A propos d'un exemplaire du Roret sur la reliure...

La petite rubrique de notre blogue qui consiste à retranscrire le vocabulaire technique du relieur à partir d'un manuel Roret a attiré une femme de l'art. Il s'agit de Sandrine Salières Gangloff. Elle possède un blogue extrêmement visuel que l'on vous invite à explorer. Laissons lui la parole à propos d'un de ses exemplaire du Roret...

Voici le petit topo sur ce livre dont je vous avais déjà parlé, vous promettant une description et l'histoire de ce livre, le relieur de Roret.
Pour l'histoire, je n'en sais pas grand-chose, mais pour ce qui est de la description matérielle, c'est un bonheur.
C'est la première édition en 1826, il me semble, mais il faudra vérifier. J'ai celle de 1927. Il mesure environ douze centimètre de  haut sur huit de large, de quoi tenir dans une poche. Son épaisseur est de deux virgule cinq centimètre. On dit d'ailleurs vingt cinq, c'est plus professionnel.
Sa couverture est en percaline usée, verte, petit mors toile, de travers, avec une dorure directe sur le dos, à l'or. Le titre est entre deux filetages et, il n'y a pas de filetage en tête et en queue du livre.
Tout cela, placé comme il le faut selon le compassage en vigueur à l'époque. Nous avons, d'ailleurs, toujours le même.
Je me suis interrompue quelques minutes pour aller le contempler.
Il est actuellement entre les deux tomes des Misérables de chez Victor Hugo …
Les plats sont en Annonay, du papier marbré fabriqué dans la ville du même nom. Un peu usé, juste ce qu'il faut pour le trouver lisse sous la main, toujours à portée de regard en cas de doute sur une façon de faire ou, un ordre d'étapes mélangées.
Il faut dire que la reliure d'un livre n'en compte pas moins de cent et notre relieur s'est employé à les faire toutes, du mieux qu'il pouvait.
La description de l'intérieur est des plus émouvante. Il y a dans ces "Roret", des planches et des croquis techniques qui sont souvent en fin de volumes. Là, notre relieur anonyme s'est piqué de découper chaque croquis et de le coller en bonne place, en face du texte explicatif. Il a même fait des commentaires et rectifié de recettes et des tours de main. C'eut été heureux si il n'avait pas massicoté le livre de travers et oublié de coudre quelques pages.
Un bout de texte manque, à peine, une pagination, un mot dans le titre en haut de chaque page, rien, vous dis-je, c'est à la fin. Rien de grave pour un apprenti relieur qui, sûrement, a mis beaucoup de cœur à l'ouvrage, comme je l'ai dit plus haut.
Le papier, hélas, est terriblement jauni, composition mécano chimique. Mais il tient encore. Le bois, la cellulose et la lignine contenus rendent le papier cassant par une acidification provoquée par la destruction des ponts d'hydrogène à l'intérieur de la composition moléculaire du papier, comme chacun sait … avec la lumière.
Les pages de garde sont neutres et volantes. Vraiment volantes puisqu'elles ne tiennent plus. La notion de garde volante en reliure correspond à la feuille de papier neutre qui est collé sur le plat intérieur et laissée libre côté livre-corps d'ouvrage. CQFD.
Il a trois cent quarante quatre pages et on peut lire la mention de l'imprimeur: "de l'Imprimerie Crapelet".
"Charles Crapelet était, à l'âge de dix-huit ans, prote et correcteur de l'imprimerie de Stoupe, l'une des plus considérables de Paris. Il devint bientôt un des imprimeurs les plus capables et les plus renommés de son temps. Il passait ordinairement une partie de ses nuits au travail, et était tellement esclave des devoirs que lui imposait sa profession, que le jour même de son mariage, vers minuit, il quitta la compagnie réunie à l'occasion de ses noces, pour aller corriger des épreuves qu'il savait être attendues par les imprimeurs.
M. G.-A. Crapelet succéda à son père, le 19 octobre 1809, à l'âge de vingt ans. On cite parmi ses éditions les plus importantes les Œuvres de Destouches et de Regnard, les Poètes français, les Fables de La Fontaine, la collection des anciens monuments de la langue française (en 4 vol. in-8°) : Ces éditions sont remarquables par les soins apportés à l'impression et à la correction. En 1837, il fit paraître le premier volume d'un ouvrage auquel il travaillait depuis longtemps, intitulé Études sur la typographie. Ce livre, qui fait honneur à M. Crapelet, comme littérateur, n'a jamais été achevé. Il a, en outre, publié trois petits volumes, sous les titres suivants : Du Progrès de l'imprimerie, 1836 ; Des Brevets d'imprimeur, 1840; De la Profession d'imprimeur, même année. En 1841, il a fait paraître sous ce titre : De la Profession d'imprimeur, une brochure dont la matière devait, suivant le plan primitif, entrer dans, le second volume des Études.
Vers la fin de 1841 l'affaiblissement de sa santé le força de partir pour l'Italie, où il est mort, après trente-deux ans de travaux assidus, sans laisser de fortune, son patrimoine entier ayant été consumé dans l'imprimerie : triste exemple des difficultés qui assiègent aujourd'hui la profession d'imprimeur, et que ne peuvent pas toujours surmonter le talent et le courage."
Il s'agit d'un texte copié-collé du site: http://www.textesrares.com/biblio/hlivr/crapel.htm
Bien revenons à notre relieur. Son livre est écrit par L. Seb. Le Normand qui était un aviateur- parachutiste, comme chacun sait aussi, et s'employa à nous compliquer la vie en écrivant un manuel de la reliure simple.
"Louis-Sébastien Lenormand (né le 25 mai 1757 et décédé en décembre 1837) est physicien et inventeur français, aussi bien que le premier parachutiste. Il est considéré comme le premier homme à faire une descente avec un parachute et est également connu pour avoir introduit le terme parachute (à partir du grec para - "contre", et Chute ). Après une chute d'un arbre avec deux parapluies modifiés, il améliore son invention et le 26 décembre 1783 il saute de la tour de l'observatoire de Montpellier devant une foule comprenant Joseph Montgolfier, utilisant un parachute de 14 pieds avec un cadre rigide en bois. La fonction initialement prévue pour son invention était de sauver les gens lors d'incendies d'immeuble. C'est André-Jacques Garnerin qui a fait le premier saut à haute altitude à l'aide d'un parachute non rigide.
Lenormand, fils d'un horloger, est né à Montpellier en 1757. De 1775 à 1780 il a étudié la physique et de chimie à Paris avec comme professeurs Lavoisier et Berthollet, il s'est également impliqué dans l'étude du salpêtre. Il a appris de l'utilisation du savoir scientifique et mathématique dans la production de la poudre à canon. De retour à Montpellier, il a travaillé dans la boutique de son père tout en se plongeant dans la communauté intellectuelle de la ville et commença ses expériences avec le parachutisme, inspiré par la performance d'un équilibriste thaïlandais qui a utilisé un parasol pour l'équilibre. Avant d'effectuer le saut en public depuis l'observatoire, Lenormand a testé son parachute sur des animaux. "
C'est l'article de WIKI, que je copiecolle. Cela vaut ce que cela vaut.


