Le Tenancier, Phil et l'Araignée

Il y a plusieurs mois, Phil me causait d'un terme lié au papier et qui était en rapport avec l'araignée à l'occasion d'une de nos conversations autour de la bibliophilie. Je n'avais su lui répondre. Si le boucher ou l'entomologiste est familier du mot, les amateurs de papier que j'avais interrogés n'avaient su répondre à ma requête. Las, pas d'araignée à tisser sa mélancolie entre les rames, sinon que dans les bibliothèques en deshérence et peut être dans les rais de lumière qui s'insinuent dans l'antre du philosophe...

C'était sans compter sur le hasard, une délicieuse homophonie et une très riche confusion de la part de mon interlocuteur. En effet, il ne fallait pas parler d'araignée mais de l'une de ses déclinaisons un peu minuscules à savoir l'épeire et surtout l'écrire un peu différemment (épair est le terme que nous recherchions). Phil m'avait induit en erreur et avait instillé en moi une ténue irritation, comme ces maux discrets qui vous reviennent sourdement, parfois, et que l'on n'arrive guère à éradiquer. Me voici au bout du compte, mon cher Phil, fort soulagé. Remercions le hasard qui me fit ranger une petite brochure que je traîne depuis des années, « L'art de soigner ses livres reliés », plaquette éditée par Michel de L'Ormeraie que je gardais plutôt par "collectionnite" et que j'ouvris distraitement à l'endroit même où je fis la découverte...
Je connaissais, certes, le terme, mais le rapprochement ne s'était pas opéré. J'étais passé à côté. Jusqu'à ce soir.

Reprenons la définition :

Épair : Aspect du papier vu par transparence. Le papier Japon a un épair d'exceptionnelle beauté.

Remercions également Phil pour cet embrouillement poétique qui fait le charme de notre métier et qui devient un véritable plaisir lorsqu'il est résolu. C'est l'une des rares fois où cette confusion ne s'applique pas à un titre de livre mais à ce qui fait sa substance, sa matérialité.

Ill.  Odilon Redon