Le boulot, c'est l'boulot ! (Troisième partie)

Mais l’intérêt éditorial ne se résume pas dans les effets d’un couperet qui pourrait apparaître pour arbitraire pour certains. Il faut vérifier également à quel type d’édition nous avons affaire. Il faut ainsi prendre quelques renseignements sur le contenu et l’auteur. L’importance de ces renseignements sera en fonction de la valeur supposée de l’ouvrage ou de sa rareté. Il est évident que chercher des renseignements sur Gide ou Claudel nous semble un peu inutile. En revanche, si l’on possède quelque rareté du XVIIe siècle, peut-être est-il utile d’aller explorer quelques biographies et bibliographies. De même, une originale a plus d’intérêt qu’une réédition…
Vous devez examiner ensuite d’autres aspects éditoriaux de l’ouvrage et vous poser quelques questions à son propos :
- Est-ce une originale ?
- Est-ce un volume unique ou un tome dans une série ?
- Qui est le plus important : l’auteur ou le commentateur et le rédacteur de la notice ?
- Etc.
Ces examens préalables sont donc établis sous deux optiques : l’aspect éditorial et l’aspect matériel et peuvent prendre un temps à la mesure de la valeur et de la rareté du livre. Insistons encore : inutile de faire des recherches compliquées pour un livre que vous allez vendre six euros. Ce sens de l’économie se développe avec l’expérience et un peu de culture personnelle. Ces vérifications préalables – qui durent entre 2 minutes ou une journée entière – sont nécessaires, elles vont servir à l’établissement de la fiche du livre.
C’est à se stade qu’il convient d’utiliser votre logiciel :
- La première colonne dont vous aller vous occuper est une colonne « technique ». Elle est consacrée à la localisation de l’ouvrage dans votre stock. Ma librairie utilise des caisses normalisées, numérotées, entreposées sur des rayonnages métalliques. Chaque ouvrage est donc accompagné d’un numéro de caisse (ou de tiroir pour les choses fragiles et les revues) et permettra de retrouver la commande au bon endroit. On va donc placer dans cette colonne un code, numéros ou lettres, ou les deux. Cette colonne est personnelle, elle n’est pas prise en compte par les sites marchands.
- La deuxième est également technique, elle concerne le numéro de référence de l’ouvrage. Cela correspond exactement aux numéros de catalogues sur papier des libraires d’antan (quelques contemporains continuent d’en publier !) Il est évident qu’un tel numéro est un repère utile pour les commandes sur une liste très importante ou lorsque vous possédez deux titres identiques mais pas de la même édition et que ces truffes de sites ne vous donnent pas d’autre indication que le titre et l’auteur… Chaque numéro est unique et ne devra pas réapparaître par la suite. Cela tient ici à la structure de certaines bases de données qui gardent en « mémoire » les ouvrages vendus. N’angoissons pas trop nos ingénieurs informaticiens, voulez-vous ?
- Enfin, dans cette troisième colonne arrive ce qui est attaché plus directement au livre, c'est-à-dire le nom de l’auteur.
Pour ma part j’utilise la structure suivante :
Nom (Prénom)
Mais on peut utiliser d’autres structures comme :
Nom, Prénom
NOM, Prénom
NOM (Prénom)
J’évite le noms en majuscules car leur accentuation, fort possible en saisie, ralentit tout de même la frappe…
L’important est que vous gardiez le nom au début car le tri alphabétique s’en trouvera facilité.
Il arrive que l’ouvrage ne soit pas signé, on mettra alors la mention « Anonyme » à la place du nom de l’auteur ou « Collectif », si c’est le cas. De même, un livre peut être mentionné pour l’intérêt de celui qui a préparé le recueil ou les mélanges on fera suivre alors le nom et le prénom par un tiret par la mention Ed. (Édité par) ou Dir. (Sous la direction de.).
Ainsi on trouvera :
Martin (Henri) – Dir.
ou :
Martin (Henri) – Ed.
En gros, cette façon de faire suit les spécifications de fichage des bibliothécaires, bien que nombre de normes soient adaptées aux besoins du commerce de livre. Tout cela est simplifié. Il faut garder à l’esprit que la description d’un livre doit être directe, simple et évocatrice, elle doit donc recourir à un nombre limité d’abréviations pour ne pas en rajouter dans la confusion. Nous allons d’ailleurs le constater avec la colonne suivante.
- La quatrième colonne est entièrement vouée à la description physique du livre. C’est ici que vous aller synthétiser tous les renseignements que vous avez pu glaner sur son aspect : format, nature du brochage ou de la reliure, nombre de pages, mention du tirage sur beau papier, mention d’originale s’il y a lieu. C’est la rubrique la plus technique de la description ; elle fait appel à un nombre considérable d’abréviations que nous avons déjà largement évoqué dans les colonnes de ce blog. Après cette description « objective » vient l’énumération des défauts, à savoir les fentes, les manques, les rousseurs, les piqûres, etc. En définitive, cette description physique du livre se heurte grandement à des notions relatives. Tel livre considéré en bon état par le vulgaire pékin sera délaissé par le bibliophile, parce que, tout bêtement vous avez indiqué une minuscule fente sur le 1er plat de la couverture (2 mm et sans manque, mais cela suffit). Le Graal de la description parfaite est toujours dans les cartons. Bien évidemment, plus l’ouvrage est rare et cher, plus vous aurez à vous attendre à un mot vous demandant des éclaircissements, voire des photos de l’ouvrage, de la part d’un client potentiel. C’est le jeu de la vente par correspondance. Il n’est cependant pas possible d’y répondre tout le temps et de communiquer des clichés pour des petits livres… Nous ne ferions que cela. Quelques sites ont demandé par le passé de donner des descriptions non abrégées. Cette idée part du principe que les visiteurs sur les sites ne sont pas forcément au fait de ces abréviations. Outre que ces clients-là feraient bien de venir voir le blog du Tenancier, ces mêmes sites ont mis en place des petits glossaires. Il ne sera donc pas nécessaire de revenir sur des milliers de fiches déjà établies. Nous respirons. Par ailleurs, on voit assez souvent des appréciations sur la qualité des ouvrages, certains bouquinistes ou libraires ayant même codifié l’état de ceux-ci, comme dans la vente de disques par correspondance. Ainsi, plutôt que de voir des descriptifs plus ou moins détaillé des défauts éventuels, voyons-nous des mentions comme « état moyen », « bon état » « état neuf », etc. Si on peut à la rigueur se satisfaire de cela quand on a affaire à de la bouquinerie cela devient extrêmement léger dès qu’il s’agit d’aborder des livres un peu plus rares. Même un livre en médiocre état peut avoir ses chances, pourvu qu’il soit rare et une simple mention ne peut indiquer au futur propriétaire s’il pourra lui procurer une reliure et dans quelles conditions (tout monter sur onglets, faire un bradel ?), par exemple. Ces simples mentions, du reste ne recouvrent pas grand-chose, elle ne racontent rien et l’on se voit mal décrire une reliure du XVIIIe siècle avec ces manières de goujat.
On a déjà évoqué le délicat problème des formats, qui rentre dans cette partie descriptive. On n’y reviendra que brièvement ici. L’usage fait que l’on donne cette indication d’après le pliage originel de la feuille. Encore faudrait-il que nous connaissions le format initial de cette feuille… En réalité cet usage est abusif pour la plupart des ouvrages courants. Plutôt que de dire qu’un ouvrage est in-8° ou un in-12, on sera avisé de donner les dimensions en cm. ou même avec les deux mentions. Le Tenancier ne donne pas les véritables dimensions avec une règle et se réserve le charme de quelques approximations pour les ouvrages qu’il met en vente. Il sait bien qu’il a tort.
Cette partie descriptive du livre est donc la plus longue et la plus délicate. Elle exige que nous ayons examiné le livre sur toutes les coutures. Un manquement à cela nous expose à faire une description non conforme et donc peut nous entraîner à rembourser la commande d’un client mécontent. On reviendra un jour plus en détail sur les problèmes que peuvent poser la description technique d’un ouvrage.

