Où le Tenancier se fait plaisir avec des trucs qui ne font pas plaisir — Où le Tenancier s'interroge — Où le même finit par un adage

Ceux qui fréquentent ce blog savent combien il est peu destiné à s’occuper de critique littéraire. Il y a assez de monde comme cela pour s’intituler critique ou connaisseur de la chose sans qu’il y ait besoin d’en rajouter comme cela — Cela ne m’intéresse pas, je n’aime pas être ridicule. Il faut toutefois le rappeler de temps en temps : ce qui nous intéresse ici est le livre, enfin une certaine conception du livre, assez informelle, ma foi. Ce n’est pas une raison pour déroger parfois à cela lorsque quelques évidences nous sautent aux yeux ou bien lorsqu’une imprudence est formulée avec la candeur dont sont capables parfois les cuistres qui sévissent sur la toile. Me voici a défendre ci-dessous une personne avec laquelle je n’ai aucune affinité tant littéraire qu’idéologique, à justifier les choix d’un éditeur pour lequel je n’ai aucune ambition de faire plaisir, ne le considérant d’ailleurs pas comme un ennemi non plus. Me voici donc à jouer l’avocat du diable et pas simplement parce que le paradis que l’on veut me vendre me semble frelaté.
Vous avez donc pris connaissance ici d’un billet précédent qui doutait de la sincérité d’un éditeur à propos de la réédition pour son propre compte d’un ouvrage dont les droits étaient détenus par un autre. Cette histoire entre François Bon et les éditions Gallimard ont fait le tour de la toile, à propos du Vieil Homme et la mer. Si vous avez fait le tour, vous conviendrez peut être qu’il n’est pas nécessaire de revenir sur ces questions. Cependant un autre aspect de la polémique s’est fait jour très rapidement : la traduction vendue par Gallimard serait mauvaise, celle de François Bon serait meilleure et partant devrait absolument remplacer celle, obsolète, de Jean Dutourd. Dans l’esprit des thuriféraires de Bon, il semble même que Gallimard devrait être contraint d’accepter sans ciller le travail de Bon, celle-ci n’ayant aucunement besoin de révision. Par ailleurs, la traduction vieillie de Dutourd ne serait pas à la hauteur de l’oeuvre de Hemingway quoique, au dire d’autres, Le Vieil Homme et la mer ne vaut guère tripette, tout ceci étant surestimé, sans doute par la malice des éditions Gallimard, pourquoi pas… En attendant que tout se beau monde s’accorde là-dessus, rapportons que Dutourd fut directeur littéraire – il avait trente-deux ans – à l’époque de la parution du livre. Certes, cela ne donne guère de gages pour la qualité de la traduction. On aura tout de même quelques doutes favorables quant à la pérennité de son travail si l’on songe que ses petits camarades de jeu s’appelaient Dominique Aury, Jean Paulhan, Maurice-Edgar Coindreau et bien d’autres encore. Il va sans dire que, admettant qu’il ait pu rendre un travail médiocre auprès de l’éditeur, quelques corrections auraient été apportées à ce travail, sachant par ailleurs que la direction de la Collection Du Monde Entier chez Gallimard était collégiale, si l’on peut dire. Ainsi, critiquant Jean Dutourd au travers de cette traduction, il se pourrait fort bien que ce soit le triumvirat cité plus haut que l’on met en cause. C’est que la chose n’est point si aisée, pas tant qu’on voudrait nous le faire croire. Un travail de traduction n’est pas qu’un labeur solitaire – surtout à la maison Gallimard dans les années 50 – le travail de relecture existe, les correcteurs également, une traduction ne passe pas automatiquement de la copie à l’imprimeur. Qui a relu François Bon ? Dutourd, lui, a sûrement trouvé Coindreau ou Aury sur son chemin. Nous n’avons aucune preuve de ce que nous avançons ici de ce côté du clavier, mais ce serait une erreur de porter crédit à la fable du créateur solitaire dès qu’il s’agit d’éditer un ouvrage qui était programmé pour devenir un best seller, ambition avouée par Hemingway, tout comme cela fut le cas pour Steinbeck avec La perle. Il s’agissait donc de ne pas se rater devant un succès annoncé. En vérité on peut même se poser la question de la réelle paternité de la traduction de ce livre. Mais si l’on veut faire le pari d’une forfaiture complète et non d’une assistance plus qu’amicale on se retrouve de nouveau devant l’ombre du traducteur de Faulkner, Steinbeck, Capote, etc. Qui veut prendre le risque d’affirmer la supériorité d’un François Bon face à ce que nous subodorons comme une entreprise multiple et plutôt talentueuse ? Nous émettons donc de sérieux doute sur les jugements catégoriques qui voueraient la traduction de Dutourd à un oubli définitif.
Certes, cette traduction a vieilli. Sans doute aussi parce que le style d’Hemingway dans sa langue originale a pu vieillir également au même rythme. Le problème peut se poser d’une façon plus cruciale pour d’autres œuvres, tel Capitaine des Sables d’Amado dont la traduction argotique française est devenue quasiment illisible. Mais l’argot de la langue originale n’a-t-il pas vieilli de son côté ? Que doit-on faire ? Laisser filer lentement l’œuvre dans l’obsolescence, opérer sur le texte d’une manière chirurgicale, tout revoir de fond en comble ? Au dire de certains autres lecteurs, il faudrait d’emblée écarter la traduction de Bon, pas si excitante que cela. Il en est donc qui ont lu cette traduction. C’est inespéré, étant donné que Publie.net avait déclaré n’en n’avoir vendu qu’une vingtaine. Il serait donc de la responsabilité de l’éditeur d’en proposer une autre. Il se trouve que – et c’est chose vérifiable en mettant le nez dans son catalogue – Gallimard propose de nouvelles traductions, souvent en rapport avec les suites d’une édition en Pléiade, souvent au format poche. On peut sans doute, au jour de cette affaire, augurer d’une nouvelle traduction par un véritable professionnel. Cela existe encore, semble-t-il. Encore une fois, on peut faire l’économie de Bon qui, dans cette affaire ne semble pas – malgré ce qu’il peut en dire – avoir agit par des motifs purement éditoriaux. En effet, il nous apparaît ici que nous avons affaire à une sorte de coup de pub et non de l’exploitation raisonnée d’une œuvre dont on doute qu’elle pourrait contribuer à la subsistance de cet éditeur puisque tant de livres se trouvent d’occasion à un prix dérisoire (0,90 €) sur des sites de vente en ligne et certainement à moins cher ici et là. Le lecteur lambda se moque souvent de l’identité du traducteur et ces révisions, même lorsqu’elles sont nécessaires, ne touchent qu’un public assez restreint, en général (on songe ici à l'exemple de Sous le volcan, de Lowry). A partir de là, seule l’emporte la raison économique, à moins de viser une clientèle captive. La raison sentimentale de cette traduction, évoquée publiquement par François Bon est digne de la Veillée des chaumières, on s’abstiendra par charité d’en commenter la substance plus avant. Par ailleurs, on n’a pas connaissance des talents professionnels de celui-ci dans le domaine de la traduction qui, à nos yeux n’est pas qu’une occupation de dilettante. Suggérons-lui — parce que nous connaissons la qualité de son travail et en avons bénéficié — quelqu’un comme Didier Pemerle, par exemple. Mais il a le choix par ailleurs, un choix très vaste. Il suffit d’y mettre le prix, élément qui différencie le bricoleur du professionnel.
Cela dit, nous attendons vivement une lecture comparative par des traducteurs, cela ferait sans doute avancer le débat.
Mais cette « responsabilité » de Gallimard est-elle réelle, doit-on se préoccuper tant que cela d’une nouvelle traduction ? Peut-être est il préférable de laisser vieillir cet ouvrage tranquillement… et que tout le monde s’occupe enfin de littérature.
Ce ne serait pas trop tôt.

