Ma sœur


L’autre fois j’ai eu un long coup de fil avec ma sœur. A cette occasion je lui ai indiqué que je venais d’achever Big Sur de Kerouac. Intriguée par ce titre qu’elle ne connaissait pas, elle crut que je parlais de Miller qui avait fait un titre similaire. Je la détrompais et lui signalais même qu’une certaine Lilian Bos Ross avait commis également un Big Sur dans les années 40, semble-t-il. Un lieu inspirant, indéniablement.
Il y avait comme une sorte de tendresse de la part de ma sœur à découvrir que j’avais lu un auteur qu’elle aimait beaucoup. La discussion roula également sur tout une littérature qui n’est plus beaucoup lue à l’heure actuelle – du moins par rapport à la fréquentation d’antan : Miller, Durrell, Lowry, Kerouac, auteurs que l’on retrouve assez facilement pour quelques uns d’entre eux à vil prix. Cela fait drôle, tout de même. On pense que la littérature est une chose intangible, invariable, bref un truc qui devrait procéder de l’accumulation et non de la substitution. Kerouac était avant vous et existera sans doute bien après… mais certains autres s’évaporent au bout d’une génération. On en trouve les scories dans le rayon des abandonnés, à côté de livres qui n’ont jamais eu de succès. Notre espèce est fort peu sentimentale pour ce qui concerne la littérature, contrairement à nos individualités qui s’accrochent parfois aux primes engouements de la jeunesse. Cela s’appelle aller de l’avant pour la généralité et des regrets pour nous même. En somme, j’ai été une bonne surprise pour ma sœur à mentionner cette lecture, je rentrais ainsi dans cette impalpable cénacle des interlocuteurs, comme un cap dépassé ou mieux : un passage de tropique, sans cérémonie ni Neptune et comme au-delà du langage familiale, un métalangage, en somme. Certes, cela arrive pour chaque rencontre ou les affinités littéraires se révèlent. Le plus curieux, et le plus exotique est que cela se soit passé à l’intérieur du lien familial et d’une façon extrêmement ténue. Mais cela devait bien finir par arriver, à force de ne plus fréquenter aucune nouveauté on en revient à ce que l’on tient d’essentiel et de ce que l’on a vu dans sa carrière et dans les bibliothèques des autres (et sans doute enfoui en lointaine remembrance, dans la mômerie), avec ce sentiment de pouvoir approfondir ce que l’on a guère connu que par la paume des mains ou d’un regard superficiel - même dans la bibliothèque de ma frangine sur laquelle je peux parfois avoir l'air de me moquer.
N’empêche, il y avait cette subtile reconnaissance de ma sœur. Il est des choses pour lesquelles on ne vit pas forcément. Mais c’est un plaisir délicat quand elles arrivent.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les propos et opinions demeurent la propriété des personnes ayant rédigé les commentaires ainsi que les billets. Le Tenancier de ce blog ne saurait les réutiliser sans la permission de ces dites personnes. Les commentaires sont modérés a posteriori, cela signifie que le Tenancier se réserve la possibilité de supprimer des propos qui seraient hors des sujets de ce blog, ou ayant un contenu contraire à l'éthique ou à la "netiquette". Enfin, le Tenancier, après toutes ces raisons, ne peut que se montrer solidaire des propos qu'il a publiés. C'est bien fait pour lui.
Ah oui, au fait... Le Tenancier ne répondra plus aux commentaires anonymes. Prenez au moins un pseudo.

Donc, pensez à signer vos commentaires, merci !

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.