Du Grand Hôtel des valises,un rebondissement d’expériences indivises.
Éd. Robert & Lydie Dutrou
Voir : Le Mystère de l'Abeille, épisode 3
En Bourgogne, après le musée d’art brut où la carte de Ramon m’avait inspirée, je visitais l’atelier d’art graphique de La Métairie.
À la librairie, j’achète pour mon plaisir une reproduction en offset d’une illustration d’Alechinsky : « L’Image entre les lignes », j’aime beaucoup cet artiste. Mon investissement dans ce Mystère prend une forme inattendue : je décide de me séparer de cette carte que j’aime beaucoup, à la faveur de ce mystérieux Otto que je ne connais pas (mais vertueux commentateur de ce blog, rappelons-le).
Je recopie l’extrait d’un membre du groupe cobra dont fit partie Alechinsky : « Du Grand Hôtel des Valises, un rebondissement d’expériences indivises. », et pour pimenter, j’écris « Pétrograd » en russe, et date du mois d’octobre. C’est qu’il me fallait un peu lui compliquer le décryptage à notre Otto, hein! C’était comme une bouteille à la mer qui devrait susciter quelque intérêt : je renouvelle mon écriture manuscrite, j’introduis une dimension artistique avec la carte et le fil rouge Cobra, et j’espère jeter un doute avec le rebondissement des expériences indivises : ainsi, Otto s’interrogerait sûrement sur la possible participation de plusieurs personnes à ce mystère !
Eh bien non, personne n’a pensé comme j’aurais aimé que l’on pensât, et quelle déception devant la piètre reproduction su le blog, de ma carte photographiée par Otto. Mais enfin, Otto, que n’avez-vous pris votre compte-fil et regardé la trame, vous auriez vu qu’il s’agissait d’une impression en offset, quand même, et pas sur n’importe quel papier !
Otto, votre Mystérieux expéditeur commençait déjà à vous rendre grâce pour ce travail de rédaction qu’il vous infligeait malgré lui, c’était sa récompense… la première, car la seconde récompense résidait dans le foisonnement imaginatif des commentateurs, cette fois.
Otto se risque, mais oui ! Il identifie formellement son expéditeur comme étant un lecteur de Feuilles d’automne. Rendons hommage à sa perspicacité. Au passage, on note son vocabulaire qui progresse dans le sens pénal : l’expéditeur «récidive». On note aussi le détail qu’il nous rapporte : sa facteuse habituelle lui a donné l’enveloppe en mains propres. Tiens, tiens, et pourquoi ça «en mains propres» ?, alors qu’il avait balayé d’un coup droit l’hypothèse de la factrice ans l’épisode précédent.
Otto passe la seconde, il percute que son expéditeur soigne ses affranchissements en philatélie, et il se livre à une analyse scrupuleuse des cinq timbres différents collés sur une enveloppe bleue. Avec deux timbres à l’effigie d’abeilles en Francs, un timbre allemand en Deutsche Mark et un timbre norvégien en Couronne, la poste n’avait pas molli en les tamponnant « frénétiquement » (dixit Otto).
Otto voit un rébus, là où l’expéditeur s’était amusé à faire un patchwork de timbres des années 70 (les abeilles sur les timbres, il fallait les trouver quand même !), le tout agrémenté d’une friandise Haddock pour notre Otto qui trouverait bien matière à réagir (sur le colonialisme de Tintin, sa sexualité non aboutie, que sais-je ?).
George démarre la longue série des 142 brillants commentaires, il cartonne: les timbres de France, Allemagne et Norvège, représenteraient les trois pays frontaliers des pays dont les lettres de la ville capitale ont servi à dénommer le mouvement CoBrA : Copenhague, Bruxelles et Amsterdam. Que n’y avais-je pensé !, moi qui avais tout bonnement farfouillé dans un petit amas de vieux timbres dont j’étais bien contente de me débarrasser par incapacité de les jeter.