Encore quelques remarques :
— Reprochant à Gallimard de diffuser une traduction obsolète, certains réclament même de la remplacer immédiatement par une autre — de préférence celle de leur champion. C’est confondre ici le métier d’éditeur avec celui de service public et être singulièrement déconnecté de certaines réalités…
— On a également reproché à Dutourd la nature de ses opinions, comme si cela avait une influence sur la qualité de son travail, inférant sans doute que l’on ne fait jamais meilleure littérature qu’en étant de gauche. On en rit encore. On l’a traité ici même de « vieux mondain ». A ce compte-là, j’aurais bien aimé faire partie de cette exquise mondanité qui le contraint à rencontrer Bachelard, peu avant son entrée chez Gallimard. Certes, Dutourd était devenu le vieux con que l’on sait. Pour autant, et heureusement pour nous tous, on voit mal comment un tel jugement peut être fait sur ce qu’il était devenu et non ce qu’il fit à l’époque. A ce compte, ce serait juger le Rochefort communard à l’aune du boulangiste qu'il devint, dans un registre plus extrême… C'est sans doute la vérification de l'adage qui dit que « lorsque l'on veut, on peut » !
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C'est arrivé plus vite qu'on l'espérait : merci à Grégory Haleux, de Cynthia 3000
de s'être livré au petit jeu des comparaisons en ouverture des commentaires.

45 commentaires:

  1. J'ai commencé une étude de la trouduction de François Bon. Il n'y pas photo avec celle de Dutourd (& Co) qui est infiniment supérieure, littérairement et linguistiquement. De toute évidence, François Bon est très mauvais en anglais. Quant à son français, n'en parlons même pas...
    Voici les perles que j'ai relevées :

    @ « He was an old man who fished... » : si l'on a pu reprocher à Jean Dutourd de traduire par « Il était une fois un vieil homme [...] qui... », François Bon fait-il mieux en traduisant par « Le vieil homme pêchait... » ? N'est-il pas préférable de traduire par « C'était un vieil homme qui ... » ou par « Il était un vieil homme qui ... » ?
    D'autre part, pourquoi « AN old man » devient-il « LE vieil homme » ?

    @ même chose pour « A boy » qui devient « LE garçon »...

    @ « But after forty days without a fish » : Dutourd dit « au bout de ce temps » ; Bon, « après ces quarante jours », oubliant lui aussi d'insister sur « sans poisson »...

