Dans ces dites période, la police établissait des rapports fort intéressants et qui peuvent servir désormais à faire une sorte de portrait particulier des lettres. Robert Darnton, dans son Bohème littéraire et Révolution – Le monde des livres au XVIIIe siècle (1983), reproduit quelques une des fiches de police établies quelques temps avant la Révolution. On ne résiste pas à l’envie de les montrer ici à notre tour.
CORSAS : « Avocat non inscrit sur le tableau, est propre à faire toutes sortes de vilains métiers. Chassé de Versailles et mis à Bicêtre [prison pour délits infâmes] par un ordre de la main du roi pour y avoir corrompu des enfants qu'il avait pris en pension, il est venu se retirer dans une chambre au quatrième étage rue Tiquetone. Corsas a fait des libelles contre M. de Brunville et a été lui proposer de découvrir ceux qui les lui ont fait faire. Il est d'intelligence avec un garçon imprimeur de l'imprimerie Polytype, lequel a été chassé des autres imprimeries. On le soupçonne d'y avoir fait imprimer des ouvrages obscènes. Il colporte des livres prohibés. Il se vante d'être soutenu par des conseillers au Parlement. » CARRA : « Est un méchant écrivain qui prétend avoir acquis beaucoup de connaissances dans les pays étrangers qu'il a parcourus en sortant d'une ville de province de France, où il a eu dans sa jeunesse un procès criminel pour vol avec effraction. Il est ivrogne. Carra fait des libelles et des projets; il va souvent à Passy chez un Américain insurgé [Franklin ?] ; il est en liaison avec Corsas, chassé de Versailles et mis à Bicêtre. » AUDOUIN : « Se disant avocat, faiseur de nouvelles à la main, colporteur de livres défendus, il s'est associé avec Prudhomme, Manuel et autres mauvais auteurs et colporteurs. Il est de tout métier; il sera espion quand on le voudra. » DUPORT DU TERTRE : « Qui fait solliciter un emploi dans les bureaux de la police, est un avocat peu employé au Palais, quoiqu'il ne soit pas sans mérite. Il n'a pu réussir à obtenir une place dans les Domaines. Il occupe un médiocre appartement au troisième étage. Il ne respire pas l'opulence. On en dit généralement du bien; il a une bonne réputation dans son quartier. » DELACROIX : « Avocat, écrivain, a été rayé du tableau des avocats. Il fait des mémoires dans de mauvaises affaires ; et quand il n'a pas de mémoires à faire, il fait de méchants ouvrages. » MERCIER : « Avocat, homme bizarre, farouche; il ne plaide ni ne consulte. Il n'est pas sur le tableau, mais il prend le titre d'avocat. Il a fait le Tableau de Paris en quatre volumes et autres ouvrages. Ayant peur de la Bastille, il s'en est allé, puis il est revenu, et il voudrait s'attacher à la police. » MARAT : « Hardi charlatan. M. Vicq d'Azir demande, au nom de la Société Royale de Médecine, qu'il soit chassé de Paris. Il est de Neuchâtel en Suisse. Beaucoup de malades sont morts dans ses mains, mais il a un brevet de médecin qu'on lui a acheté. » CHÉNIER : « Poète insolent et violent. Il vit avec Beauménil de l'Opéra, qui dans le déclin de ses charmes en est devenue amoureuse. Il la maltraite et la bat, au point que ses voisins rapportent qu'il l'aurait tuée, s'ils ne fussent venus à son secours. Elle l'accuse de lui avoir pris ses bijoux; elle le dépeint comme un homme capable de tous les crimes, et ne cache pas qu'elle a eu le malheur de s'en laisser ensorceler. » FRERON : « Qui n'a ni l'esprit ni la plume de son père, est généralement méprisé. Ce n'est pas lui qui fait l'Année Littéraire, quoiqu'il en ait le privilège. Il y emploie de jeunes avocats sans causes. C'est un insolent et un lâche qui a reçu bien des coups de bâton dont il ne se vante pas, et tout novissime de la main du gros Desessarts, comédien, qui dans une de ses feuilles avait été appelé ventriloque. Il est lié avec Mouvel, chassé de la Comédie pour fait de pédérastie. » PANIS : « Jeune avocat, suivant le Palais, protégé par M. le président d'Ormesson à cause des parents de Panis, qui sont ses fermiers, est employé par Fréron à l'Année Littéraire. Panis a pour maîtresse une femme flétrie par la main du bourreau. » |
LE TENANCIER : Libraire qui ne veut plus vendre de livres et qui s'en est brillamment expliqué. Il a une plume aiguisée. On le soupçonne fortement de sympathie libertaire quoiqu'il n'en fasse pas exagérément montre sur le blog qu'il tient aux couleurs de l'automne.
RépondreSupprimerSes différents lecteurs et commentateurs, qui semblent pour lui éprouver une bonne sympathie, sont à discrètement répertiorer.
Eeeeehhhh !
RépondreSupprimerJe veux bien vendre des livres, Bertrand ! Il y a intérêt.
(Mais je ne veux plus le faire dans une librairie de neuf...)
Mille excuses, Tenancier ! C'est vrai et je le sais bien...
RépondreSupprimerMais - positivons l'erreur - que cela vous rassure : : je n'ai donc pas la fibre policière.
Pour policer votre fibre, il vous faudra, Bertrand, laisser choir le « s » de George dans votre répertoire. Nous laissons à votre discrétion les affinités électives de ce commentateur avec l'un des grands auteurs de votre terre de cohabitation.
RépondreSupprimer_
ArD
J'ai laissé tomber le "s" par un petit ps à George, chère ArD...
RépondreSupprimerMais voyons voir :
Reymont, Gombrowicz, Stasiuk, Zbiegniew, Adam Mickiewicz , Rosa Luxembourg, Bertrand Redonnet ?
Il est des princesses qui font des ravages. Voyez la réponse au 7e commentaire de George ici.
RépondreSupprimerArD
Ah, Gombrowicz !
RépondreSupprimerJ'ai un gros problème avec cet auteur-là...N'arrive pas à rentrer dedans.
Peut-être mauvaises traductions et pour le lire dans le texte, un peu trop tôt quand même.
Si George passe par là...
Si je puis me permettre un conseil, cher Bertrand qui habitez dans cette Pologne toujours aussi dégombrowiczisée : Cosmos, de toute urgence ! Et puis La Pornographie, évidemment. Le reste viendra de soi…
RépondreSupprimerMais les traductions françaises sont toutes excellentes, donc ça ne vient pas de là.
Merci George..Je suivrai ce conseil-là.
RépondreSupprimerBien cordialement