Bien entendu, George cite illico la source bibliographique de ma phrase manuscrite : un livre de Dotremont, un instigateur du mouvement Cobra. George est arrivé tout récemment sur le blog, on n’y est pas habitués, ça décoiffe… En peu de temps il se singularise et va être de taille à concurrencer SPiRitus, sa perspicacité et son aptitude à la diversion.
Marrant comme une hypothèse qui a les apparences de tenir la route se construit à côté de la plaque ! George cite, Gombrowicz, Cosmos, c'est tout à fait cela d'après ce que j'ai vu. L'exploitation du moindre indice, et aboutissement à l'absurde. Dans mon cas, il y a quand même quelques croisements organisés : Alechinsky et Dotremont, c'était bien à croiser vers le mouvement de cobra, le russe et le mois d’octobre, c’était pour l'aspect révolutionnaire (à ce moment, c'est la période anniversaire). Les timbres devaient donner une dimension internationale, oui, mais de là à cerner cobra comme le fait George, chapeau, je n'y avais pas pensé.
SPiRitus a la plume acérée, on s’interrogera parfois à savoir si l’abondance des éléments retranscrits par Otto l’insupporte ou s’il se pique au jeu de démasquer «l’impétrant» comme dirait Otto. (Meuh non, Otto, je ne suis pas une impétrante.) Bref, SPiRitus est contraint de composer avec ses petits camarades, du coup, il esquisse un commentaire assez éthéré. D’abord, il cherche un russophone dans la salle pour comprendre le sens de «pemporpad». Notons au passage qu’il transcrit parfaitement en phonétique ce que j’avais écrit en cyrillique. Alors SpiRitus, auriez-vous saisi les lettres cyrilliques et procédé à une simulation de clavier russe pour en obtenir la transcription ? Dites-nous.
Pour les fameuses expériences indivises, SPiRitus fait une haute envolée sur une tout autre piste que celle de George : la piste Sexe & caractère publié par Otto Weininger. Après Otto Ganz, l’auteur du petit livre Contre la propriété sentimentale, c’est ma foi bien trouvé. Même prénom, et en prime on pimente le sentiment. Bref, tout ce qu’il faut en somme pour faire naviguer notre Otto à nous en eaux troubles. C’en était beaucoup pour Otto, quand même avec du cobra et du Sexe caractérisé ! Toutefois, moi qui misais sur l’aspect suggestif de la carte d’Alechinsky « L’Image entre les lignes », je ne suis pas déçue !
Souvenez-vous, Otto avait tenté de se renseigner directement auprès de l’éditeur belge L’Âne qui butine sur l’identité du commanditaire.
Cette fois, c’est SPiRitus qui nous avoue avoir «enquêté du côté d'in-8 ce week-end, mais sans succès : j'ai appris à Olivier ***, le boss de cette maison, qu'il existait en ces lieux un buzz autour de son Jacques Abeille... ce qu'il ignorait, donc.» (In-8, c’était la maison d'édition du livre constitutif de ce Mystère : Séraphine, la Kimboiseuse.)
Sous l’angle des expériences indivises, le Mystère commence sérieusement à prendre corps…
Pendant ce temps, dans les coulisses, la tension monte avec le Tenancier. En voici un aperçu :
ArD : « Oulalala, redoutable votre George !! Ah, vous avez eu une riche idée en le convoquant, Vous ! Ça va me compliquer la suite, tout ça.
— Je ne l'ai pas convoqué! J'ai rien fait. Réorientez Weaver sur Jimmy Gladiator. Après tout, s'il ne vous connait pas, vous pouvez tout à fait lui demander qui c'est, non ?
— Ah non, Tenancier, il y a une règle pour bien conduire une farce : ne pas être à la fois le farceur et le suspect n° 1. Quel nez : le lien qu'il établit entre la Fabuloserie et les éditions Lydie et Robert Dutrou est remarquable !
— Et vous avez vu le commentaire de SPiRitus ???
— Ils sont très forts !»
.../…
"Ils sont très forts", l'instigatrice de ce Mystère également !
