Le livre futur

" Parmi tant de réponses prestigieuses à la gloire de l'imprimerie, je crains bien que détonnent les quelques lignes que vous me faites l'honneur de me demander. Enfin, ces lignes seront-elles à leur place dans le Bulletin des Maîtres Imprimeurs ? Jugez s'il y a de quoi hésiter... J'ai vu de mes yeux un petit appareil devant lequel il est difficile de ne point penser qu'un jour viendra où l'imprimerie ne sera plus qu'un souvenir magnifique, mais un souvenir, une étape de l'histoire humaine... Qu'un jour viendra où, entre le cerveau qui crée et le cerveau qui accueille, un mode de communication sera réalisé qui supprimera le Livre et l'imprimerie elle-même. L'appareil que j'ai vu est une petite lampe électrique dans laquelle on insère une bande pelliculaire d'un mètre de long, d'un centimètre de hauteur. Cette bande peut contenir cinquante pages, qui se déroulent une à une lorsque, au lieu de tourner le feuillet, on presse sur une molette de la lampe. Chaque page est projetée sur n'importe quelle feuille blanche, formant écran, que l'on dresse devant soi. Deux bandes reproduisant cent pages tiennent dans une minuscule boîte cylindrique d'un demi-centimètre de diamètre, d'un centimètre de hauteur... Un jour, à la place des livres splendides, dans les bibliothèques futures, on verra ces rangées de tous petits étuis, ces capsules où seront contenues le Dante, le Shakespeare ou le Gustave Doré de l'avenir.
Un seul exemplaire de l'œuvre d'un écrivain, un seul exemplaire dactylographié, dessiné, enfin tracé sous quelque forme lisible que ce soit, et puis la reproduction photographique pelliculaire, à tirage illimité, de cet exemplaire, tel sera le livre futur.
Non plus que l'écrivain, le peintre des images qui illustreront l'œuvre, ni le dessinateur des lettres ne seront atteints. Mais... je ne puis achever, ô Maîtres imprimeurs. "


André Arnyvelde


Texte paru dans le Bulletin de l'Union Syndicale des Maîtres Imprimeurs, numéro de Noël 1928 : " L'imprimerie et la pensée moderne ". Chapitre XI : " Après l'imprimerie ".

16 commentaires:

  1. Merci pour ce "retour vers le futur"

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  2. Ô Tenancier, si d'aventure envie vous prenait d'une aération longue durée (le grand machin de Genève ou bien une cellule de chartreux, peu importe), n'oubliez pas, en partant, de me remettre les clés de votre bibliothèque.

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  3. Vous seriez sans aucun doute déçu. J'en ai plus vu passé (pensez-donc, 30 ans de métier !) que j'ai pu en garder...

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  4. Oups, "j'en ai plus vu passer". Aucune excuse, je me fais mes 100 lignes !

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  5. Tiens ! Un inachevé d'imprimer en dernière phrase. Rare et précieux.

    ArD

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  6. Ce texte de science-fiction va trop loin, c'est insupportable !

    Quoi, nos livres (mon Littré de 1882-1883, Hachette & Cie, en cinq volumes dont un Supplément...) si précieux, si doux au toucher, disparaîtraient un jour au profit d'appareils réduisant ou transformant la matière papière sous la rapière du modernisme ?

    Non, ne diffusez pas de telles idées sur votre blog, pitié ! Imaginez qu'un savant fou s'en saisisse ! Inconscient, va : c'est la mort des libraires que vous voulez (donc vous vous terrasssez - de Gutenberg - vous-même...) ?

    Resaisissez-vous tant qu'il est encore temps : effacez bien vite le texte de ce Monsieur Arnyvelde (un pseudo ?) !

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  7. Les imprimeurs-techniciens du futur ont introduit le péché de "molette" dans le temple du livre.