    @ « definitely » : Bon traduit naïvement par « définitivement », alors que le "faux ami" signifie « sans aucun doute, incontestablement »

    @ « salao, which is the worst form of unluck » : Dutourd traduit par « ce qui veut dire aussi guignard qu'on peut l'être » ; Bon traduit littéralement et lourdement « ce qui est la pire forme pour dire pas de chance »...

    @ « each day » : Bon traduit par « chaque soir »...

    @ « the sail that was furled around the mast » : Bon traduit par « la voile ferlée autour du mât » mais, comme il est dit en commentaires du blog Embruns, « to furl » est un terme commun en anglais, signifiant (en)rouler, (re)plier, tandis que ferler est un verbe technique de marine... Dutourd dit plus simplement et logiquement « la voile roulée autour du mât ».

    @ Bon ne traduit pas la deuxième occurrence du verbe « to furl ».

    @ « the flag of permanent defeat » : le littéral « drapeau d'une permanente défaite » nous paraît très laid, l'antéposition de l'adjectif nous paraissant plus calquée bêtement sur l'anglais que motivée par le rythme ou le sens.

    @ « The sail was patched [...] » : « Une voile rapiécée [...] », Bon met ici du style où il n'y en a pas, faisant une phrase sans verbe conjugué, si ce n'est dans une subordonnée qui n'existe pas dans le texte original : celui-ci est en effet constitué de deux phrases apposées.

    @ « in the back of his neck » : Bon traduit encore une fois de façon bêtement littérale par « l'arrière du cou » quand il s'agit, ainsi que le traduit Dutourd, de la nuque.

    @ « The brown blotches of the benevolent skin cancer [...] » : Bon traduit encore par une phrase sans verbe conjugué. Sans doute pense-t-il ainsi éviter les difficultés de la syntaxe, mais il produit une phrase horriblement bancale, frisant le non-sens. Ainsi parle-t-il d'un « cancer de la peau bénin à cause de la réflexion du soleil [...] » N'était-il pas préférable de placer l'adjectif « bénin » juste après « cancer » ? Non seulement cela serait plus fluide, mais cela ne laisserait pas entendre que si le cancer est bénin, c'est à cause de la réflexion du soleil...

    @ « his hands had the deep-creased scars from handling heavy fish on the cords ». Voici la traduction de Bon : « ses mains gardaient les cicatrices profondément plissées des poissons hâlés lourdement sur la corde »... Non-sens complet ! Dutourd ajoute quelques mots mais au moins est-ce plus clair : « ses mains portaient les entailles profondes que font les filins au bout desquels se débattent les lourds poissons. »
    Chez Bon, que veut dire « garder des cicatrices » ? des « cicatrices profondément plissées » ? des cicatrices de poissons ?? « hâlés lourdement » ???

    @ « But none of these scars were fresh » : encore traduit par une phrase sans verbe conjugué : « Mais aucune de ces cicatrices pour être récente. »

    @ « erosions in a fishless desert » : Bon met au singulier ce qui est pluriel et détermine l'indéterminé : « l'érosion dans le désert sans poisson ».

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  2. Suite :
    @ « we caught big ones every days for three weeks » : Bon fait encore là un gros contresens en traduisant « nous avons attrapé tous ces gros, un par jour pendant trois semaines ». « ones » renvoit aux poissons évoqués juste avant, mais Bon fabrique l'expression « ones every days » qui signifierait selon lui « un par jour »...

    @ « I know you did not leave me because you doubted ». Bon traduit par : « Et que tu ne m'as pas quitté parce que tu aurais douté. » Pourquoi ne pas traduire « I know » ? Ce n'est pas pareil que le "Je me souviens" de la phrase précédente...

    @ « But they did not show it and [...] » : Bon traduit par « Mais ils ne la montraient pas »... Qu'est-ce qu'ils ne montraient pas ? Ils est dit dans la phrase précédente de la traduction que les pêcheurs « le regardaient avec tristesse ». « La » renverrait donc à « tristesse » ? Que c'est mal dit ! et surtout, quelle aberration ! Ainsi donc, les pêcheurs « regardaient avec tristesse » tout en ne la montrant pas, cette tristesse ?
    Tout ce pataquès provient peut-être du fait d'avoir traduit « looked at him and were sad » par « le regardaient avec tristesse », au lieu de « le regardaient et étaient tristes ».
    D'autre part, quatre « and » dans cette phrase, mais seulement deux sont traduits.

    @ « The successful fishermen of that day » : « of that day » n'est pas traduit.

    @ « and carried them laid full length » : Bon traduit encore de façon très littérale et laide par « les avaient posé de leur pleine longueur »...

    @ « Rogelio will throw the net » : Bon traduit « pliera le filet » au lieu de « lancera le filet »...

    @ « I would like to go. » : Bon traduit par « J'aimerais venir. » et on comprend « J'aimerais venir avec toi » ; il vaudrait sans doute mieux traduire par « J'aimerais y aller. » pour signifier « J'aimerais aller pêcher pour toi. »

    @ « when you first took me in a boat » : Bon traduit « dans ton bateau » au lieu de « dans un bateau ».

    @ « and the sweet blood smell all over me » : Bon traduit par « et l'odeur du sang qui recouvrait tout partout »...

    @ « But I Will see something that he cannot see such as a bird » : Bon ne traduit pas la partie « something that he cannot see such as », ce qui fait que la phrase suivante - « Il a les yeux si mauvais ? » ne veut rien dire...

