Petit jeu


Le Tenancier ne se fait pas d'illusions et sait bien que les connaisseurs auront reconnu l'origine et la fonction de la gravure ci-dessus. Que ceux-ci prennent le temps de donner une explication un peu conséquente, alors, elle sera reproduite ci-dessous. Bien entendu, nous attendons une définition générale et également une identification précise...
Que les autres prennent la peine de gamberger.
(Tout compte fait, nous allons consacrer un billet à la réponse...)

8 commentaires:

  1. Geoffroy Tory et Gilles de Gourmont, Paris, 1529.
    Livre imprimé sur papier. 2o. Reliure en veau marbré, XVIIIe siècle
    Provenance : « ex libris sancti Joannis Carnutensis [Chartes ?] 1709 » ; saisie révolutionnaire ?
    Paris, BnF, Réserve des livres rares. Rés. V. 516, f. 43v°-44r°
    © BnF
    L’aboutissement de la digression sur « l’escripture faicte par Images », commencée aux pages précédentes, est l’explication et la présentation de la « devise et marque » de Tory, le célèbre « Pot cassé ». Apparue en 1523 à la fin de l’épitaphe que l’humaniste consacre à sa petite fille, l’image symbolise d’abord le départ de l’âme enfantine pour le royaume des Cieux. En la prenant comme marque de libraire, Tory donne une signification plus générale aux éléments symboliques : le vase cassé représente la fragilité de l’existence, promise à une fin certaine, le toret qui brise le vase figure le destin (et permet un jeu de mots avec Tory), le livre fermé par trois cadenas signifie le mystère de chaque existence et les fleurs symbolisent les vertus, qui ne restent qu’un temps dans les mémoires, mais que Dieu, sous la forme des rayons de soleil, nous invite malgré tout à pratiquer. Tory convertit l’expression d’une douleur en invention graphique et identitaire. Mêlant une image, des devises et un texte explicatif, la page constitue deux ans avant Alciat l’un des tout premiers emblèmes imprimés français.

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  2. Pour ce qui est de l'identification précise, je crois que cette chère Cousine vient de réaliser un coup de maître, au moins.

    Quant à la définition précise de cette gravure, son sens réel, je ne sais si les explications de cette chère Cousine suffisent, si complètes soient-elles. J'ai l'impression, et ce n'est rien qu'une impression, de voir dans cette image "quelque chose" (symbolisé par ce vase et ce toret) "cadenassant la lecture", la clé tenant sans doute dans les deux affichettes "Non" et "Plus"... Quelque lecteur plus au fait que moi de ces périodes aura très certainement matière à indiquer réellement la clé de ce "mystère" (ça me fait penser que notre chère ArD se fait désirer, en matière de Mystère...).

    Otto Naumme

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  3. Hé ben ! J'veux ben être pendu, moi qui tiens tant à la vie, si j'y entends une once !
    Qu'il est parfois dur d'être béotien !
    Bouhbouhbouh...!!!!

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  4. Eh bien, Bertrand, j'espère que la solution vous éclairera !

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  5. Michel Onfreud18 avril, 2012 14:46