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  8. Non, Dominique Hasselman, Arnyvelde (1881-1942) ne semble pas être un pseudonyme, mais je peux me tromper sur ce point. C'est un auteur qui n'est pas vraiment confidentiel. Il apparaît aussi bien comme auteur que comme interviewé dans plusieurs revues littéraires ou généralistes. Il doit faire partie de la cohorte des seconds couteaux de l'entre-deux guerres. Il a cependant un rapport avec la littérature conjecturale sous forme de deux romans d'anticipation : Le Bacchus mutilé et L'arche Je n'ai pas lu ces deux ouvrages, je les cite sur la foi du Versins. C'est sans doute pour cette raison qu'il fut sollicité pour cet article. Asimov à peine 10 ans plus tard invente la reconnaissance vocale dans le premier chapitre de Fondation, encore un peu de patience et je crois que c'est Alfred Bester qui découvre le concept d'ordinateur individuel. Mais, il faut bien dire qu'à part ces quelques exemples (et pour être juste quelques autres encore) il a été dit bien des sottises en matière de prospective sur le livre. On continue du reste à en proférer à longueur de liens sur Facebook et autres lieux conviviaux, où l'on s'extasie au moindre bout de plastique avec des piles dedans.
    Cela dit, dans ce texte, Arnyvelde ne joue pas trop au guignol. Il décrit simplement un lecteur de microfilms !
    J'attends, Phil, qu'Otto survienne pour faire un jeu de mot sur "molette", je ne m'en sens pas, quant à moi le courage.
    On voit du reste que je reproduis ce texte sans l'autorisation des ayants-droit. Naturliche, je le retire immédiatement si cela contrarie.

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  9. Pourquoi faudrait-il qu'à chaque fois qu'il y a un jeu de mots vaseux à faire, il faille que ce soit moi qui m'y colle ?
    J'en connais, et non des moindres, qui ont toutes les compétences nécessaires pour nous divertir avec ce genre de saillies, non ?

    Quant au livre avec des piles dedans, va falloir que je me décide à faire quelque chose là-dessus pour notre Tenancier.
    Non pas que je renie mon engagement au FUICT, loin s'en faut ! Mais le sujet mérite quelqu'intelligente (du moins on l'espère) considération. Poil au menton.

    Otto Naumme

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  10. Considération et menton, ne font pas une rime riche, Otto.

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  11. Ces jours-ci a été présenté un nouveau e-book, plus léger, plus puissant, plus ergonomique que tous les modèles vus jusqu'à présent. Il semble bien que pour la première fois, les plus technophobes mais visionnaires des lecteurs de vrais livres, ont entrevu avec résignation le destin tragique de leur bibliothèque en papier.

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  12. Il paraît que nous devrons construire 200 centrales nucléaire en plus dans le monde pour couvrir les besoins suscités par les gadgets électroniques...

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  13. Tenancier, fi donc !
    Poil au nichonc.

    Otto Naumme

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  14. Pour l'e-book, oui, bon, bref...
    Avant que ça se répande, faudra qu'il y ait pas mal d'évolutions, plus de DRM par exemple...
    Puis bon, la télé a pas tué le livre ou la presse, Internet a pas tué la presse (faut qu'elle évolue, qu'elle se remue pour aller vers plus de qualité, par contre...).
    Et l'e-book ne va pas tuer le livre.
    Cela dit, un e-book qui tombe en panne, ça rend e-chèvre, non ?

    Ais-je réellement besoin de signer ?

    Otto Naumme

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  15. Pendant l'occupation, il y a un film qui a été censuré, il s'intitulait "Jonas", si je me souviens bien. Ce n'était pas pour des raisons politiques mais pour "imbécilité" ! Mon cher Otto, malgré tout l'affection et l'amitié que je vous porte, si vous continuez comme ça, vous allez subir le même sort. Faites un effort, mon vieux...

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  16. Fi donc... Commencez vous-même par faire un effort, en n'écorchant point ma supposée "imbécillité", s'il vous plaît, jeune homme !
    Et je ne vous savais point maniaque de la paire de ciseaux. Un petit relent de sadisme castrateur ? Psssss....

    Otto Naumme

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Ah oui, au fait... Le Tenancier ne répondra plus aux commentaires anonymes. Prenez au moins un pseudo.

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