Luis Mariano aurait pu la faire...

Le plaisir qui distingue l’amateur de livres du libraire réside dans le fait que la culpabilité devient fort volatile lorsqu’il s’agit d’acquérir un livre. En effet, si l’amateur rogne sur les vacances et même sur le kilo de BF15 qu’il destine à ses enfants faméliques, le libraire, lui, n’a à se préoccuper que du contenu de son compte et du peu d’estime qu’il voue à son banquier, pour les plus aventureux.
Délivré de l’indignation familiale, de l’opprobre de l’Assistance Publique, redevable seulement à son éthique financière, le libraire peut entrer chez un confrère et acheter.
C’est ce que je fais. C‘est ce que je fis à Toulouse dernièrement.
Un petit dictionnaire de littérature a ainsi rejoint ma documentation. Il concerne les prosateurs du XIXe siècle et sera fort utile pour se renseigner sur quelques auteurs mineurs.
Et puis, le soussigné à fait l’acquisition d’un petit lot de revues :
6 numéros de La Lanterne
2 numéros du Diable à Quatre
On ne saurait dédaigner la prose de Rochefort, personnage fort en gueule, pamphlétaire, communard, déporté à « la Nouvelle », amant de Louise Michel, évadé dans d’épiques circonstances, devenu boulangiste et antidreyfusard. On se reportera à ses écrits pour plus de renseignements encore.


Sur les six numéros de La Lanterne, quatre ont été rognés d’une façon horrifiante, à tel point qu’une partie du texte d’un des numéros à été « tutoyée » (Sans manque, dirai-je dans ma notice)
Mais quelle est la raison de ce rognage éhonté ?
S’agit-il d’un ratage d’un relieur, par exemple, lequel ayant la mission de rassembler ces numéros en un volume unique et calibré, dérapa sous son massicot ?
On en doute.


En réalité cette pratique du rognage des ouvrages a perduré encore récemment. Ainsi, nous avons pu voir quelques exemplaires de la collection « Anticipation » aux éditions Fleuve Noir (La série « à la Fusée », pour les connaisseurs) entamés sur leurs tranches. Nous l’avons constaté sur des brochures populaires, ou très courantes à des époques antérieures.
Cet exercice était souvent pratiqué par des bouquinistes, contemporains de la production des ouvrages concernés. L’abondance et le peu de valeur – à l’époque – des ouvrages autorisait à ce que l’on rogne considérablement les fascicules, considérant que seul le texte importait. On rognait car l’on avait ni la patience ni le temps de nettoyer ces tranches.
Le recours au massicot était donc le plus simple.
C’est ainsi que le moitié de mon acquisition a senti le vent de la lame.
Il se trouve par ailleurs que chacun des exemplaires rognés porte sur son premier plat l’étiquette d’un libraire toulousain. Bien que placées bien bas, très proche des tranches, les étiquettes n’ont pas été coupées. On déduira que le libraire en question n’était pas étranger à tout cela et qu’il signa son forfait. On notera dans les images – circonstance aggravante – la maladresse insigne avec laquelle l’opération fut menée : rognage en biais et au mépris des proportions originelles…
Le fait est rare, d’autant que ces ouvrages ne restent pas longtemps en vie tant leur vice est flagrant. Reste que le temps répare un peu l’affront. La Lanterne se raréfie et l’on est toujours content de compléter une série, même avec un exemplaire bancal, en attendant mieux. Bien sûr, ces ouvrages de second choix ont une valeur moindre. Mais ils ont leur utilité, parfois.
Quant à Bompard, Libraire, rue des Balances, 38, à Toulouse, on ouvrira son caveau et l’on tournera son crâne en arrière afin qu’il contemple éternellement le forfait qu’il a laissé derrière lui.


Le titre ? Quoi, le titre ?
Ah oui ! Parce que :

Massicot, Massiiiicoooot, sous le Soleil qui chante hi !

Oui, bon, je sors.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les propos et opinions demeurent la propriété des personnes ayant rédigé les commentaires ainsi que les billets. Le Tenancier de ce blog ne saurait les réutiliser sans la permission de ces dites personnes. Les commentaires sont modérés a posteriori, cela signifie que le Tenancier se réserve la possibilité de supprimer des propos qui seraient hors des sujets de ce blog, ou ayant un contenu contraire à l'éthique ou à la "netiquette". Enfin, le Tenancier, après toutes ces raisons, ne peut que se montrer solidaire des propos qu'il a publiés. C'est bien fait pour lui.
Ah oui, au fait... Le Tenancier ne répondra plus aux commentaires anonymes. Prenez au moins un pseudo.

Donc, pensez à signer vos commentaires, merci !

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.