    @ « But are you strong enough now for a truly big fish ? » : Bon traduit par « Et tu te sens assez fort, si t'en attrapais un vraiment très gros ? » : la concordance des temps est massacrée - est-ce pour faire du style populo ou gamin ? pas sûr, mais dans ce cas le traducteur fait pire que ce qu'on reproche souvent à Dutourd -, et la question ne veut pas dire la même chose que la phrase anglaise, bien mieux traduite, par exemple, par Dutourd : « Est-ce que tu crois que tu serais encore assez fort pour en ramener un gros, un vraiment gros ? »

    @ « the tough budshields of the royal palm » : Bon traduit par « rudes branches en éventail du palmier royal » mais le palmier dit guano n'a pas de branches en éventail ; si l'on veut vraiment parler d'éventail (car la comparaison n'est pas dans le texte anglais), cela concernerait plutôt les feuilles ; « budshield » désigne plutôt la partie inférieure et dure de la feuille qui protège (shield) le bourgeon (bud) ; il vaudrait donc mieux traduire par « feuilles » que par « branches », d'autant plus qu'à la phrase suivante il est question de feuilles.

    @ « on the dirt floor » : Bon commet encore un contresens en traduisant par « sur le sol sale », mais il confond avec « dirty »... ; il aurait dû traduire par « sur le sol en terre battue »...

    @ « to cook with charcoal » : Bon traduit par « pour cuisine au charbon » : est-ce la manifestation de ses tics de langage, elliptiques, ou bien a-t-il oublié le R du verbe à l'infinitif ?

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    1. Pour la traduction de « budshield » et d'autres termes, et parce que le mot à mot est important à toutes les étapes de traduction d'un texte, scientifique ou littéraire (je l'ai appris dans la douleur, dont la seule vertu est de placer un signet dans la mémoire), on peut trouver ici des pistes plus ou moins intéressantes :
      http://www.bookdrum.com/books/the-old-man-and-the-sea/9780099908401/bookmarks.html

      Je n'ai pas tout passé en revue.

      Didi

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    2. Ce n'est pas ma signature, mais l'effet de ma distraction.

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    3. Merci, Didier, pour ce lien très intéressant qui me servira sans doute puisque je continue ce jeu de comparaison et que je prends goût à la traduction.

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  3. Et enfin :

    @ « On the brown walls of the flattened, overlapping leaves of the sturdy fibered guano » : Bon traduit lourdement par « Sur les murs marron des feuilles aplaties et recouvrantes du robuste et fibreux guano » ; « murs [...] de feuilles » aurait été préférable à « murs [...] des feuilles » qui ne veut rien dire ; on se demande également ce que peut bien signifier « des feuilles [...] recouvrantes » : « overlapping leaves » signifie en fait « feuilles chevauchantes », on pourrait dire à la rigueur « se chevauchant ».

    @ « These were relics of his wife. » : encore traduit par une phrase sans verbe, « Des reliques de sa femme. »...

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    1. Merci beaucoup à Grégory Haleux et merci au tenancier de remettre tant de pendules à l'heure.
      Jugodot

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  4. Je précise que je n'en suis qu'à la page 12, sur les 149 de la traduction de Bon...

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  5. En somme, F. Bon nous aura évité le pire en retirant cette traduction illico.
    Est-ce que le tenancier qui affectionne les billets en série sur son blog pourrait en créer une nouvelle qu'on appellerait : « Une traduction : son Bonus et son Minus » ?(!)

    __
    ArD

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  6. Il n'est pas certain que nous évitions le pire, cette traduction circule sur le net. En tout cas, vu le travail de Grégory, on peut se dire qu'elle n'aurait pas passé la rampe d'une édition sérieuse.

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  7. Bon, le fait est que ce n'est pas gentil de se moquer, mais ça fait deux jours que vous me faites trop rire en sourdine, et que c'est encore moins gentil de ne pas partager...

    Donc, si je comprends bien, pour être parfaitement actuelle, la traduction aurait dû être de l’acabit : "le vioc dans son zodiac l'avait tellement la mouise, la loose, la scoumoune qu'il était même pas foutu de pécho le moindre poiscaille c'te bâtard".
    Désolé si je ne suis pas très doué en langage SMS, c'est que : "La raison sentimentale de cette traduction, évoquée publiquement par François Bon est digne de la Veillée des chaumières, on s’abstiendra par charité d’en commenter la substance plus avant." m'aura été fatal, si bien qu'il m'aura fallu faire le pitre, aussi, au moins une fois.
    Sinon, merci pour vos articles et commentaires, ça fait vache de bien, de lire d'autres voix que celles entachées de consanguinité.

    Vincent B.

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    1. J'ai bien ri, Vincent. Vous devriez proposer votre traduction, du coup !

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    2. Qui plus est en l'appelant "Le bolos et la flaque", je peux le faire passer sans blème pour une créa originale... Allez hop ! Je m'y mets dès à présent et je la propose à François dès demain. Quitte à faire son foin sur le dos des classiques, autant que ça ressemble à quelque chose de contemporain, au moins... (et pis c'est pas lui qui pourra me dire que j'abuse en arrangeant le texte à ma sauce...)

