br. ou cart. ?

Les sites avec lesquels je travaille transmettent parfois des questions de clients à propos de l'état des ouvrages, ou bien sur le contenu. Les échanges sont souvent intéressants et pour peu que l'interlocuteur fasse preuve de courtoisie, cela devient un véritable plaisir. A ce moment là, il importe vraiment peu que l'ouvrage fasse 7,50 €, 75 € ou 750 €. Si je retranscris ici cet échange, c'est qu'il est parfois symptomatique d'une incompréhension entre le libraire d'occasion et sa clientèle éventuelle, et la nécessité pour le premier de toujours faire preuve de pédagogie...



Voici la question du client : Bonjour, l'exemplaire que je possède (en mauvais état), est relié et couverture rigide . Ce qui m'intéresse surtout, est l'état de la jaquette, celle-ci comporte en haut gauche SWIFT puis au dessous Voyages de Gulliver, en bas Editions R. Simon. ma question: cette jaquette est-elle en très bon état?
[...]
> Titre : Voyages de Gulliver
> Auteur : Swift (Jonathan)
> Éditeur : Editions R. Simon
> N° de référence : 03264
> Prix : EUR 7.5
> Description : Poids : moyen. in-12, 286 pp non coupées, br - bel ex. Précédés d'une notice biographique et littéraire par Ville.
Monsieur,

L'édition que je possède est brochée, ne comporte pas de jaquette et, à m'a connaissance ne devait pas en posséder comme votre édition cartonnée.
Je vous incite à explorer d'autres sites comme livre-rare-book ou Galaxidion qui peuvent présenter des livres qui ne se trouvent pas forcément sur Abebooks...
Sincèrement,

Yves Letort - Feuilles d'automne
Bonjour, mon livre qui a les mêmes caractéristiques que le votre, et dont j'ai collé la page de présentation et de "tranche" à l'intérieur m'a été offert il y a maintenant 50 ans, j'ai 63 ans. Il avait alors sa jaquette en état, et était aussi en parfait état; Il ne comporte aucune mention sur la couverture rigide (cartonnée) s'il en est de même pour le votre, je serai tenté de dire que c'est votre livre qui a perdu sa jaquette. De toute façons, c'est avant tout d'avoir une jaquette en état qui m'intéresse. Un très grand merci pour votre aimable et plus que complète réponse.
au revoir, cordialement H*** J***
Cher Monsieur,

Merci pour votre appréciation. Il semble tout de même que nous ne possédons pas le même exemplaire. La faute à notre jargon. Lorsque j'indique qu'un ouvrage est broché, cela signifie qu'il a une couverture papier - généralement illustrée, ce qui est le cas ici - et que l'on a tendance à appeler "une couverture souple". Il semble que l'éditeur ait fait paraître deux types d'éditions, chose fort courante à l'époque, la cartonnée faisant figure d'édition un peu plus luxueuse, avec jaquette. Bien entendu, l'édition brochée n'avait nul besoin de jaquette et cela pour plusieurs raisons :
- La minceur du papier : enrouler une jaquette autour aurait posé des problèmes de tenue
- De redondance : la couverture de l'ouvrage broché étant déjà illustrée, aucun intérêt d'en remettre une autre par-dessus
- De moeurs éditoriales : la jaquette sur livre broché intervient sur des ouvrages qui font partie d'une collection et dont on veut en distinguer certains (par exemple, vers les années 70, les ouvrages de Yourcenar en collection Blanche ont tous reçu une jaquette)
- De coût de fabrication
A contrario, le recours à une jaquette pour un livre cartonné est évident.
En conclusion, il vous faut rechercher un ouvrage cartonné (j'utilise souvent l'abréviation "cart." dans mes descriptifs pour cartonné et "br." pour broché) et dont la jaquette est mentionnée. Cela donnerait à peu près ça dans le descriptif :
in-12, 286 pp, cart. sous jaquette illustrée de l'éditeur - bel ex. Précédés d'une notice biographique et littéraire par Ville.
Je n'ai pas vu cela dans le site d'Abebooks, les ouvrages de mes confrères semblent tous brochés. Il va falloir vous armer de patience...
Bien cordialement,