Là où c'est amusant : Il se trouve qu'à la même époque ou on m'a offert ce livre, je reliais un carnet d'un lieutenant de la première guerre mondiale qui, ayant été fait prisonnier, pour ne pas devenir dingue, a reproduit de mémoire l'intégralité des étapes de la reliure, plus quelques dessins techniques de maquettes d'avions et des schémas d'électricité. Mon esprit vagabond a aussitôt décidé qu'il s'agissait là d'un plan d'évasion pour sauver les étapes de la reliure de cette guerre très moche.
Je vous envoie quelques photos pour que vous puissiez de vous-même mesurer l'ampleur de ce livre que j'aime par-dessus tout. C'est de la grande tendresse pour un homme qui bien avant moi, a eu tant de passion pour relier son livre, un livre sur la reliure relié de travers par un relieur qui a pourtant tout fait pour apprendre son métier à la perfection, tant et si bien, qu'il a eu le soucis d'en corriger certaines parties … On ne peut pas être au four et au moulin : Lire en travaillant et en plus donner beaucoup d'attention à ce qu'on fait. Il faut choisir. Notre homme a choisi.


Il n'a pas de tranchefiles. Ni de signet. Une écriture patte de mouche orangée, discrète, orne les marges, parfois les têtes de chapitre.
Voilà. Je crois que j'ai tout dit.
Peut être manque-t-il la description codicologique pour parler de lui comme il se doit.
Une autre fois peut être.
Bien à vous,

Sandrine

1 commentaire:

  1. Ou comment donner de la poésie à un sujet qui pourrait ne pas vraiment en distiller en temps normal...
    Merci pour ce bel et bon texte, chère Sandrine !

    Otto Naumme

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