      Joyeusement votre,

      Vincent

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    3. J'espère que François aura le temps d'y jeter un coup d'œil : il a beaucoup de journalistes qui se pressent à sa porte. Mais il refuse toutes les interviews. On se demande pourquoi.

      ArD

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    4. (tout comme les autres éditeurs numériques qui aimeraient bien lui dire que le contemporain s'écrit mieux en numérique lorsque les auteurs sont encore vivants)
      (et pis aussi qu'ils en ont marre de passer pour des illuminés parce qu'il monopolise tout l'espace avec ses abstractions dignes de R2-D2 et qu'ils en ont marre de passer pour des ahuris et des illuminés)
      (et pour lui dire aussi que si lui et sa garde rapprochée n'arrêtent pas de confondre copinage, critique littéraire et communication institutionnelle, on est pas sorti du cloud)

      Vincent

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    5. François est très branché réseau et réseaux, mais il saura certainement déléguer la révision de votre traduction à l'un des membres du comité éditorial et Mediapart et Actua-litté.com en rendront certainement compte avec force objectivité.
      Il lui manque juste quelques auteurs tout de même pour étoffer le catalogue, vu les multiples occurrences à ce sujet dans ses billets. Ah oui, et puis des subventions. Avec Gaston à toutes les manettes, il n'est pas sorti de l'auberge. Souhaitons-lui bonne chance.

      ArD

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  8. Optimiste.
    D. (comme « daté », lui aussi)

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  9. Le certain, dans toute cette histoire (enfin, tu parles d'une histoire !), c'est que le bonhomme sera parvenu à se faire tout françoibonnement une extraordinaire publicité gratuite. En jouant les ingénues sur son blog - "comment ! Hemingway n'est pas dans le domaine public ? Oh, damned, on m'dit jamais rien, à moi !" - l'éditeur - l'ingénuité n'est pourtant guère une qualité éditoriale - a provoqué une levée de blogliers trop heureux de pouvoir taper, par la même occasion, sur une grande maison. FB - oh, je me rends compte en les tapant que les initiales du bonhomme abrègent très significativement facebook - s'est d'ailleurs plu dans un billet, qui n'en finit plus d'aligner les addenda, à recenser nombre de sites et blogs "qui sont intervenus sur ce différend", en omettant bien sûr ceux qui ne lui étaient pas favorables. Tout cela est du plus haut ridicule et me rappelle certaine fable où il est question d'une grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf... dont il est inutile de rappeler la fin. FB s'enfle sur le net et cela lui donne une importance toute... virtuelle : "fier du web, mon pays" lance-t-il d'ailleurs avec l'éloquence toute en nuance qui le caractérise. FB a commis une erreur. Que ne l'a-t-il pas reconnue simplement ? Il a traduit "le Vieil homme et la mer" ; c'était son droit. Il a jugé sa traduction meilleure que celle de Dutourd ; c'était son droit. Il a publié sa traduction ; le droit, cette fois, était contre lui. C'est que le droit, voyez-vous, c'est bête et méchant. J'ai le droit d'estimer que l'Ubu Imperator de Max Ernst serait bien mieux mis en valeur chez moi qu'à Beaubourg... mais je n'ai pas le droit de le décrocher de son mur pour l'installer dans mon bureau.

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  10. C'est dommage, sans doute, mais c'est ainsi. D'après le droit, FB est en tort. Peut-on reprocher à Gallimard d'avoir rappelé la lettre et l'esprit de la loi à l'un de ses diffuseurs ? Non. Mais FB s'obstine : "Hemingway appartient au patrimoine universel !" (FB ou l'UNESCO des lettres) ; comprenez : le "patrimoine universel des éditeurs", qui est un bon gros sac dans lequel on pioche des auteurs à sortir ou à ressortir, car rien ne m'empêche aujourd'hui de lire Hemingway, chez Gallimard, dans des éditions étrangères, ou dans sa langue originale. Mais FB insiste : "Ma traduction est meilleure !" (ou quand le point de vue interne se fait omniscient) ; dans ce cas-là, il fallait la proposer à Gallimard en remplacement de la traduction Dutourd ; on n'aurait pas craché, dans la grande maison, sur l'opportunité d'une réédition nouvelle du best-seller, avec traduction plus proche de l'originale, etc., etc., etc. (Cette ridicule affaire pourrait d'ailleurs bien se terminer ainsi : Gallimard, embarrassé par tout ce tintouin, publiant la traduction Bon du "Vieil homme et la mer"). Mais FB trépigne : "Il n'existe pas d'édition numérique de la fable universelle d'Hemingway !" ; constatons-le et avouons que nous en étant passés jusqu'ici nous pourrons nous en passer encore. Bref, il est amusant de voir FB gesticuler pour défendre l'accessibilité des lecteurs au "patrimoine universel", en laissant entendre que c'est là un des buts majeurs de sa virtuelle maison d'édition. La bonne blague, quand on sait que les 125 titres "classiques" que ladite maison propose à la vente sont, pour la plupart, sous une forme ou une autre, gratuitement accessibles sur gallica. FB fait du commerce, et loin de moi l'idée de le lui reprocher, mais qu'il n'en ait pas honte. C'est à cette condition seulement qu'il pourra jouer sur le même terrain que Gallimard. Reconnaissons-lui déjà un merveilleux sens de la publicité et de l'autopromotion, et achevons ce trop long commentaire par un slogan qui résumera cette insignifiante histoire : "Dans le colophon, tout est François Bon !"

