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Un compte à rebours était enclenché, la mission 33 pouvait démarrer.
Foin du rebours, il fallait régler certains comptes, ah ça oui ! Une heure passa ; rien. Tandis que l’éclisse de l’heure 2 se dilatait, le silence ramollissait la douceur de la nuit. La fenêtre entrebâillée, l’air frais s’y insinuait sournoisement. Les choses de la nuit entamaient leur danse macabre, il fallait songer à leur tordre le cou pour… les régler avec efficience et diligence. Les certitudes de la nuit ont parfois la vie amère et donnent des migraines. Ces migraines qui ressemblent à un chapelet que l’on égrène les jours de souffrance, en boucle comme un Je vous salue Migraine, mère de tous mes maux, dans l’espoir fou que ces petites boules cèdent sous la pression des doigts et se brésillent. Une migraine qui deviendrait poussière.
La nuit chut. La pesanteur l’avait littéralement plaquée au sol… une flaque noire que le libraire en chambre enjamba allègrement. Cette journée-là, il rendrait hommage à son amnésie volontaire, c’était décidé. Le rayon de soleil agirait comme un torpeuricide. Enfin, du blanc. Il était sauf.
Le répit fut sec.
La migraine est obscène, elle s’infiltre dans la tuyauterie du parenchyme, se gorge dans la scissure de Rolando et suinte enfin dans le nerf ophtalmique. Flasque, visqueuse, tentaculaire, elle décharge, elle inonde, son incontinence est féconde. Le compte à rebours de l’agonie du libraire se déclenche. Des œillets de son corset cérébral s’extirpe une essence de vie. Il est exsangue.
Si près de la mort, la voie Céleste ne lui laisse pas le loisir d’observer la météo des anges. L’ascension verticale lui était désormais plus chère que l’exploration des voies latérales : plus de temps pour la radioscopie des creusets, le trépan et le scalpel étaient désormais les instruments favoris pour le débarrasser de la gangue des humeurs noires que cette migraine aura produites par la voie Fatale.

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C’était : La migraine ou l’antichambre du libraire.

Texte : Armelle Domenach
Illustration
: Sabine Allard

12 commentaires:

  1. De la migraine : "son incontinence est féconde" compense remarquablement l'absence de titre.

    (Quel talent !)

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  2. Ce texte est très joliment tourné.

    Je m'étonne simplement qu'il ne soit pas signé, ce qui est, avouez-le, aussi dommage pour son ou sa rédactrice que pour ses lecteurs ou lectrices.

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  3. On ne peut que répéter le titre du précédent billet.

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  4. En général, le Tenancier ne se mêle pas de publier des fictions. Mais ce texte singulier, anonyme de par la volonté de son auteur, tombait à un moment ou le dit Tenancier, victime d'une sévère migraine ophtalmique appréhendait de surcroit un petit épisode chirurgical. Tout de même la teneur de ce récit avait un parfum de sombre prémonition et le Tenancier avait hâte de rouvrir les yeux dans la salle de réveil...
    Il faut maintenant restituer le nom de l'auteur et la remercier ici vivement.
    On espère qu'elle reviendra de temps en temps faire un petit tour par ici.

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  5. Encore que, cher Tenancier, la proposition "L’ascension verticale lui était désormais plus chère que l’exploration des voies latérales" me fait plus penser à un rédacteur qu'à une rédactrice...
    Cela étant, une fois de plus, je dois certainement patauger dans l'erreur.

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  6. Cher Christophe, vous verrez la signature de l'auteur à côté de l'illustratrice. Signalons que je sollicite parfois des amis de ce blog pour parler de livres. Je constate avec grand plaisir que ces interventions sont toujours très suivies. C'est encourageant. On continuera.

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  7. Armelle Domenach09 mars, 2009 12:56

    Le bon sens opère comme un bistouri.
    Christophe, ne seriez-vous pas exciseur ?

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  8. rien d'autre que la souffrance... fait naitre de beaux recits...venant de l'etranger, s'arretant pour puiser de l'eau inconnue, fournissant un effort d'un chirurgien sauvant la vie...ces mots blessent plus qu'un scalpel.

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  9. Ces mots blessent plus qu'un scalpel... sans doute parce que la chair est déjà à vif. Certains souffrent, d'autres aspirent au sommeil, et puis quelques uns espèrent alors que l'objet de cet espoir est déjà loin, n'est déjà plus, peut être.

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  10. Woyteck de Varsovie10 mars, 2009 01:12

    rien que des mots...des mots...grand pouvoir et magnifique faiblesse de non acte ! Parler...
    immobilisation. Une profonde plongee pour echapper...a la vie terrestre.
    desole pas d'accents francais sur mon clavier
    afin d'exprimer ma virtuosite au piano !

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  11. Ce somptueux profil en masque de Carnaval, les confettis posés sur les camaïeux sourds conduisent à une effraction silencieuse dans une histoire au long cours, vue d'un télescope à vision serrée.

    En écho impérieux, ces quelques lignes d'un ouvrage que certains reconnaîtront, bijou noir de bibliothèque.
    "Voici mon ascension, et même si la paroi me plaque les jambes sous le menton ou pis encore, je ne me laisserai pas chasser du paradis, je suis dans mon souterrain dont nul ne peut m'exiler, on ne me fera pas changer de place, la tranche d'un livre me transperce les côtes, une plainte m'échappe, me suis-je soumis à la torture pour y découvrir l'ultime vérité ?"

    Comment découvrir les 32 missions précédentes ?

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  12. Armelle Domenach10 mars, 2009 17:45

    « Tout objet aimé est au centre du paradis terrestre,...» Lui, Hrabal, il était fort : il arrivait à voir Jésus et Lao-Tseu simultanément. Se dégager de la périphérie pour trouver son propre centre est déjà un vaste programme ! Foin des voies latérales, donc. Les 32 missions précédentes restent à écrire.

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