    Tout d'abord, que je dise : j'ignorais tout de l'origine de cette image avant que votre cousine, cher Tenancier, nous éclaire. Mais, je dois avouer qu'elle m'intrigua tant il me parut évident que derrière la manifeste symbolique bibliophilique (je pensais qu'il pouvait s'agir alors d'un ex-libris), perçait un contenu latent particulièrement sexué, et même, sexuel.
    Car qu'y ai-je vu avant de lire le commentaire lumineux de votre parente ? Une lance traversant une coupe, et la brisant. On retrouvait là deux éléments de la légende christique et arthurienne : le Graal et la lance romaine qui troua le flanc du crucifié et sur la pointe de laquelle subsistait, dit le roman, un peu de son sang. On sait que Bohort versera dans la coupe mystique, tenue par Galaad, le plus pur des chevaliers, c'est-à-dire le plus vierge de tous, le sang de la Sainte Lance. On sait aussi que Galaad mourut après avoir regardé à l'intérieur du Graal, ayant vu ce que nul humain n'est ordinairement autorisé à voir, soit, après avoir transgressé l'interdit suprême. Voilà donc ce que me suggéra d'abord cette image : une référence à la geste arthurienne et à son terme, mais connotée d'une violence (la lance transperçant la coupe, et la brisant) figurativement absente des sources littéraires.
    Puis, je lus l'explication ci-dessus, et poussai la curiosité jusqu'à me renseigner sur la vie de ce Geoffroy Tory. L'élément le plus frappant, symboliquement, est la "lance", ou plutôt ce que je pris pour une lance, et dont on apprend qu'il s'agit bien plutôt d'un foret, autrement nommé au XVIe siècle : toret. Plusieurs commentateurs ont relevé le jeu de mots probable entre le nom porté par cet outil servant à percer des trous sur terrain résistant et le nom du "graphiste-typographe" : Tory-toret, conduisant à identifier, par glissement phonétique, l'homme à l'objet. Autrement dit, le toret représenterait ici Tory. Je n'insiste pas sur le fait que ce toret est évidemment un principe masculin, un ostentatoire symbole phallique, auquel répond le principe féminin de la coupe. Il y a là, manifestement, représentation symbolique d'un coït, mais d'un coït violent, forcé et traumatisant.
    Cette image serait ainsi l'expression sublimée d'un désir, et nécessairement sublimée, l'objet de ce désir étant naturellement interdit d'accès. On aura remarqué, bien sûr, les chaînes latérales se terminant par des cadenas, la chaîne centrale conduisant à un cartouche scellant peut-être quelque secret, le livre lui-même verrouillé (pour celer quelle vérité ?) et sur lequel pèse la représentation. Les deux pancartes de part et d'autre de la coupe renforcent encore par la double négation qu'elles affichent cette interdiction. Bref, la coupe, comme le Graal, en raison de sa pureté, est interdite au profane, au regard, au désir de l'homme.
    Allons plus loin. Allons même trop loin, aidé en cela par la biographie de Tory qui nous renseigne sur l'histoire de notre image. La composition graphique apparaît pour la première fois en 1523, sous un poème latin écrit par Tory en l'honneur de sa fille de 10 ans, Agnès, qui venait de mourir. Le prénom est celui d'une martyre de 12 ans et son origine grecque renvoie au "sacré", à la "pureté", autant de sens (étymologique comme martyrologique) qui ont permis des glissements d'Agnès à agneau ; ce dernier : symbole de l'innocence sacrifiée et symbole christique. De là à voir en notre coupe-Graal une représentation de la virginale Agnès, il n'y a qu'un pas interprétatif que le demi-siècle qui nous sépare de M. Tory nous autorise à sauter.
    Cette image, donc, serait, passée au prisme de la sublimation, l'expression graphique du désir paternel transgressant l'interdit suprême de l'inceste.

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  6. Excellente analyse que celle de ce cher Michel Onfreud.
    Mon côté coupeur de cheveux en quatre (un comble vu le nombre qui me restent sur le chef !) me fait toutefois me poser une question par rapport à la dernière phrase de l'avant-dernier paragraphe de cette fort intéressante intervention : un demi-siècle nous sépare de Mr Tory, vraiment ?

    Otto Naumme

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  7. Michel Onfreud18 avril, 2012 16:11

    "un demi-millénaire" eut été plus conforme à la chronologie... Ciel, un lapsus ! Permettez que je me retire : je dois en parler à mon analyste !

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    1. Mais non, une si petite erreur dans un si beau commentaire, ce n'est pas bien grave ! (et vu la superbe faute d'accord dans mon commentaire, c'est moi qui vais aller me cacher tout de suite là maintenant...)

      Otto Naumme

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