Les Estienne — Chapitre I, première partie

« Les Estienne exercèrent de 1503 à 1629, c'est-à-dire sous les règnes de Louis XII, François Ier, Henri II, François II, Charles IX, Henri III, Henri IV et Louis XIII. Leur renommée tient plutôt à leurs éditions soigneusement expurgées et d’une correction rare qu’aux progrès qu’ils firent faire à l’art typographique. »
Quoi qu’il en soit, on ne saurait écrire un ouvrage à l’honneur des célébrités de l’atelier sans mentionner cette famille qui, pendant trois générations, consolida et développa en France l’œuvre de Gutenberg.
Mais, avant d’esquisser le portrait de ces ouvriers illustres, nous avons à raconter brièvement l’invention même de l’imprimerie.
« L’imprimerie, dit M. Louis Figuier dans son livre des grandes inventions, c'est-à-dire l’art de multiplier rapidement et à bon marché les copies d’un même livre et de rendre ainsi accessible à tout le monde les produits de l’intelligence et de la pensée, a été découverte et mise en pratique au milieu du XVe siècle. On ne saurait rapporter à aucune époque antérieure l’origine de cette invention immortelle, car les Chinois et quelques autres peuples, auxquels on a voulu l’attribuer, n’ont jamais fait usage que des moyens de reproduction qui servent à obtenir des estampes.
» La mobilité et la fonte des caractères sont le fondement de l’imprimerie. Or, ce n’est qu’au milieu du XVe siècle, vers 1450, c'est-à-dire quarante années avant la découverte de l’Amérique, que les caractères mobiles et la fonte de ces caractères ont été imaginés.
» Avant le quinzième siècle, l’imprimerie était inconnue ; on ne se servait que de manuscrits, et voici comment s’exécutaient ces manuscrits qui, en très-petit nombre, composaient les bibliothèques des universités, des cloîtres et des châteaux :
» Le librairie qui était un homme instruit en toutes sciences, confiait au copiste les manuscrits à reproduire.
» Le parcheminier préparait les peaux douces, reluisantes et polies sur lesquelles l’écrivain exécutait son travail.
» L’artiste rehaussait les pages du manuscrit de peintures et de dorures.
» Le relieur réunissait les feuilles du livre qui revenait dès lors, à l’état d’achèvement, entre les mains du clerc-libraire.
» On comprend, d’après les opérations multiples que nécessitait son exécution, qu’un livre constituât à cette époque un objet rare et précieux. On le serrait dans un coffret richement sculpté, ou bien on l’attachait, au moyen d’une chaîne, au pupitre de lecture. Beaucoup de ces manuscrits valaient plus de six cent francs de notre monnaie. Ils avaient pourtant fini par rendre peu de services, car les copistes multipliaient tellement les abréviations que les savants eux-mêmes avaient quelquefois de la peine à les lire.
» Dans les premières années du XVe siècle, le désir de s’instruire devenant de plus en plus général et le prix élevé des manuscrits étant un obstacle insurmontable à la satisfaction de ce désir, on eut l’idée de graver sur une planche des bois des cartes géographiques, des figures de dévotion, etc., que l’on accompagnait d’une courte légende explicative. On recouvrait ces planches d’encre grasse et l’on appliquait dessus des feuilles de parchemin ou de papier, sur lesquelles on transportait par la pression les signes gravés sur bois. Peu à peu la légende ainsi gravée augmenta d’étendue, et on finit par reproduire, grâce à ce moyen, des pages entières.
» Ce mode primitif d’impression tabellaire fut, dit-on, connu des Chinois dès le XIIIe siècle de notre ère. Mais ces simples tables de bois sculptées ne sauraient être considérées comme les débuts de l’imprimerie qui, ainsi que nous l’avons déjà dit, a pour base essentielle la mobilité des caractères.
» Dans la première moitié du XVe siècle, un artiste hollandais, Laurent Coster, inventa, à Harlem, le procédé d’impression en caractères mobiles fondus dans un moule.
» Gutenberg (1) perfectionna et rendit pratique ce procédé d’impression auquel il fut initié à Harlem, par Coster lui-même. »
(A suivre)
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(1) Jean Gutenberg naquit à Mayence en 1400 d’une noble et ancienne famille. il passa une partie de sa jeunesse dans la maison paternelle. Cette maison était décorée de sculptures et d’ornements allégoriques selon l’usage des imagiers en pierre du moyen-âge. Au dessus de la porte principale était sculptée la tête d’un taureau colossal avec cette inscription : Rien ne me résiste. Cette devise devint celle de Gutenberg. N’est-elle pas aussi celle de l’imprimerie ?
Gutenberg avait quinze ans lorsque la mort de son père, le laissant libre de suivre sa vocation qui le poussait à sa découverte, il quitta Mayence pour aller s’établir à Strasbourg.

Les célébrités de l'atelier - Ouvriers et inventeurs (1887)

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