La vente par correspondance du livre ne date pas de la création de ce réseau. Cela a presque toujours été une des activités du libraire d’occasion ou de bibliophilie. Auparavant – et j’y ai déjà fait allusion ici – ces ventes se faisaient sur catalogue papier. A cette fin, on rassemblait une quantité d’ouvrages d’une certaine valeur que l’on commençait tout d’abord par collationner. Le recollement des livres permet, encore maintenant, au premier stade de vérifier l’état de ceux-ci. A cette époque, cela permettait de présenter le meilleur de sa marchandise et celle que l’on était assuré de vendre, car l’élaboration d’un catalogue était parfois coûteuse à réaliser. En effet, on a vu des catalogues dépasser allègrement la soixantaine de pages pour 300, 400 voire 500 amateurs ou plus encore. On s’en doute, cela coûtait cher à éditer. Il fallait donc une rentabilité maximale en s’assurant de la viabilité des ouvrages mis en vente. Ainsi, il ne servait à rien, à l’époque, d’insérer des petits ouvrages anecdotiques que l’on pouvait du reste tout aussi bien vendre en boutique, par ailleurs. Une fois cette sélection faite, il fallait établi un descriptif utilisable pour la rédaction du catalogue. Pour cela, donc, on faisait des fiches. Chacun avait sa méthode, mais on y retrouvait immanquablement le nom de l’auteur, le titre, l’édition (date, lieu, nom), la « notice » (ou l’on peut trouver le nom de la collection, le traducteur, etc.) et enfin l’état du livre. Cet état était rédigé à l’aide d’abréviation que les lecteurs habitués du blog connaissent pour en avoir vu la liste ici. Ces abréviations étaient indispensables pour grappiller de la place dans les pages et ainsi d’y mettre le plus de notice de livres possible.
Le rassemblement de ces fiches constituées était la première étape du catalogue, elles étaient utilisées pour la rédaction mais également, une fois la vente passée, ou le catalogue réalisé, aux archives de la librairie. Ces monceaux de fiches constituaient ainsi une sorte de bibliographie privée qui permettait de retrouver les traces d’une ancienne vente, le prix de vente de l’ouvrage et également toute note que le libraire aura bien voulu laisser.
Exemple de fiche réalisée sur une fiche bristol quadrillée. Il n'est pas rare de trouver des numéros de revues qui sont souvent recherchés pour des préoriginales, voire des inédits.
Même type de fiche portant sur une originale de Daudet. L'annotation chiffrée en bas à gauche semble indiquer que l'ouvrage a été mis en vente (ou vendu) au prix de 220 francs au catalogue n° 72 de ce libraire.Or, il s’avère que depuis plus de quinze ans désormais, ces clients se sédentarisent, cherchant leur provende par écran interposé. Le libraire, rompu au catalogage ou non fut donc contraint d’étendre la pratique du fichage des livres à ses exemplaires les plus modestes. Les catalogues papiers ne sont plus désormais réservés qu’à des livres de plus en plus prestigieux et dans un cénacle de clientèle qui ne fréquente guère le tout venant de la librairie d’ancien ou d’occasion. Certes, je grossis le trait. Des catalogues existent toujours et certains sont accessibles. Mais ils ne sont plus aussi nombreux qu’avant. Ainsi donc, le libraire fut contraint de rédiger des fiches pour vendre ses livres sur le net. A cette fin, bien évidemment, il fallut dire au revoir à la bonne vieille fiche bristol et adopter des logiciels qui allaient permettre de remplir avec plus ou moins de bonheur la même fonction. On en citera quelques uns comme dBase III, dBase IV, Access et tous les développements qui purent être réalisés à partir de ces bases, souvent d’incroyables usines à gaz créées par des gens qui ne semblaient avoir jamais vu un livre de près. D’autres logiciels furent élaborés avec plus de bonheur et adoptés par quelques libraires, permettant des intégrations automatiques des listes sur les sites, une gestion intégrée, etc. D’autres, la majorité, je pense, utilisent un bête tableur, payant ou gratuit comme Open Office, suite bureautique devenue célèbre grâce à la publicité faite sur son pare-feu (oui, je plaisante, là…). C’est mon cas. J’avais déjà utilisé – par dBase – des bases de données et connaissait assez bien les possibilités qu’offraient ces logiciels, ne serait-ce que pour les ordres de classement ou la recherche d’un livre ou d’une référence…
Cette fiche semble s'intégrer dans un classement thématique. On voit que le format et la disposition des informations est au libre choix de son rédacteur, selon ses besoins.
