Il n'ira pas

Oh et puis crotte, non, il n’ira pas, c’est tout. Après tout, se frayer un chemin entre les commerciaux en costard et les enseignants à la sclérotique désabusée commence à le faire tartir. Non c’est vrai, ça doit bien faire une vingtaine d’années qu’il y va tous les ans pour y rencontrer de moins en moins de monde. Et ceux qui restent, il peut les voir ailleurs, au calme et pas autour d’un café dégueu surpayé ou du champagne qui donnes des putains d’aigreur, dans l’odeur de vache – ce qui n’est pas désagréable – ou de l’aisselle mal déodorisées – ce qui est absolument dégueulasse.
Et pour voir quoi ?
Il se dit que ce n’est plus son monde, qu’il a mieux à faire que de marcher entre deux stands mornes, où des vendeurs errent dans l’ennui d’une journée professionnelle, assaillis par des bibliothécaires en mal de catalogue et des libraires en mal d’engueulade de commercial, celui-là même qui s’est tiré vite fait au séminaire du premier étage ou qui est parti avec le gros client, là, peut être qu’il va revenir. De toute façon, rien à battre de tout cela, cela fait plus de dix ans qu’il n’est plus concerné. (*) Il n’y a que de la poussière de papier et de drôles de remugles, une fin de règne, un naufrage hypocrite avec un personnel, sur le pont, qui a perdu l’usage des rames. Des gros éditeurs toujours absents des journées professionnelles et des petits qui ne peuvent même pas vous vendre des livres pour renflouer le budget élyséen de leur stand.
Pas souvent de beaux livres. Ils ne sont pas là. Beaucoup n’en n’ont jamais vu, certains doivent ignorer que cela existe.
Une sorte de torpeur, un lundi après-midi, sur la moquette qui chauffe les pieds et cette assommante succession de riens. La nuit tombe tout doucement. Ailleurs, le crépuscule s’éternise un peu plus.
Il croit qu’il va rester à la lumière…

C’est décidé.
Il n’ira plus au Salon du Livre de Paris.



(*) - Dix ans qu’il n’est plus dans le neuf, purée ! Dix ans qu’il continue d’y aller pour d'improbables amitiés, des souvenirs et voir toujours cette même tête de con devant la collection qu’il a contribué à couler, sorte de Bazaine - qu’il a fini par aimer haïr à date fixe – qui ne doit même pas savoir qu’il campe encore devant son Metz.. On en fera un billet, un de ces jours.

4 commentaires:

  1. Le Tenancier est beau dans ses emportements. J'aime qu'il nous évoque être désabusé.
    Et l'on a envie d'en savoir un peu plus sur ces fossoyeurs qu'il exécute d'une phrase (comme d'aucuns, j'ai un faible pour la chair putréfiée).
    Bref, dirais-je, encore !

    Otto Naumme

    PS : suspense... Verrons-nous les ardents défenseurs de (la plaque à côté de) la librairie de neuf voler au secours de ce merveilleux Salon au son du "si ça vous plaît pas, pas la peine d'en dégoûter les autres" ? Nous sommes quelques-uns à en saliver d'avance, slurp !

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  2. Ne pas faire salon, serait-ce un comble ?

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  3. On ne vous fera pas jouer plus longtemps au père dindon. Laissez donc les pois pilés aux amateurs !

    ArD

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