Frais de port ? Mon cul !...

On lève un sourcil quelque peu circonspect à quelques annonces faites ici et là autour des mesures prises ou bien préconisées par les députés français autour d’Amazon. Il apparaît que la pratique du port gratuit pour ce qui concerne l’expédition du livre – sur lesquels on a déjà concédé une remise de 5% conformément à la loi sur le prix du livre – s’apparenterait à ce que l’on appelle du dumping. Le procédé qui consiste à rogner sur sa marge pour proposer un produit moins cher par rapport à la concurrence n’est pas d’hier, cela regarde essentiellement les grosses sociétés, surtout celles qui sont en position de monopole. Que ce même procédé nuise au commerce des entreprises les plus fragiles en les privant d’une clientèle soucieuse de son pouvoir d’achat n’est pas non plus une nouveauté ébouriffante, tant nous sommes tous habitués à contempler les coups tordus qui font le banal ordinaire de l’économie de marché. La réponse à cette pratique « déloyale » vis-à-vis des petites librairies ou d’une concurrence qui n’en peut mais consisterait donc, selon MM. les députés, à imposer la facturation des frais de port aux clients par cette entreprise. Ce projet me met en joie. Cela démontre qu’il est facile de prendre une mesure populaire tout en respectant les préceptes du libéralisme, exercice devenu également banal dans le manageriat contemporain (Ah… dans les écouteurs, on me dit que ça s’appelle gouverner).
Mais reprenons : Amazon pratique le port gratuit pour les produits qui sont mis en vente sur son sites : Livres, Dévédés, Blourets et j’en passe. Pourquoi cette société est-elle en capacité de le faire ? Eh bien, la piste des allégements de charges tant nationales que locales serait peut-être à suivre. Quel élu local ne voit pas d’un bon œil qu’une boîte s’installe et propose des emplois — la plupart du temps pas très qualifiés — dans la zone de chalandise de ce dit édile ? Lequel ne serait pas prêt à favoriser son propre bassin d’emploi en allégeant les charges locales ? Quel politicien national ne peut s’empêcher d’applaudir dès lors que cette annonce d’implantation vient à point nommé pour sa propagande propre. Oui, vous allez citer Montebourg à propos d’une nouvelle plateforme de cette société, je vous vois venir. Mais je ne trouve pas ça particulièrement honteux de la part d’un ministre socialiste, à partir du moment où les statuts de son parti ont intégré l’économie de marché dans son projet politique. Le ministre est donc dans son rôle. Ces allègements se chiffrent-ils ? Assurément oui, même si je suis dans l’incapacité d’accomplir cette opération car, rappelez-vous le : je ne suis qu’un simple citoyen. En tout cas, vu les quelques photos de ces fameuses plateformes, on peut penser qu’il y a une certaine surface soumise à l’impôt foncier et en tout cas à la taxe professionnelle. Vous ferai-je rougir d’indignation en vous rappelant les allégements divers qui sont théoriquement incitatifs pour que les sociétés étrangères viennent s’installer en France ? Dans quelle mesure Amazon n’a pas bénéficié des mêmes facilités qu’un Eurodisney pour ce qui concerne les charges sociales et autres ?
Mais pourquoi vous parler de tout cela alors que j’évoquais avec vous ce problème du port gratuit. La chose est simple, la marge de cette entreprise lui permet d’envisager cette pratique puisqu’elle est débarrassée de frais occasionnés par les impôts et les charges sociales. Ceci compense-t-il cela ? Je l’ignore encore, puisque je n’ai pas accès au volume d’affaires d’Amazon, ses charges diverses et tutti quanti. Néanmoins on peut en concevoir des soupçons.
MM. les députés ont-ils fait quelque chose à ce propos ?
Mais, déjà, le coût d’un envoi pour une société comme celle-ci est-il équivalent à celui que pratiquerait une librairie moyenne ? Bien sûr que non. Le volume de vente est bien supérieur ! C’est ainsi que La Poste a réservé certains tarifs pour ces grosses sociétés. Pensons au colieco, prestation accessible à tous et dont l’emploi fut restreint par la suite à l’usage de ces dites sociétés. Gageons même que la marge de La Poste pour ces services est réduite au minimum, le souci de cette société étant de garder sur le territoire national une prééminence dans la distribution du courrier en nombre face à d’autre gros opérateurs européens.  Cela ne vous rappelle rien, cette pratique ? Mais si voyons ! Cela s’appelle du dumping. Au cas où vous ne le sauriez pas, La Poste si elle n’est pas entièrement privée est soumise aux mêmes critères de l’économie de marché que ses petits copains, avec les mêmes pratiques que les sociétés qui y sont plongées jusqu’au cou, avec les mêmes mensonges également.
Mensonge ?
Ai-je dit mensonge, enfin ? N’en n’est-ce pas un quand on augmente les tarifs d’envoi au prétexte de la raréfaction des expéditions, à une époque ou le commerce en ligne ne s’est jamais mieux porté ? En fin de compte, non, ce n’est pas totalement un mensonge. En effet, la vente par correspondance se porte bien, merci, mais les bénéfices sont obérés par la préoccupation de garder le monopole postal sur le territoire français. Donc, les plus gros continuerons à payer moins.
MM. les députés ont-ils fait quelque chose à ce propos ?
Ah oui, ils entérinent régulièrement ces augmentations de tarif au public…
Mais revenons à ces histoires d’impôts. Doit-on blâmer Amazon d’élaborer des stratégies pour aller payer ailleurs, où ça coûte moins cher ? Peut-on lui reprocher de faire avec les charges publiques ce que toute économie de marché tente de faire tant sur le plan matériel, humain, économique et j’en passe, c'est-à-dire de ren-ta-bi-li-ser ces postes, si possible avec la collaboration de ces dits postes : « travailler plus » & « paradis fiscal » étant les deux faces de ce Janus consumériste ?
MM. les députés ont-ils fait quelque chose à ce propos ?
Oui, ils s’indignent. Mais après tout, ils ne sont pas là pour remettre en cause un fonctionnement dont ils sont tous les garants.
On pourrait encore évoquer les pratiques salariales de ces boîtes (je ne vise pas précisément Amazon, parce qu’après tout le salarié en librairie ne roule jamais sur l’or), le machinisme qui opère même dans les plateforme de tri, la dématérialisation du lieu de vente et du stockage (lequel se trouve chez l’éditeur qui en assume intégralement le coût), etc.
Mais ça, je pense que ce doit être traité en commission, non ?
Enfin, quand j’entends qu’Amazon utilise les infrastructures publiques (route, poste, etc.) tout en ne payant pas sa part, je rigole, parce que les personnes qui s’imaginent cela pensent encore que nous possédons des services publics. Sans doute pensent-elles encore des choses bizarres. Nous serons prudent avec cela, la sortie du somnambulisme peut se révéler violente puisque, pensant encore en ces termes, elles pourraient chercher un sauveur ailleurs que dans la raison.
MM. les députés ont-ils fait quelque chose à ce propos ?
Vous rigolez, j’espère ?
Mais en fin de compte que font-ils, ces députés. Eh bien, il froncent les sourcils et déclarent : « C’est intolérable, imposons les frais de port à cette société, nom d’une pipe bois ! » (C’est dire la véhémence, c’est dire l’indignation et la colère !)
Donc, pour les livres, Amazon devrait être obligé de faire payer le port à ses clients, mettant ainsi au même niveau les petites libraires et cette boîte-là. Ah pardon, je voulais parler uniquement des livres, n’est-ce pas ? De ce truc en perte de vitesse et qui n’est pas du tout l’essentiel de son activité. Donc, disais-je, Amazon va encaisser ces frais de port.
Attendez…
Il n’y a pas un petit problème, là ?
Oui, lisez bien : Amazon va encaisser du fric en plus, c'est-à-dire que son chiffre d’affaires va progresser grâce à une disposition qui était censée la pénaliser. Bon, c’est vrai, ça n’ira pas très loin (le livre est en crise, je vous le rappelle).
Mais c’est tout de même sympa.
Merci qui ?
Comment ? Hein ? Faire payer les impôts à toutes ces boîtes-là ? Et puis penser que les objets et les services ont une valeur qui va au-delà du prix affiché ?
Je vous rappelle que ce billet n’était pas destiné à nous faire rigoler…

