Adios Donald


Je n'ai pas tout lu de Westlake. Je n'ai pas rien lu non plus. Je ne lis plus beaucoup de polars, ça explique. Pas que j'aime pas. Pas le temps. Autre chose à lire, le plus souvent pour le travail. Et pour me reposer des mots, je feuillette des revues ou je relis des BD. Pas de quoi en être fier mais ça change les idées.
Westlake. Quand le père maquereau de cette turne m'a appris la nouvelle, ça m'a fait un coup. Et ça m'a fait revenir un bon paquet d'années en arrière. A Reims dans les années 1980, sais plus bien trop le numéro exact. Un festival du roman et du film policier (non, le truc n'a pas été inventé à Cognac !) organisé par le pote Baudou. Westlake était invité. La première fois qu'il venait en France, peut-être la seule. On le balade dans la ville avant de l'entraîner à la Maison de la culture André Malraux (elle est feue, maintenant, tout comme l'autre qui lui a donné son nom) où il devait présenter un film tiré d'un de ses roman. En anglais, bien sûr, il ne parlait pas un mot de français. Ou plutôt si : un, on verra plus bas. Reims, tout le monde sait ça ou du moins le devrait, a été détruite en quasi totalité pendant la guerre de 14 par les pets tonitruants de cette salope de grosse Bertha. Y compris la cathédrale. Paul Fort en pleurait, c'est pour dire ! Mais elle fut reconstruite. Et Westlake de commencer sa présentation en disant approximativement : "Je me suis promené dans la ville. Vous avez une petite église pas mal, dommage qu'elle ne soit pas finie." La cathédrale avait toujours des échafaudages quelque part pour restaurer un bout ou un autre. Moyen, peut-être, comme humour, il a fait mieux ailleurs, mais je souris toujours à l'idée qu'il pouvait avoir eu de la France et des Français grâce à sa seule journée rémoise. Un pays de feignants pas foutu de finir un truc pareil après l'avoir commencé si longtemps auparavant.
Après la projection du film, on le retrouva dans les couloirs de la MCAM qui signait des autographes. Je ne suis pas trop groupie ; je l'étais toutefois plus alors que je ne le suis maintenant. Je fis la queue. Jacques Baudou m'avait dit plus que du bien d'Adios Shéhérazade. Je délaissai alors les bouquins à couverture noire pour celui-là avec de la couleur en plus. Et Westlake me le dédicaça avec un grand sourire aimable en utilisant le seul mot de français qu'il connaissait. Je lus le bouquin quasi d'une traite une fois rentré chez moi. Un chef-d'oeuvre. Drôle et pathétique à la fois. Westlake avait dû mettre beaucoup de lui dedans. Les déboires d'un auteur de roman porno qui coince et ne peut plus écrire. Parce que ça ne l'intéresse pas. On le voit devant sa machine et on a droit à ce qu'il tape et qu'il va balancer illico. Ses hésitations de forçat de la plume, ses débuts foireux, ses phrases sans intérêt ou bancales. Et après il y a l'histoire, le roman. Je ne dis pas, faut lire. Si Westlake n'avait écrit que ce roman-là, il serait déjà un grand écrivain. Cerise sur le gâteau, il y a eu tous les autres... Un auteur vit toujours tant qu'on le lit. Westlake n'est pas prêt de mourir.


cls.

10 commentaires:

  1. "Un auteur vit toujours tant qu'on le lit. Westlake n'est pas prêt de mourir."
    Oui, c'est exactement ça. J'ai replongé illico dans un Dortmunder en apprenant sa mort. Parce que ça restera toujours un bon moyen de penser à lui joyeusement.
    Et oui, c'est un grand écrivain. Oh, il ne publie pas dans les "grandes" maisons d'édition les machins boursouflés et prétentieux que l'on tente de nous vendre comme de "grands" auteurs. Et beaucoup tordent le nez parce qu'il "fait du polar". Mais lisez Adios Schéhérazade, justement, Le couperet, Ordo, Levine ou d'autres. Oui, c'est profond, c'est intelligent, c'est sensible, c'est bien écrit. Et puis, ça doit être le côté polar, il y a des histoires qui tiennent la route. Et même ses ouvrages "rigolos", qu'il s'agisse des Dortmunder ou des autres. C'est pas simple, de faire rire avec des mots sur du papier. A moins d'être politique, mais là, c'est pas humoristique, c'est grotesque. Pour faire rire, il faut une vision acérée du monde qui vous entoure, une pointe d'ironie pour en déceler les absurdités, une bonne dose d'humanité pour en faire quelque chose qui fasse rire ou sourire. Lisez, vous verrez que cette recette n'est pas donnée à tout le monde.

    Otto Naumme

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  2. Malheureusement, je ne connais pas cet auteur...

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  3. L'ignorance n'est point un vice, surtout si l'on y remédie en compagnie de mentors comme cls et Otto Naume. Lisez donc "Adios Schehrazade" si vous le trouvez. Pour ma part, je réalise que je n'ai plus mon exemplaire. Va falloir que j'en retrouve un.

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  4. Cher Tenancier, je crois bien avoir Adios... en double, je me ferai donc un plaisir de vous l'offrir ! (si je le retrouve...)
    Pour une fois que ce sera vous qui recevrez un livre en colis postal, ça change, isn't it ?
    Pour UneVilleUnPoème, effectivement, il suffit d'aller dans une bonne librairie et de chercher. Les plus récents livres de Westlake ont été publiés chez Rivages. Il n'est jamais trop tard pour découvrir un auteur...

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  5. Cher Anonyme, ce serait avec grande joie ! Merci.

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  6. J'irais y jeter un oeil.
    Merci encore de votre sympathique message.

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  7. Oups, au fait, l'anonyme "généreux", il s'appelle Otto (d'autres fois, il s'appelle Atarte, mais pas aujourd'hui)...

    Otto Naumme...

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  8. Otto,

    Chaque fois que vous ferez un mauvais jeux de mots sur ce blog, je vous mettrai à l'amende d'un vers de Muscat de chez Henri.
    D'intenses libations se préparent...

    Le Tenancier

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  9. Sans problème. Un vers de douze pieds vous convient ? Ou un verre vert rempli de vers ?
    Pour le reste, no prob pour les libations, bien sûr !

    Otto Naumme

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