Mais, qui connait cette loi, appelée improprement "la loi Lang", car des personnes autrement prestigieuses et plus impliquées dans le livre en furent également à l'origine, comme Jérôme Lindon, par exemple ? Durant le très grand nombre d'années où j'ai travaillé dans la librairie de neuf, il m'est souvent arrivé de rencontrer des clients ou même des proches ignorer le contenu de cette loi et, subséquemment, pour quelles raisons elle fut appliquée. Il serait fastidieux d'en énoncer les raisons ici. On le fera sans doute un de ces jours. Ce que je puis dire, c'est que cette loi a donné ses chances à la librairie de neuf traditionnelle. En revanche, si ce métier est exangue désormais, c'est que la corporation s'est endormie dans une espèce de béatitude malsaine en s'abstenant de développer ses potentialités : sa force de vente, ses réseaux, son implantation, etc. Là aussi, cela fera l'objet d'un autre billet. Une chose encore, j'ai fait mes débuts dans le métier avant cette loi, et je connais la situation avant et après sa promulgation. Je puis dire qu'elle a tout de même sauvé les meubles pendant un certain temps. Je suis pour qu'elle perdure. Je sais également de quoi je parle, ce qui n'est pas souvent le cas lorsque l'on évoque son abolition.
En attendant, voici la loi. Pour une fois que je vous tiens, vous allez finir par la connaître. Il serait temps.
Faites-en votre miel...
La loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre (modifiée par la loi n° 85-500 du 13 mai 1985)
L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art. 1er - Toute personne physique ou morale qui édite ou importe des livres est tenue de fixer, pour les livres qu'elle édite ou qu'elle importe, un prix de vente au public.
Ce prix est porté à la connaissance du public. Un décret précisera, notamment, les conditions dans lesquelles il sera indiqué sur le livre et déterminera également les obligations de l'éditeur ou de l'importateur en ce qui concerne les mentions permettant l'identification du livre et le calcul des délais prévus par la présente loi.
Tout détaillant doit offrir le service gratuit de commande à l'unité. Toutefois, et dans ce seul cas, le détaillant peut ajouter au prix effectif de vente au public qu'il pratique les frais ou rémunérations correspondant à des prestations supplémentaires exceptionnelles expressément réclamées par l'acheteur et dont le coût a fait l'objet d'un accord préalable.
Les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l'éditeur ou l'importateur.
Dans le cas où l'importation concerne des livres édités en France, le prix de vente au public fixé par l'importateur est au moins égal à celui qui a été fixé par l'éditeur.
[Loi du n° 85-500 du 13 mai 1985] "Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables aux livres importés en provenance d'un État membre de la Communauté économique européenne, sauf si des éléments objectifs, notamment l'absence de commercialisation effective dans cet État, établissent que l'opération a eu pour objet de soustraire la vente au public aux dispositions du quatrième alinéa du présent article."
Art. 2 - Par dérogation aux dispositions de l'article 37 (1°) de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, les conditions de vente établies par l'éditeur ou l'importateur, en appliquant un barème d'écart sur le prix de vente au public hors taxes, prennent en compte la qualité des services rendus par les détaillants en faveur de la diffusion du livre. Les remises correspondantes doivent être supérieures à celles résultant de l'importance des quantités acquises par les détaillants.
Art. 3 - Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 1er ci-dessus ne sont pas applicables aux associations facilitant l'acquisition des livres scolaires pour leurs membres.
Elles ne sont pas non plus applicables au prix de vente des livres facturés pour leurs besoins propres, excluant la revente, à l'État, aux collectivités locales, aux établissements d'enseignement, de formation professionnelle ou de recherche, aux syndicats représentatifs, aux comités d'entreprise, aux bibliothèques accueillant du public pour la lecture ou pour le prêt, notamment celles des associations régies par la loi du 1er juillet 1901.
Art. 4 - Toute personne qui publie un livre en vue de sa diffusion par courtage, abonnement ou par correspondance moins de neuf mois après la mise en vente de la première édition fixe, pour ce livre, un prix de vente au public au moins égal à celui de cette première édition.
Art. 5 - Les détaillants peuvent pratiquer des prix inférieurs au prix de vente au public mentionné à l'article 1er sur les livres édités ou importés depuis plus de deux ans, et dont le dernier approvisionnement remonte à plus de six mois.
Art. 6 - Les ventes à prime ne sont autorisées, sous réserve des dispositions de la loi n° 51-356 du 20 mars 1951 modifiée et de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, que si elles sont proposées, par l'éditeur ou l'importateur, simultanément et dans les mêmes conditions à l'ensemble des détaillants ou si elles portent sur des livres faisant l'objet d'une édition exclusivement réservée à la vente par courtage, par abonnement ou par correspondance.
Art. 7 - Toute publicité annonçant des prix inférieurs au prix de vente au public mentionné à l'article 1er (alinéa 1er) est interdite hors des lieux de vente.
Art. 8 - En cas d'infraction aux dispositions de la présente loi, les actions en cessation ou en réparation peuvent être engagées, notamment par tout concurrent, association agréée de défense des consommateurs ou syndicat des professionnels de l'édition ou de la diffusion de livres ainsi que par l'auteur ou toute organisation de défense des auteurs.
Art. 9 - Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à l'application, le cas échéant, de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 modifiée relative aux prix, à l'exception toutefois des premier et deuxième alinéas du 4° de l'article 37 de ladite ordonnance.
Art. 10 - Un décret détermine les modalités d'application de la présente loi aux départements d'outre-mer compte tenu des sujétions dues à l'éloignement de ces départements.
[Loi du n° 85-500 du 13 mai 1985] Art. 10 bis - "Un décret en Conseil d'État déterminera les peines d'amendes contraventionnelles applicables en cas d'infraction aux dispositions de la présente loi."
Art. 11 - La présente loi entrera en vigueur à la date du 1er janvier 1982, y compris pour l'ensemble des livres édités ou importés antérieurement à cette date.
Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 1er juin 1983, un rapport sur l'application de la loi ainsi que sur les mesures prises en faveur du livre et de la lecture publique.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.
Fait à Paris, le 10 août 1981.
Journal Officiel (11 août 1981 ; 14 mai 1985)
Il était sans doute normal que la loi Lang porte le nom du ministre qui en avait présenté le projet devant le Parlement, après s'être entouré de représentants qualifiés du domaine.
RépondreSupprimerCela aurait été bizarre, une "loi Lindon", non ? Un éditeur n'est pas un parlementaire (sauf en vis-à-vis sans doute avec un auteur !).
Jack Lang nous dit qu'il a été sollicité pour le ministère tout neuf de la Culture : il a su refuser ce hochet empoisonné, et "sa" loi, précieuse, demeure.
C'était bien l'avis de Mitterrand (François).
Mmmmh, disons que si la dénomination ne saurait être contestée outre-mesure, il ne faudrait pas pour en autant attribuer le mérite à ce ministre. Il y a eu bien des réunions avec les professionnels du livre lors de la gestation de cette loi. C'est en cela que je relativisais l'attribution du nom.
RépondreSupprimerQuant aux hochets que l'on distribue ça et là, vous nous avez donné à méditer sur le sujet dans votre blog, "Le Chasse-Clou", dont on retrouve le lien plus bas, ici et maintenant.