5 commentaires:

  1. Bien vu, Tenancier ! cette mesure vise à empapaouter le quidam quand on voudrait n'y voir qu'un juste rétablissement du jeu de la concurrence loyale entre tenants du même corps de métier (la vente de livres).

    ArD

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  2. Juste pour vous faire remarquer, cher Tenancier, une menue erreur (une étourderie, dirais-je) dans ce remarquable billet (auquel j'ai fini par souscrire bien qu'ayant un avis opposé à l'origine - ce qui n'empêche pas que je continue à trouver, comme vous j'imagine, les pratiques de cette boîte fort malsaines, mais ce n'est certainement pas en "jouant" sur les frais de port que l'on contrera ses agissements...) :
    vous dites (écrivez serait plus juste) "le banal ordinaire de l’économie de marché", j'imagine que vous souhaitiez écrire "le banal ordinaire de l’économie de super-marché" ?

    Otto Naumme

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  3. ous savez, ArD, empapaouter, c'est pas difficile, mais obtenir le consentement du quidam est plus délicat.
    Ah mais Otto, cela ne nous avait pas échappé. La preuve en est que l'on s'étonnait à peine dans notre commentaire précédent de voir l'archerie française affublée d'uniformes de vigiles. A ce symptôme le doute n'est plus permis, le ministère de l'intérieur défend plus les biens consommables que les individus. C'est dans l'ordre des choses. Un chômeur est une espèce dangereuse.

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    1. Et qui en plus se multiplie.
      Salauds de pauvres.

      Otto Naumme

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    2. C'est du grand Tenancier !
      Pour votre info " à ma zone " allemand transfert tous ses services en Pologne... Pour rendre service à la Pologne, bien sûr. Il va sans dire.

      Par ailleurs, le chômeur se multiplie parce que, de facto, il n'a que ça à faire... On tue le temps comme on peut, n'est-il pas ?

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