Mais, on a eu beau changer de méthode, le fond du métier reste. On doit toujours collationner un ouvrage, le décrire, en détailler les caractéristiques pour une personne qui n’a pas l’ouvrage dans les mains. La différence réside dans le fait que cette pratique réservée la plupart du temps à des ouvrages de bibliophilie, des éditions rares, des originales, s’applique désormais à tous les ouvrages que le libraire voudra mettre en vente. En clair : nous cataloguons des livres que nous n’aurions pas fichés auparavant. Ainsi, la pratique du catalogage s’est étendue à tout le métier et devient l’activité principale du professionnel. Il faut savoir que, désormais, les deux tiers – au bas mot – des ventes se réalisent sur le net. On ne peut plus espérer survivre sans ces précieuses bases et sans un travail continuel d’actualisation de celles-ci.Celle-ci est plutôt lapidaire mais comporte pourtant tous les renseignements nécessaires à l'établissement du catalogue. Généralement, les indications d'état était mentionnées lors de la rédaction du catalogue et non pendant la préparation de la fiche. Mais, là aussi, cela dépendait des habitudes du libraire.
Capture d'écran de la liste des ouvrages du Tenancier. Le travail reste le même, le support change et l'éventail des livres fichés est étendu à des titres plus modestes. Chaque colonne détermine un aspect de la description de l'ouvrage. Nous n'en voyons ici qu'une partie.
Est-on du reste parfois si éloignés du paroxysme ?
La cendre et la poussière des livres disparus sont au moins un linceul palpable.
Ou à la merci d'une manipulation aussi intempestive que fortuite qui vous renvoie à vos cartons quadrillés !
RépondreSupprimerMais, C. Watson, un carton quadrillé est difficile à intégrer à un site de vente sur le net... Je parlerai un de ces jours de la sujétion de plus en plus grandissante des véritables professionnels à ces fameux sites de vente, esclavage assez consenti du fait de la mentalité de la plupart de nos confrères.
RépondreSupprimerCher Tenancier, je trouve vos propos quelque peu sibyllins, voire hermétiques, parlez, voyons, il ne vous sera fait aucun mal!
RépondreSupprimerMais je n'ai pas pas peur. Seulement, il faut savoir garder quelques sujets par devant soi pour alimenter ce blog. Si je dis tout d'un coup, que vais-je vous raconter ensuite, hein ?
RépondreSupprimerEnsuite vous pourriez nous-vous re-raconter, ça me va très bien :-)
RépondreSupprimerC'est simplement que le Tenancier aime à se faire désirer, en fait.
RépondreSupprimerC'est un délicat...
Otto Naumme
C'est gentil, ce que vous dites là, Otto.
RépondreSupprimerQuand la cendre et la poussière sont le liceul palpable des livres, la dernière sauvegarde avant un flash électromagnétique serait une dépouille résurrectionnelle, et une ischémie cérébrale du libraire, un cadavre transitoire...
RépondreSupprimerAu fait, Tenancier, avec ce nouveau type de fichage, vous, par exemple, conservez-vous la trace de vos ventes ou supprimez-vous tout simplement la référence de votre catalogue numérique?
ArD
Bien sûr, je garde la trace de mes ventes en transférant celle-ci dans un nouveau fichier. Pratique en tout point analogue au travail sur papier.
RépondreSupprimer« Analogue » dites vous. Pas tant que ça, car on note que pas une fiche manuelle n'est complète : quand le descriptif de l'état du livre est détaillé, il manque le format et le nombre de pages.
RépondreSupprimerArD
Oui, celle-là est fautive. Bonne observation de votre part, ArD. Généralement, ces renseignements de base sont consignés sur les fiches. L'erreur a dû être rattrapée à la rédaction du catalogue, je pense.
RépondreSupprimerOui, mais on se demande bien ce que certains fichaient, à ce moment-là ?
RépondreSupprimerOtto Naumme
Je suis consterné.
RépondreSupprimerOtto, s'il vous plait, soyez plus compréhensif envers notre Tenancier, vous allez nous le chiffonner.
RépondreSupprimerIl n'avait qu'à pas nous balancer ses fiches au nez !
RépondreSupprimerOtto Naumme
Otto, vos jeux de mots, mon ami, font de vous une sorte de Thénardier du Vermot, indispensable donc : Sans Thénardier pas de causette, CQFD
RépondreSupprimerCelle-ci mérite mes hommages, Tenancier.
RépondreSupprimerC'est Jean Valjean qu'on devient enjôlé, et de là, bout-rimeur.
Et c'est moi qu'on vient bader pour ses jeux de mots ! Pfff...
RépondreSupprimerOtto Naumme