Traduttore, tradittore ?

Comme plus de 500 confrères, je vends mes livres par l’intermédiaire du site Livre-rare-book.com.
L’une des « fonctionnalités » du site consiste dans le fait que vous pouvez nous contacter pour lancer une recherche autour d’un livre, faire vos remarques ainsi que vos réclamations. Il y a peu de temps, nous avons reçu le mot suivant :

Courrier :
« Madame, Monsieur,

J'ai visité avec un grand intérêt votre site et y ai découvert plusieurs des ouvrages que j'ai eu le plaisir de traduire. Je relève que vous y citez les titres, le nom des auteurs et des éditeurs, et à vous lire on a l'impression que ce livre a été écrit directement en français.
Mon nom cependant ne figure nulle part dans votre recension.
Comme si mon travail n'existait pas. Puis-je vous rappeler que le code de la propriété intellectuelle, qui reconnaît au traducteur le statut d'auteur, le code des usages pour la traduction d'une oeuvre de littérature générale, la norme AFNOR NF Z 41-004 rendent obligatoire " la mention du nom du traducteur partout où est cité le titre de l’œuvre, quels que soient la nature et le mode de diffusion de celle-ci : presse, édition, théâtre, radio, télévision, cinéma ", etc.
Certaine qu'il ne s'agit que d'un oubli regrettable de votre part, oubli que vous aurez à cœur de réparer au plus vite, et dans l'attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur, à l'expression de mes sentiments distingués. »
Ici, vous auriez dû trouver la signature. Comme je n’ai pas demandé l’autorisation de reproduire cette lettre nous laisserons cette personne dans l’anonymat. Signalons seulement que, parmi les livres dont elle s’est occupée, certains ont atteint un tirage confortable.
Voici ma réponse, envoyée directement à la personne mais également par le canal de livre-rare-book :

« Chère Madame,
J'ai lu avec intérêt votre remarque à propos de la mention du traducteur dans les notices établies par les libraires. C'est une pratique à laquelle je me soumets biens volontiers pour ma part et ce pour deux raisons au moins.
La première est la courtoisie élémentaire que l'on doit au "pourvoyeur" d'un texte.
La seconde est le besoin de précision lorsqu'il s'agit d'un texte ayant eu plusieurs traductions ou bien alors si le traducteur est quelqu'un dont l'importance pourrait attirer le connaisseur, le bibliomane, voire le bibliophile.
En revanche, ce que vous mentionnez pour les normes ISO me surprend quelque peu. Je pensais que cette norme n'était valable que pour la vaillante corporation des bibliothécaires et des archivistes... Par ailleurs, ce sont des recommandations et non des obligations... Je remarque d'ailleurs que la tradition de la librairie - antérieure à ces normes - a intégré depuis très longtemps ce genre de mention dans la rédaction des catalogues de vente ainsi que dans les notices sur internet. Si ces mentions sont absentes, il peut s'agir soit d'un bouquiniste pressé ou d'un libraire inattentif. On pourrait aussi invoquer l'ignorance des usages. Cependant, je trouve dommage que vous invoquiez une norme comme impérative, et même comme une obligation légale, là où il n'aurait fallu - comme vous l'avez fait au début de votre intervention - qu'un simple rappel au bon sens et à la reconnaissance de votre travail, ce que, pour ma part, je vous reconnais bien volontiers.
Je pense que le dialogue avec les libraires est toujours possible et préférable. Je regrette que la frustration de ne pas retrouver votre nom dans des notices vous pousse à nous imposer une correction édictée vraisemblablement par des gens qui n'ont qu'un aperçu lointain du catalogage en librairie.
Je vous prie, d'accepter, chère Madame, mes cordiales salutations.

Yves Letort - Feuilles d'automne »

Les interventions de quelques confrères ont été autrement plus virulentes que la mienne. A la réflexion, je leur donne raison a posteriori. Il y a un certain manque de savoir-vivre a assortir une réclamation d’une apparence de réglementation ou d’obligation administrative, comme si l’on voulait sanctionner une faute. Ce manque d’humilité est irritant. Irritante également cette obligation hypothétique.
Enfin, j’espère qu’elle l’est ! Parce que si l’on a le devoir d’appliquer les normes ISO, AFNOR ou autre à la description de nos ouvrages, nous avons du souci à nous faire. Et cela risque d’être plutôt triste pour la lecture de nos notices.
Mais la sottise réglementaire n’as pas de fond.

3 commentaires:

  1. Du reste, cher Yves, vous devriez connaître la norme ISO 92-748, adoptée également sous le nom d'AFNOR 47GK218, qui tend à définir ce que doit être un article de blog harmonieux : pas de phrase de plus de six mots ; une seule conjonction ; utilisation du correcteur orthographique et grammatical de votre logiciel de traitement de texte (Mot) afin de rajouter les bévues qui n'y figureraient déjà.
    Et je ne cite là que les principales mesures des 77 chapitres de cette norme que je vous invite à découvrir sur le site de l'ISO.
    A défaut, l'organisme normatif se verra contraint de vous poursuivre devant les juridictions compétentes. En vous rappelant que toute virgule ou point d'exclamation superfétatoire peut être puni d'une amende de 15 000 Euros et d'un stage de "sensibilisation à l'écriture Ouaibe" de 7 jours payable par le contrevenant.

    Pour la Police de la Pensée, des Blogs et de l'Industrie Virtuelle,

    Otto Naumme

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  2. Tiens tiens, voilà qui rappelle fort un échange que nous avions cité sur notre blog - vous vous souvenez ? -, dans lequel un libraire qui n'appréciait pas nos manières, pour nous le faire savoir s'appuyait sur le code du commerce et la loi sur le prix unique du livre (qu'il interprétait de travers), et bouclait le paragraphe sur un effrayant "Nul n'est censé ignorer...". Brrr, on en tremble encore.
    Bien d'accord avec votre conclusion.
    De plus il me semble, pour ce que j'en connais (pas grand chose, je l'admets), que les normes ISO et Cie servent bien souvent de cache misère, incitant ceux qui en dépendent ou souhaitent en dépendre à ne se plier qu'aux points listés et vérifiés par le organismes certificateurs - dans le but de ne pas perdre ou d'obtenir la chère certification -, et souvent au détriment du reste... les usages, des rapports humains et oui, un certain savoir-vivre.

    Merci au passage pour vos bibliographies omajajariques.

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