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  11. On ne saurait trop chaleureusement remercier Grégory Haleux de s'être livré à cet ingrat travail de bénédictin : enfin un peu de sérieux et de concret, dans cette pitoyable histoire !
    Merci aussi au Tenancier d'évoquer la possibilité d'une collégialité de certaines traductions, chez le Gallimard d'après-guerre, chose probable dont on ne parle guère.
    Concernant l'intérêt des nouvelles traductions de textes somme toute récents, je me permets d'en douter fort, au vu de celles qui ont été faites d'Ulysse et de Lolita : franchement, je trouve les premières nettement supérieures (et n'oublions pas qu'elles avaient chacune reçu l'approbation de l'auteur). Pour Lowry, ça peut sans doute se discuter, mais l'intérêt majeur de la traduction de Darras (enfin, selon moi) est tout de même la publication de la lettre à Jonathan Cape en introduction au texte, qui en livre la plupart des clés (une merveille, cette lettre !)
    Et pour en revenir à Hemingway, je ne l'ai certes que fort peu lu, mais on ne peut pas dire que Les tueurs ou En avoir (ou pas) soient à considérer comme de la gnognotte. Sans parler des adaptations cinématographiques auxquelles ces textes ont donné lieu...

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  12. Un dessin pour le fun
    http://solko.hautetfort.com/archive/2012/02/21/francois-bon-et-la-mer.html

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  13. Pour être devenu un vieux con, l'académicien Dutourd n'en était pas moins resté un ardent défenseur des correcteurs dont il jugeait le travail fort utile et qu'il défendait à chaque occasion qui se présentait – notamment dans les billets qu'il donnait au défunt France-Soir dans les années 1990 à propos de la réforme de l'ortografe édictée par Rocard.

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  14. Amusant dessin, cher Solko.

    Pour le reste, beau travail, cher Grégory, belle démontration, cher SPiRitus.
    Mais il est clair que ce cher Bon s'est fait une belle pub pour pas cher, dans cette histoire...

    Otto Naumme

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  15. A l'instar de George, je crois qu'il faut d'abord remercier Grégory Haleux pour sa contribution concrète.
    Ce qui me révolte le plus dans cette histoire, au demeurant d'une simplicité déconcertante puisque s'agissant en fait d'un gros con tentant de se faire des thunes et de la pub sur le dos d'un autre aussi gourmand que lui, ce sont les témoignages des thuriféraires, d'une mauvaise foi à vous couper le souffle.

    De passage cet été à la librairie polonaise du boulevard Saint-Germain, j'avais eu l'heur de palabrer avec un écrivain et nous avions évoqué le bon monsieur Bon. Il me disait la chose suivante, que je ressens beaucoup aujourd"hui : lui, je ne sais pas, mais j'ai rencontré quelques uns de ses supporters, ils sont à vomir, aucune discussion possible, tant ils sont sectaires et arrogants.
    Il arrive, dans les sectes, que les disciples soient plus fanatiques que le gourou. Normal, lui sait où il va, les autres marchent le cerveau complètement intoxiqué.
    Merci Tenancier pour toute la richesse documentaire de votre texte et de ce ton toujours courtois que vous savez garder.
    Du miel dans du vinaigre.

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  16. Avec cette histoire, les langues se sont déliées d'une façon bien spirituelle. Félicitations, c'est très Bon !

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    1. Cher Alfonse, j'aime beaucoup votre saillie ici présentée, sur votre blog : http://ladatchahantee.canalblog.com/archives/2012/02/19/23563343.html
      Amusant étendard... (et je confirme, il s'agit bien d'un mouton).

      Otto Naumme

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  17. Yves, nous sommes d'accord.
    A tous, merci de vos précisions !

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  18. Mon Dieu, comment osez-vous contester ce chef-d’œuvre de traduction ? Et preuves à l'appui, avec ça ! C'est un scandale, je m'en vais jeter mon ordinateur à la poubelle !
    Plus sérieusement, je suis traductrice (professionnelle, oui oui, j'ai même dû faire des études pour ça) et je suis heureuse qu'on se penche sérieusement sur la question. D'autant qu'ayant déjà traduit un roman chez Gallimard, je peux vous confirmer que le traducteur ne travaille pas seul...
    Merci pour tout ce que j'ai pu lire ici.
    Marie C.

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  19. Le traducteur digne de ce nom, non..Mais le gars qui veut s'faire un p'tit sou dans son coin, si...Ou qui veut verser une larme en poète esseulé...

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  20. Cette histoire révèle avant tout une absence totale de reconnaissance du métier de traducteur. Venant d'un éditeur, cela frise le mépris. On aurait bien aimé lire plus de traducteurs s'élevant contre cette fumisterie. Il apparaît évident que cette traduction sert un autre objectif que l'amélioration de l'existante.