(à suivre)

4 commentaires:

  1. Curieux, comme on peut parfois avoir l'impression que certains billets vous sont spécialement destinés…

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  2. Vous êtes gâté, George, ou... récompensé de votre diète vermotistique, allez savoir !

    Tenancier, le jour où je comprendrai l'intérêt d'indiquer un nombre de plis alors qu'on ignore le format original de la feuille dans laquelle on a plié, je vous devrai une fière chandelle !

    Je note votre formidable progrès concernant la graphie du in-12 (et non in-12°). Il y a des transmetteurs de savoirs qui ont la dent dure, et... ça marche ¿

    ArD

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  3. Quel beau boulot ! Merci Le Tenancier.

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  4. Adria, merci.
    George, l'occasion fait le larron.
    ArD, il avait une raison que j'avais explicité dans cette histoire de format. Ceux qui décrivent ainsi, comme moi, le font la plupart du temps "a vue de nez". Le pifomètre est un instrument moins efficace mais évocateur, un truc superflu et pas très utile comme le ° après la mention in-12 et qui n'y a rien à y faire. Mais le charme, mais l'habitude, mais l'humain... bref de ces choses qui contrarient un peu les dogmes et les règles mais qui ne les bouleversent pas, pas de quoi s'inquiéter en somme. S'il advient que l'on vous le reproche ou que l'on vous tance pour une broutille comme cela, la raison et la logique vous pousseraient à vous y plier.
    Mais c'est très chiant d'obéir...

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Ah oui, au fait... Le Tenancier ne répondra plus aux commentaires anonymes. Prenez au moins un pseudo.

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