RépondreSupprimerEt j'avoue que, devant la marée d'informations et de leurres proposée, l'impression et le papier de la carte d'Alechinsky m'avait échappé.
Mais, plus globalement, avais-je l'air si naïf ?
Otto Naumme
Otto, il faut dire que le propre de cette histoire réside dans le fait que cela a échappé à tout le monde ! ArD le montre bien lorsqu'elle nous dit que les réactions des commentateurs ont été au-delà de son intention et qu'elle a sans cesse été débordée. Pour ma part, il y a des moments où j'ai eu beaucoup de mal à accrocher aux wagons, d'autant que, récipiendaire du secret, je devais marcher sur des œufs.
RépondreSupprimerDonc, vous n'avez pas eu l'air naïf, mais tout bonnement débordé, comme la plupart d'entre nous.
Mais Otto, le propre d'une farce qui marche, n'est-il pas de reposer sur l'exploitation de la crédulité sans arrière-pensée ou une quelconque manœuvre visant à satisfaire son propre intérêt ?
RépondreSupprimerRemettez-vous à votre place, comment ne pas être ouvert à toutes les interprétations possibles, alors que vous receviez des petits livres chaleureusement emballés, et alors que vous n'aviez rien demandé?!
ArD
Il est vrai que j'étais parfois déboussolé. Ravi de recevoir ces ouvrages, il faudrait être fait d'un drôle de bois pour ne pas l'être (j'ai failli la faire...). Mais aussi, c'est vrai, fort intéressé à l'idée de percer ce Mystère. Et, tout à l'excitation d'un nouvel Envoi, il est vrai que j'ai souvent manque de discernement.
RépondreSupprimerPour le reste, il est vrai que, globalement, toute notre petite assemblée a contribué à faire de ce Mystère bien plus que ce qu'il semblait devoir être au départ. Et qui ne s'en féliciterait ?
Et, pour finir, je vous rassure, ma question ne portait pas sur le fait que je vous soupçonnais de me prendre pour un idiot, mais bien plutôt s'adressait comme un reproche à moi-même...
Otto Naumme
Comme je suis en train de me retaper les 142 commentaires du troisième épisode, égayés par les interventions de Mlle Naumme, vous m'excuserez de n'avoir guère le temps d'intervenir ici.
RépondreSupprimerJe m'aperçois que j'éprouve de grandes difficultés à comprendre mes propres jeux de mots d'alors : il m'a fallu pas mal chercher pour saisir où j'évoquais phonétiquement par deux fois le patronyme de cls dans la phrase : « Je souligne, accessoirement, que le cher homme est leaucoup trop occupé ces temps-ci pour s'adonner à ce genre de facéties, voire même lire nos échanges. » Et « relancer Wagner » devait naturellement évoquer Roland C. Wagner, j'ai mis du temps à m'en apercevoir…
On n'a pas été aussi forts que ça, au final (SPiRitus excepté, bien entendu), mais ce qui me surprend le plus, chère ArD, c'est que vous n'ayez pas songé, en collant les timbres sur ce troisième envoi, que leur disposition évoquerait en creux CoBrA ! Et la coïncidence de l'arrivée d'Otto Weininger, débusqué par SPiRitus, est tout aussi étonnante…
Une petite critique, au sujet du dialogue final du présent billet : les deuxième et troisième répliques sont toutes deux du Tenancier, ce qui induit quelque perplexité chez le lecteur…
Une autre fausse piste détournante : la lecture par Otto des caractères cyrilliques comme du grec, ce qui nous ramenait vers Jimmy Gladiator (qui existe bel et bien, heureusement pour lui : j'ai reçu de ses nouvelles pas plus tard qu'aujourd'hui !) Mais je ne vois pas bien en quoi la révolution d'octobre (ArD nous a vite ramenés vers une lecture cyrillique du terme, "Petrograd") et l'internationalisme auraient pu nous diriger vers un semblant de résolution de l'énigme…
RépondreSupprimerAu fait, j'ai retrouvé depuis le nom qui désigne ces furieux de l'interprétation à tout-va : pansémiotique. Je compte leur consacrer chez moi un billet, un de cesjoours…
Bien vu George, je vais demander au Tenancier de confondre les deux tirets en un seul.
