Il y a quelques jours, notre ami SPiRitus nous communiquait l'avis de parution suivant :
« Édité par les Ames d’Atala : Histoires hétéroclites, suivi du Destructeur.
Ces textes de Remy de Gourmont, réunis par Ch. Buat et M. Lugan, — et postfacés par ce dernier, — ont pour commun d’avoir connu une édition pré-originale, journal ou revue, et de n’avoir jamais été, — à quelques exceptions près, — recueillis par la suite. L’ordre suivi est chronologique, sauf pour sept textes révélés être les chapitres d’un roman inédit, — et incomplet : le Destructeur. »
Outre le très grand intérêt de cette édition, il nous apparaît que la description de l'ouvrage - du moins son contenu - manquait quelque peu d'esprit de synthèse. On le comprend, du reste, tant la description peut faire partie ici de l'argumentaire de vente de l'ouvrage. Le modeste bibliographe, le libraire paresseux, le bibliophile fatigué, eux, marqueront tout simplement : Édition collective en partie originale. .
Le terme signifie exactement ce que voulait nous dire SpiRitus : un recueil de textes dont certains furent déjà publiés séparément (on ne compte pas la parution en revue, qui n'est pas une originale mais une préoriginale) et d'autres inédits. Si ce recueil avait été constitué uniquement de textes en première édition, on aurait indiqué : Édition originale collective. Dans le cas de textes déjà parus précédemment, on aurait simplement utilisé le terme d'Édition collective. La recherche de premières éditions n'est pas forcément liée au fétichisme du livre lui-même. En effet, les éditions successives ont pu subir des variantes et des repentirs. De même, l'assemblage de divers textes peut conférer à l'ouvrage une cohérence et un sens que ne lui avaient pas donné ces textes publiés séparément.
Le champion toute catégories de l'édition collective fut sans aucun doute Paul Valéry. Cet auteur fut à la tête d'un production littéraire honnête, sur le plan de la quantité... Mais lorsque l'on contemple la bibliothèque d'un amateur de l'auteur, lorsque l'on regarde sa bibliographie, c'est l'avalanche ! Ainsi, plusieurs éditions successives d'un même texte présentaient à chaque fois une particularité faisait que le contenu pouvait être recyclé presque indéfiniment, qu'il fut publié séparément, avec un autre texte, avec deux autres textes (toujours en plaquette) en recueil, en livre illustré, en nouvelle édition corrigée, ensuite republiée avec un autre écrit, celui-ci en originale, puis de nouveau en recueil... Et n'oublions pas qu'à l'époque chaque édition était susceptible de présenter au moins trois type de tirages sur beau papier. On se représente sans peine ce que pouvait représenter « l'entreprise Paul Valéry »... Le phénomène fut dénoncé à l'époque par Galtier-Boissière, qui évoque cet épisode avec verve et truculence dans son Journal.
Bien naturellement, l'exemple ci-dessus illustre assez bien les dérives et les outrances d'un système éditorial qui ne fut guère qu'une machine à recycler et qui embarrasse désormais les libraires lorsqu'ils sont confrontés à un livre de Valéry. Il savent que les vérifications dans les bibliographies sont indispensables... et que les erreurs peuvent parfois arriver.
Si l'un des lecteurs de ce modeste blog tombe un jour sur une notice dans laquelle il trouve les abréviations : « Ed coll. En partie Orig. », « Ed. Coll. » ou bien « EO coll. » ou d'autres variantes encore, il saura que le volume est donc constitué de textes en première édition, pour leur totalité ou pour une partie d'entre eux, rassemblés pour cette édition : mélanges, recueil, anthologie, selon qu'il s'agit d'un auteur unique ou d'une production collective...
Cher Tennacier, vous écrivez qu'un libraire paresseux marquerait « Édition collective en partie originale ». Qu'écrirait donc un libraire laborieux ?
RépondreSupprimerLe reste est fort instructif ; toutefois la notion d'édition collective m'échappe dans le cas présent puisqu'on a affaire à un auteur unique : Gourmont.
N'aurais-je pas bien compris ?
ArD
Un libraire laborieux reprendrait une explication comme SPiRitus, laquelle est fort instructive et très complète, ArD.
RépondreSupprimerPour la notion "d'édition collective", reportez vous au dernier paragraphe, vous verrez que l'on parle de ces texte comme d'un ensemble et qu'il n'y aucune raison que cela ne s'accorde pas à la collection - dans le sens d'une réunion d'objets - de différents textes pour en faire un volume. On pourrait éventuellement parler de compilation, d'oeuvre "compilative", pourquoi pas. Mais la notion usitée me semble conforme à son usage étymologique.
Oui, c'est parfaitement et fort opportunément instructif, cher Tenancier, professeur selon mon coeur et mon esprit. Comme elle est plaisante la science du livre ! Et il est juste et bon de citer Gourmont, qui fut un bibliophile averti, c'est-à-dire un auteur/concepteur de beaux livres, et rares, qui ne manqua jamais l'occasion de discuter le détail.
RépondreSupprimerLa couverture de ces HISTOIRES HETEROCLITES me plaît beaucoup. J'attends avec impatience la parution de cette "édition collective en partie originale", qui s'ajoutera "monstrueusement" à mon double-rayonnage gourmontin.
Merci. J'avais bien lu le dernier pargraphe, mais parler d'édition collective aussi bien pour un auteur unique que pour une production collective prête à confusion. Mais je ne prétends pas révolutionner le vocabulaire des libraires, quoique « édition plurielle » dans ce cas...
RépondreSupprimerArD