Yves Letort - feuilles d'automne


Comme on le voit, des termes qui tombent sous le sens pour un libraire le sont pas forcément pour un amateur. Ainsi, le terme "broché" a fait l'objet ici d'un quiproquo. Il n'est pas rare que l'on soit obligé de revenir sur les descriptifs de nos ouvrages. Mais que faire ? Le professionnel a besoin de faire preuve de rapidité et le recours aux abréviations et aux formules lapidaires sont autant de temps de gagné pour mettre un autre ouvrage en vente. Il existe bien des répertoires d'abréviations, nous y avions consacré un rubrique ici même. Nous en trouvons pléthore sur le net. Mais il faut bien constater que ces répertoires, listes et autres dictionnaires ne touchent que les personnes déjà concernées par le livre et non le chercheur occasionnel.
Répétons-le encore : cet échange plus haut fut un réel plaisir pour moi. Le partage d'une connaissance est toujours une joie. On demeure tout de même un peu déçu lorsqu'un élément de son métier est méconnu des autres personnes..

7 commentaires:

  1. Je comprends vos sentiments "bipolaires", entre contentement et déception.
    Pour ma part, j'aurai tendance à penser qu'effectivement il est encore de vastes pans de votre métier que le simple lecteur ne connaît pas. Et qu'il est possible de lui inculquer assez facilement. Il y a déjà ces fameuses abréviations dont vous nous donnâtes une fort intéressante liste (et le sieur Laucou un non moins hilarant double). Mais il peut également y avoir une sorte de dictionnaire illustré. Pour prendre l'exemple de votre article, la photo d'un ouvrage broché et d'un autre cartonné, avec jaquette et tutti quanti.
    Pas une mince tâche, je vous l'accorde, mais si cela peut amener à l'édification des lecteurs, n'est-ce pas ?

    Otto Naumme

    RépondreSupprimer
  2. Cher Otto, un site existe sur le sujet et je suis enchanté que vous me donniez l'occasion de le citer.
    C'est ici que ça se passe :
    http://vocabulaire.irht.cnrs.fr/vocab.htm
    Il comporte quelques illustrations et j'avoue qu'il m'aide beaucoup lorsque je sèche !

    RépondreSupprimer
  3. Au risque de me faire taper sur le biniou, je dirais que ce billet cartonne, même si l'ami Otto eût certes préféré une bonne viande à la broche !

    Car (tonnez, tonnez, Tenancier !) je [br]oche la tête et branle le chef face à vos étonnements.

    Je dirais même plus : je broche dard et taupe, hein !

    RépondreSupprimer
  4. Ah, au moins vous, cher George, faites quelques efforts pour remonter le niveau de cette noble assemblée ! Parce que vous remarquerez que lorsque l'on suggère quelques idées au Tenancier, icelui botte (de sept lieux) en touche, nous renvoyant vers le CNRS ! Au lieu de s'attacher de lui-même à cette oeuvre.
    Nous n'aurons donc pas pour la postérité "Le dico du Tenancier". Nous ferons sans.

    Otto Naumme

    RépondreSupprimer
  5. Ces histoires appuyées de "jaquette" mériteraient un coup de censure. Cela semble manquer ici !

    RépondreSupprimer
  6. Dominique, vous êtes encore sur le coup d'un traumatisme, semble-t-il.

    RépondreSupprimer

Les propos et opinions demeurent la propriété des personnes ayant rédigé les commentaires ainsi que les billets. Le Tenancier de ce blog ne saurait les réutiliser sans la permission de ces dites personnes. Les commentaires sont modérés a posteriori, cela signifie que le Tenancier se réserve la possibilité de supprimer des propos qui seraient hors des sujets de ce blog, ou ayant un contenu contraire à l'éthique ou à la "netiquette". Enfin, le Tenancier, après toutes ces raisons, ne peut que se montrer solidaire des propos qu'il a publiés. C'est bien fait pour lui.
Ah oui, au fait... Le Tenancier ne répondra plus aux commentaires anonymes. Prenez au moins un pseudo.

Donc, pensez à signer vos commentaires, merci !

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.