    Mais F. Bon assume puisqu'il écrit que ce n'est certainement pas l'ultime ni la meilleure et qu'il n'y a pas mort d'homme. L'expression « pas mort d'homme » prend un tour de plus en plus relatif dans la langue française, décidément. Après J. Lang, François Bon.
    __
    ArD

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  21. Nul besoin d'être bilingue pour comprendre que la traduction d'une œuvre littéraire ne se fait pas dans le mot à mot tel que le décline Grégory Haleux, mais sur un parti-pris personnel d'écriture qui a intégré l'ensemble de l’œuvre originale et son contexte d'écriture.
    C'est sans doute parce qu'un traducteur est considéré comme un technicien du passage d'une langue dans une autre et non comme un écrivain, qu'il y a confusion.

    Pour un lecteur français qui ne saurait lire dans le texte le Moby Dick de Melville, lequel fera-t-il sien : celui de Giono ou celui d'Armel Guerne ? Cela dépendra de son parcours littéraire...

    J'ai découvert Elfriede Jelinek avec "Les amantes", dans une traduction de l'allemand par Yasmin Hoffmann et Maryvonne Litaize, aux éditions Jacqueline Chambon, 1992. J'aime tellement ce texte que je le reconnaîtrais (sans qu'on m'en donne les références) dans n'importe laquelle de ses parties, pour peu qu'il y ait assez de texte.
    Je n'ai rien compris à "Avidité" du même auteur, mais traduit par Claire de Oliveira, au Seuil, 2002. Je me suis pensée incapable de tout piger de Jelinek, un critique littéraire germanophone m'a confirmé que cette traduction ne tenait pas debout et qu'il se demandait comment ils avaient pu laisser passer ça au Seuil...

    Pour finir et parce que je ne suis ni anglophone, ni traductrice, ni écrivain, je laisse la parole au traducteur André Markowicz :

    http://oeil.electrique.free.fr/article.php?articleid=91&numero=14

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    1. Merci Michèle, et le lien est magnifique !

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    2. Un parti pris littéraire, comme vous dites, ne peut en rien être confondu avec une traduction approximative dans laquelle on relève des erreurs ou des faux sens.
      Je me permets de vous dire cela étant moi-même traductrice, et vivant pour cette raison, de mes droits d'auteur...
      Marie C.

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    3. Certes, Michèle, la traduction, ce n'est pas du simple mot à mot. Mais, il me semble, au minimum du phrase à phrase... car si le travail de traduction est aussi une création, celle-ci ne doit pas empiéter sur le texte original. [cela me fait penser, dans un autre genre, à cette critique, qui se veut si littéraire, si créative, qu'elle dit si peu, dans sa boursuflure, du livre critiqué]
      Et vous paraissez n'avoir pas remarqué, à travers mes exemples, que ce n'est pas moi, mais Bon qui est très souvent dans un mot à mot ridicule, une littéralité dénaturante, productrice de contresens et de non-sens. Pas besoin d'être bilingue comme vous dites, et comme le dit Markowicz, mais il me semble qu'un minimum de connaissance de l'anglais est nécessaire, et que Bon n'atteint pas ce minimum. Et, je me répète : son français est catastrophique.

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  22. Sans doute que le travail du traducteur a quelques analogies avec celui du typographe : le travail le plus admirable ne se voit pas. Cela s'appelle la modestie.
    C'est une vertu qui ne peut être assumée que par des professionnels sûrs de leur art. Ce n'est pas vraiment une improvisation. En cela j'approuve Marie C.

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    1. J'ai l'habitude de comparer le travail du traducteur à celui du comédien : il doit servir le texte et pour cela, éviter le cabotinage qui risquerait de le parasiter.
      Marie C.

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    2. J'abonde, et pas seulement pour cette raison, mais parce qu'il faut, pour trouver le ton d'un texte, arriver, si peu que ce soit, à incarner le personnage qu'est l'auteur quand il écrit. C'est un vrai travail de composition – et une sorte d'exercice spirituel.

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  23. Pour moi, même si je ne m'y suis jamais essayé sur des oeuvres romancées (mon expérience se limite à des traductions de guides d'utilisation de logiciels ou des brochures marketing, c'est dire...), la tâche du traducteur est celle de l'abandon. De ses propres idées, de son style. Pour mieux épouser celles et celui du roman à traduire. Aller jusqu'à se glisser dans la peau du romancier ? Je ne sais s'il faut aller jusque là. Mais au moins à comprendre l'écriture du traduit. Ce qui n'est déjà pas mal...

    Otto Naumme

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    1. La question reste ouverte. Il est évident qu'un traducteur fait des choix...

      J'aimerais pouvoir lire des traductions étrangères de livres d'auteurs de langue française que je connais bien...

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  24. @Otto Naumme :
    Quand on demande à André Markowicz, qui a travaillé pendant dix ans à la traduction de l’œuvre de Dostoïevski, s'il a lu l'œuvre dans l'édition qui fait "référence", La Pléiade, il répond :
    "Oui, bien sûr. Eux et moi lisons deux auteurs différents."