RépondreSupprimerAurez-vous noté qu'en titre, nous avons «3e tentacule, 1er tronçon». Le 2d tronçon va venir.
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ArD
C'est fait. A la suite de petits problèmes de typo, j'avais mis un peu le désordre dans les tirets.
SupprimerÀ un de ces jours, donc.
RépondreSupprimerÀ la relecture, j'aperçois une nouvelle fausse piste qui aurait pu égarer les tordeurs de mots qui infestent ce blogue.
RépondreSupprimerLe 8 novembre 2009, à 19h03 (heure véritable, mais qui s'affiche présentement "10:03 AM" à cause des fantaisies de Blogueur), Otto emploie le vilain mot de "corbeau" pour désigner le ME (dont la féminité n'était pas acquise à l'époque). Or tout au long du fil des commentaires il est question du groupe CoBrA, à quoi il ne manque que deux voyelles, e et u, pour former l'anagramme du mot désignant le sinistre volatile cher à Poe : on aurait donc pu penser que le ME-corbeau tenait ainsi à insister en douce sur la piste CoBrA : CoBrA a eu Otto…
Je dirais même mieux, George, en langage phonétique, il ne nous manquait qu'une seule voyelle (corbo)!
RépondreSupprimerOn repartirait presque pour un tour...
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ArD
Hé, hé… on aurait aussi, du coup, pu embrayer sur le film de Preminger de 1949, Le Mystérieux Docteur Korvo, ce qui aurait pu amener à accréditer l'hypothèse selon laquelle c'était bien notre ME qui signait certains commentaires de pseudonymes hollywoodiens…
SupprimerOn pourrait maintenant, à l'instar de Pierre Bayard — qui s'efforce dans Qui a tué Roger Ackroyd ? de démontrer que le meurtrier, dans Le meurtre de Roger Ackroyd n'est pas celui que démasque Poirot — s'attacher à prouver qu'en réalité ArD ne fut nullement notre ME…
… mais à repenser à cette histoire d'anagramme, je dois reconnaître que la solution de ce Mystère de l'Abeille nous était donnée d'entrée dans son éclatante évidence, puisque celui d'ArD n'est autre que… Dar[d] !
RépondreSupprimerPardon : celle [l'anagramme] d'ArD.
RépondreSupprimerhttp://kebekmac.blogspot.com/2010/05/le-corbeau.html
RépondreSupprimerJoli blog...
SupprimerOtto Naumme
- http://www.labeilledelaternoise.fr/actualite/viewArticle.php?idArticle=1287
RépondreSupprimer- Le corbeau et l’abeille
Je puis devenir centenaire,
Disoit maître Corbeau, que cet espoir enfloit,
A l'Abeille qu'il persifloit
L'appellant insecte éphémère.
Qu'as-tu fait de tes jours? Qu'en fera-tu, voyons,
Lui répondit cette utile ouvrière :
Du miel que je produis, regarde les rayons ;
Ma vie est courte, mais entière,
Elle se passe à travailler :
Qu'importe, que plutôt ou que plus tard on meure ?
Cent ans d'oisiveté ne valent pas une heure
Que l'on a su bien employer.
Source et bibliographie :
Les quatre saisons littéraires. Printemps / Auteur : Desfontaines, François-Georges (1733-1825) / Éditeur : Clousier (Paris) / Date d'édition : 1785 / B.N.F
Cordialement.
Maizencore
Félicitations, Maizencore, pour avoir déniché cette fable ! même si dans le cas qui nous occupe, c'est le "corbeau" qui fournissait le plus de travail…
SupprimerPour ma part, je préfère largement une heure d'oisiveté à cent ans de travail…
Tiens, à propos de tentacules, je remarque que l'ami Shige vient de dégotter une chouette illustration…
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