog…
Or, Le Patrick Boman, A Naïve Romance, aurait dû être le vingtième de la collection. A l’évidence un exemplaire avait échappé à notre sagacité. Par chance, la plupart des ouvrages de la collection comportent sur leur rabat de couverture la liste des titres parus. Il ne fut pas difficile de retrouver celui qui manquait, comme on le voit dans la reproduction ci-dessous.


Il s’agissait de Une nuit dans la Grande Bibliothèque, texte non signé et au sujet duquel nous pouvions seulement nous perdre en conjectures. Ce manque nous dégrisa quelque peu. Il nous fallut prolonger les recherches car, autant que le Tenancier s’en souvenait, il ne l’avait pas vu mentionné dans d’autres liste par ailleurs à sa disposition. Il fureta donc dans un rabat de livre plus récent et pu voir ainsi que l’ouvrage en question y avait été éliminé.


Le nouveau numéro 9 était le livre de Pierre Laurendeau Oli bobo et les 40 Douleurs. Ce décalage - on oserait même parler de Déclassement - renvoyait Une nuit dans la Grande Bibliothèque dans la catégorie des H.C., c’est-à-dire des « Hors Collection ». Enfer et Damnation ! Ainsi, tantôt le Tenancier fut, alors qu’il possédait déjà les 20 premiers volumes, détenteur d’une collection incomplète, puisqu’il en aurait fallu 21, mais il se retrouve désormais avec une collection complète tout en ne possédant pas précisément cet ouvrage ! (*)
Un événement vint jeter définitivement le trouble dans l’ordonnancement maniaque du Tenancier. Pierre Laurendeau, directeur de cette collection, sollicité par les soins de votre serviteur, se fit un plaisir de lui transmettre une version électronique de ce titre en lui en expliquant la teneur. Il était alors détenteur d'un exemplaire virtuel Hors Collection qui ressemblait furieusement aux exemplaires des Minilivres sans en faire partie, tout en…
Bref, on ne pouvait en définitive que signaler l’ouvrage, en mentionnant la chose suivante :
Exemplaire H.C. qui s’insérait entre le numéro 8 et le numéro 10 (lequel est devenu depuis le numéro 9). - Toujours la même présentation et le même nombre de pages...
En voici la reproduction.


Quant au livre lui-même ? Eh bien laissons Pierre Laurendeau s’en expliquer…
«Ce petit conte personnalisable a été écrit il y a une vingtaine d’années pour l’inauguration d’une bibliothèque. C’était l’époque où on pouvait encore jouer sur la « magie binaire » sans craindre qu’un fâcheux commente d’un air blasé : « Ben oui, c’est une fonction recherche/remplace ».
Je l’ai décliné en version h/f/couple !
Il y a une dizaine d’années, j’en « produisais » une bonne centaine par an, au gré des salons… Je me suis calmé, car c’est tout de même très contraignant !»
Donc, par la force des choses ce titre est forcément unique, puisque son possesseur en est le personnage principal. Heureux les mortels qui possèdent leur version papier !
____________________

(*) - La maison ne délivre pas d'aspirine...

11 commentaires:

  1. Au fait, possède-t-on toute la collection si l'on ne dispose pas d'un hors collection de cette collection ?

    Otto Naumme

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  2. Voici enfin un distingo clair et pécis qui permet de comprendre la différece entre une complète et une intégrale, je suppose.

    ArD

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  3. Vous voulez dire, ArD, que c'est comme les galettes beurre-oeufs-fromage ?

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  4. Oui, avec le H.C.V. (hors collection virtuel) à la bolée !

    ArD

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  5. Alors, ce n'est pas "la totale" ?
    Encore un rêve qui s'effondre.

    Otto Naumme

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  6. Les mathématiciens savent depuis longtemps que la recherche de l'intégrale mène toujours à des dériv(é)es.
    Ce billet me rappelle les suées que j'ai éprouvées en tâchant de reconstituer la totalité du catalogue 10/18…

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  7. La "complète" de 10/18 ?!?!?!
    Waow, que voilà une oeuvre qu'elle n'a pas du être simple à accomplir !
    Y réussites-vous, cher George ? C'était pour votre compte personnel ou dans une optique commerciale (encore que je doute que quelqu'un vibre au "vends intégrale 10/18") ?

    Otto Naumme

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  8. Non, bien sûr, pas dans une optique commerciale; et même pas vraiment pour mon compte personnel puisqu'il ne s'agissait que de recenser les titres, pas d'accumuler les livres eux-mêmes. Enfin, il s'agissait surtout de résorber l'espèce d'angoisse en quoi s'étaient transformées mes interrogations au vu des trous du catalogue numérique (à l'époque, cela signifiait "par numéros"). J'ai presque terminé, mais quelques incertitudes demeurent, comme vous pourrez le constater ici.

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  9. Au moins, Otto, vous n'aurez pas tous ces soucis pour constituer l'intégrale du Mystère, veinard !

    ArD

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  10. On peut l'espérer, chère ArD, on peut le souhaiter. A moins que le Mystérieux Expéditeur se mette à faire des envois qui n'en soient pas ou incomplets (reste à savoir comment nous le saurions...).

    Otto Naumme

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