Ponctuation pour le net

Décidément, les habitués de ce blog donnent matière à réflexion à votre Tenancier. A croire que certains craignent qu’il se dessèche et décide spontanément de fermer le blog pour faire je ne sais quoi, par exemple fabriquer des petits livres idiots. Qu’on se rassure. Le Tenancier préviendra. Du moins il vous le fera croire pour se faire plaindre.
Il aime ça.
Ici, c’est un échange avec ArD qui l’a un peu amusé. Il s’agit d’un article paru sur le blog du Huffington Post et signé par Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, qui se plaignait que les textes publiés sur les éditions en ligne ne respectaient pas vraiment les règles typographiques en usage dans la presse et l’édition. Tel point d’interrogation n’était pas nanti de son espace, de même pour les guillemets, lesquels ne sont d’ailleurs point français (« & ») mais à la saveur anglo-saxonne ( "&" ). On peut effectivement se désoler de ces lacunes dans la reproduction en ligne de textes français. Comme Antoine Compagnon le souligne si bien, la bonne ponctuation fait partie intégrante de la compréhension de notre langue écrite et on se sent en harmonie avec cette assertion. Cela dit, c’est tout de même un peu méconnaître les contraintes qui ont présidé à l’élaboration du net, c'est-à-dire le souci d’établir des normes internationales pour la communication de données scientifiques — à l’origine — avec un langage comportant quelques signes codés ainsi que des balises invisibles désormais pour le profane. Tout ceci était bien frustre et ne s’embarrassait pas de la moindre nuance. Nous étions dans le domaine des données brutes. On fait bien sûr allusion au langage html. A l’origine, ce langage n’était pas prévu pour s’accmmoder d’un traitement de texte ni d’une mise en page élaborée. Cela dit, le progrès a fait rage en la matière et je puis aisément rédiger un texte en atténuant les défauts inhérents à ce langage, même si l’espace insécable semble encore une chimère lointaine. Ainsi, ce fameux guillemet français peut être facilement reproduit par les différents codes à notre disposition (voir en annexe). Alors, il semble quelque peu démesuré de vouloir accuser l’influence anglo-saxonne même jusque dans l’inattention ou l’impéritie de ceux qui reproduisent les textes. On ajoutera encore qu'il n'y a pas si longtemps, il n'était pas possible de créer un texte justifié sous ce format. On est cependant d’accord avec la conclusion de l’article, le net en la matière est le royaume de l’à-peu-près en matière typographique. On soulignera par ailleurs que cela ne fut pas créé par les typographes. Nous le regrettons.
Mais c’est comme ça.
Cela constaté, il est toujours possible de ruser un peu et d’avoir recours à d’autres supports que des mises en pages balisées, comme le xml ou le html. On peut citer un format très courant en la matière qui est le pdf… A partir de cela, il faut bien entendu avoir le bras séculier et le glaive vengeur dès lors que l’on y constate des déshérences en la matière : « Droit au cœur mais épargnez la tête », bien sûr.
Toutes ces considérations m’ont rappelé la réflexion d’Yves Perrousseaux dans son Manuel de Typographie française élémentaire :

La dactylographie mécanique qui, à la fin du XIXe siècle, a pris le relais de l’écriture manuscrite des secrétariats (on était alors « employé aux écritures »), offrait alors très peu de possibilités d’expression au texte tapé : majuscules, minuscules, le souligné et le rouge du ruban en tissu. En fonction de ces limites, se sont élaborées des règles particulières (qui sont encore trop souvent la base de son enseignement) et qui n’ont jamais rien eu à voir avec les règles typographiques pratiquées chez les imprimeurs, élaborées à la Renaissance et perfectionnées au fil des siècles dans le but de traduire les particularismes du français afin que tout le monde les comprenne et les prononce de la même façon.
[…] Aujourd’hui, en PAO, les opérateurs travaillent sur des logiciels qui fonctionnent en mode typographique. Il est alors tout à fait logique que, par méconnaissance de la typographie et de la mise en page, ils soient naturellement portés à s’en servir comme en dactylographie, et parfois même avec ingéniosité. Et c’est le piège classique, car il ne s’agit pas de réaliser sur ordinateur une espèce de dactylographie améliorée »

On se complaît, à la lecture de ce bout de préface, à faire le parallèle face à cette problématique qui existe entre les langages balisés pour le net d’une part et les exigences typographiques que l’on est en droit d’attendre de sites de presse par exemple, d’autre part.
On ne conclura pas sur ces choses évidentes. On se dit seulement qu’Antoine Compagnon se trompe sans doute de combat en la matière. Du moins pour le moment.



Ici, l’article d'Antoine Compagnon sur Huffington Post
, la page de codage de certains signes typographiques et autres
Par ici le site de Yves Perrousseaux
Et par La part de l’Ange pour ne pas mourir idiot.

9 commentaires:

  1. Vous me croirez sans doute victime moi aussi d'acribie, cher Tenancier, mais de même que rien n'empêche Antoine Compagnon d'insérer dans son article des tirets-cadratins (avec des espaces, même si les fines lui sont inaccessibles) plutôt que les traits d'union dont il se sert pour ses incises, il me semble qu'un billet d'une telle teneur devrait respecter les règles élémentaires de l'orthographe — l'accord en nombre des substantifs, pour le moins.
    Pardonnez-moi, mais « les guillemet »…

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  2. Corrigé, George.
    Je crois que ce qui empêche Antoine Compagnon d'insérer ces signes typographiques réside dans le fait que ce n'est pas lui qui met en ligne mais que c'est confié à un webmestre, lequel doit travailler soit avec un gabarit pré-défini non par le directeur artistique mais le fabricant du logiciel ou bien encore que ce dit webmestre ne connaisse pas du tout les conventions typographiques...
    A ce titre, Antoine Compagnon a tout à fait raison d'être mécontent, mais ce serait plutôt à ce qui tient lieu de rédac chef technique pour le site du Huffington Post qu'il devrait se plaindre.

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  3. J'arrose le Tenancier comme une orchidée, avec acribie et alacrité dans l'espoir qu'il persiste à fleurir et bourgeonner.

    A. Compagnon a tout à fait raison de dénoncer cette forme d'impéritie qui consiste à ne pas régler sa moulinette sur le mode de composition en langue française. La moulinette a dû rester scotchée sur l'américain du Huffington Post.

    Et vous, cher tenancier, vous avez raison d'indiquer La Part de l'ange en note de bas de billet, cela me permettra peut-être de liquider mon stock (!)
    __
    ArD

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  4. Pardonnez-moi, mais les - pour les —...

    ArD

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  5. ArD, je vous ai mis deux beaux ponts d'envol pour porte-avion à la place. L'amiral Isoroku Yamamoto le 7 décembre 1941 ne les aurait pas désavoués, je vous assure.

    Bon, vous en avez fini avec les « Pardonnez-moi » ?

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  6. 6 Zéros, balle au centre !

    ArD

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  7. Compliments, ArD !
    Après celle-là, Otto et George vont avoir du mal...

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  8. Tiens, tiens, le grand retour des amiraux de la Seconde Guerre mondiale sur ce blogue !
    On n'en avait plus entendu parler depuis la première saison du Mystère, il me semble…
    Encore une perle à rebours ?

    Bon, c'est pas tout, ça, mais faudrait voir à raccmoder ce "s’accmmoder"…

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  9. Pardonnez-moi, mais « frustre »...

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