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    1. A croire que tout le monde ne s'abandonne pas de la même manière... :-)

      Otto Naumme

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  25. Il me semble que la cuillère tourne autour du pot et que, dans ce concept de traduction, et - plus grave dans la pratique de ce que peut être une traductio - la mayonnaise ne prend vraiment pas. Peut-être parce que le vinaigre qui devrait présider à son alliage, n’est pas le même pour tout le monde.
    Alors, même si mon intention n’est pas de la faire prendre car je ne suis ni cuisinier ni traducteur et, qu’en plus, il y a derrière toutes ces conceptions, en filigrane, le sujet initial, la traduction de François Bon, que l’on défend ou que l’on récuse, j’irais de mon expérience personnelle.
    Je m’en fous de la traduction de Bon comme d'une cerise. Je ne l’ai pas lue et ne la lirai jamais. La seule connaissance que j’en ai sont les exemples fournis de-ci de-là…Les premiers à s’insurger ont été des centaines alors que Bon annonce 22 téléchargements. Ce qui signifie que 75 pour cent se font les avocats d'une cause sans même avoir ouvert le dossier.
    La traduction de Bon serait-elle géniale que, pour moi, la double manœuvre frauduleuse n’en resterait pas moins frauduleuse (vis-à-vis de Gallimard et vis-à-vis du public internet, le traducteur baignant dans les coulisses et sur les scènes littéraires depuis 40 ans ne pouvant ignorer qu’un texte aussi célèbre n’était pas libre de droits).
    C'est donc ça qui me scandalise. Pas la qualité de la traduction.

    Il se trouve que je vis dans une langue étrangère depuis 7 ans et que ma compagne traduit tous les jours, du polonais au français ou inversement. Il se trouve aussi qu’elle est assez douée en la matière . Les premières règles du traducteur polonais sont : Comprendre, s’approprier l’esprit du texte, penser dans la langue du texte et, absolument incontournable, consulter un natif pour savoir si, quelque part on n'a pas pensé dans sa propre langue plutôt que dans celle du texte source.
    Il se trouve donc que je vérifie beaucoup, beaucoup de textes ( sur l’écologie, la biodiversité, l’environnement, la littérature polonaise, des articles critiques) et que, ne sachant penser que très médiocrement en polonais, je ne pense que français et, sans mérite aucun, donc, seulement en faisant jouer des réflexes acquis au berceau, je trouve les écueils, les traits qui n’ont pas été REELLEMENT TRADUITS, mais qui sont simplement passés d’une musique à l’autre, d’une grammaire à l’autre..
    Et je m’inscris en faux quand je lis - sur le lien fourni par une commentatrice - que celui qui lit Dostoïevski dans la langue traduite ne lit pas véritablement Dostoïevski…Au risque de soulever un tollé, je dis alors : c’est que la traduction est mauvaise… En plus, le parallèle fait avec le metteur en scène (Hamlet) est absolument abusif. Presque un non sens. A mon sens.
    J'en veux pour preuve que j'ai pas mal discuté de Balzac, par exemple, avec des Polonais qui l'ont lu en Polonais, et je puis vous assurer qu'on a lu la même chose !
    Donc, argument fallacieux...

    Il en va de même à l’oral. Quand je discute avec mon voisin, si je ne fais pas l’effort de rentrer dans sa tête, de voir comment, Polonais, il conceptualise le monde, j’aurais beau parler polonais, dire des mots polonais, il ne me comprendra pas.
    Exemple :
    - Si je dis : Uczesać żyrafę : Peigner la girafe… mon voisin va penser dans sa tête, il est tapé ce Français !
    - Si je veux lui dire ça, lui dire qu’il fait un truc inutile,je dirais : nosić wodę przetakiem : tu prends de l’eau avec une passoire.

    L’exemple est peut-être mal choisi car il s’agit d’expressions figées, mais l’esprit y est.
    J'aimerais donc que Bon dise à se thuriféraires quel natif il a consulté avant d'essayer de fourguer son truc

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  26. Excellent travail d'analyse. J'ai lu les deux traductions, et si celle de Jean Dutourd n'est pas parfaite, force est de constater qu'elle est la plus "inspirée" et porte un souffle réel. Permettez-moi une suggestion, afin que votre travail ne soit pas perdu : vous devriez songer à vous procurer la traduction de F. Bon en Pdf (puisqu'il la fait circuler un peu partout semble-t-il, en la laissant libre), et y ajouter vos analyses, puis la remettre en circulation un peu partout en format Pdf également. Vous en avez parfaitement le droit, à condition de préciser dans le Pdf que vous faites un travail d'analyse et de critique objectif. Vous pourriez même étendre ce travail à l'ensemble de la traduction, et, pourquoi pas, opérer de courtes citations parfois extraites de celle de Dutourd afin d'éclairer le lecteur, en précisant laquelle des deux semble la plus exacte, mais aussi la plus "inspirée". Ainsi, le public pourrait avoir une opinion plus éclairée sur l'une et l'autre, ce serait une bonne chose (car j'imagine que beaucoup de gens parlent de l'ancienne traduction sans même l'avoir lue ou relue.

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  27. Une précision (je complète lmon commentaire ci-dessus): si la traduction de Bon était géniale, cela se saurait... Mais ceci observé, je ne partage pas votre position quant à l'aspect juridique : si la traduction de F. Bon avait été géniale, il aurait été du devoir moral de tous les lecteurs fous d'Hemingway de la répandre à tous vents, n'en déplaise à sa majesté Gallimard.

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